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Le Jardin des sens

 Le Jardin des sens

 Nathalie NABERT

Albin Michel, 2011
199 p.

                                           

On pourrait penser que la vie monastique pour plus de dépouillement essaye de se défaire de ce qui touche aux sens. C’était vrai autrefois dans une démarche mal comprise et mal enseignée à propos du renoncement aux « choses » du monde. C’était vrai aussi chez les nouveaux moines blancs cisterciens des 11° et 12ième siècles, qui réagissant contre les fastes excessifs des moines noirs de Cluny, ont fondé un « nouveau monastère » dont les admirables bâtiments ( après tout de même des années de vie dans des lieux sommaires) étaient d’une grande austérité pour que l’esprit  des moines, pendant la prière,  ne soit pas distrait. Mais c’est pourtant saint Bernard , à Clairvaux, au 12ième s. qui, dans ses sermons incomparables, et en particulier dans son Commentaire du Cantique des cantiques, mit hautement en valeur la portée spirituelle des cinq sens.

Nathalie Nabert, spécialiste renommée du monachisme et de la tradition cartusienne (moines chartreux) nous présente dans son livre au titre bien choisi ,« le Jardin des sens », toute la portée d’un bon usage des cinq sens. Elle en évoque peu leur réalité concrète à l’intérieur du monastère et on peut le regretter, pour nous entraîner très vite à une lecture spirituelle et mystique. Ce qui n’en rend pas l’accès facile à tous publics d’autant que le texte d’un style très littéraire est parsemé de mots « difficiles » inclus dans un discours de spécialiste :  (hypotypose, tropes, fruition divine, apophatique, oxymore, champ métaphorique de la réfection…) .

 Est-il bien nécessaire d’user d’un tel langage pour évoquer l’inaccessibilité de la Parole divine ? On se sent du coup, peu encouragé vers cette démarche si belle soit-elle, mais qu’on pense réservée à une élite. Mais il ne s’agit pas là d’un livre de pédagogie et le but de l’auteur est peut-être de nous ouvrir les yeux sur un monde inconnu que fréquentèrent Hildegarde von Bingen , sainte Thérèse d’Avila ou saint Jean de la Croix.

Ceci dit ces pages sont bien sûr fort intéressantes et peuvent nous éclairer dans nos lectures bibliques et celles des pères cisterciens largement cités dans ce livre. Trente pages de notes complètent cette étude.

Beau chapitre sur « l’habit humble des moines », « tunique des anges »,  (p.37 et suivantes) qui présente l’histoire et la symbolique du vêtement monastique qui se veut « reflet de l’âme et des dispositions intérieures » (p.44).

Pourquoi le « jardin des sens » ? C’est à rapprocher du Jardin d’Eden, le Paradis perdu d’ Adam et Eve et toujours recherché par l’homme. Jardins des simples ou de plantes médicinales et aromatiques dont on retrouve de nos jours toute la beauté et l’utilité. Jardin de la cellule du chartreux . Jardins de nos villes et villages , presque une thérapie pour certains,

Jardins qui nous invitent à respecter la nature, les saisons, observer les couleurs, respirer les senteurs…

C’est une même quête à laquelle nous convie Nathalie Nabert si on désire faire connaissance avec le Jardin du Seigneur et peut-être l’approcher un peu. Ouvrir cette porte, est une expérience indicible et donc assez difficile à comprendre. Peut-on parler de l'amour si on n'a jamais aimé ?

« Nous cherchons ce que l’œil ne voit pas, ce que l’oreille n’entend pas, ce qui n’est pas monté jusqu’au cœur de l’homme. C’est cette chose-là, quelle qu’elle soit, qui nous plaît, nous attire, que nous désirons atteindre. » (Saint Bernard, sermon XI sur la Cantique, cité p.134)

Saint Bruno, père des Chartreux, disait à juste titre que seuls peuvent en parler ceux qui en ont fait l’expérience.

Allons voir dans notre Bible, le livre poétique du Cantique des cantiques, peu connu et encore moins lu dans nos églises. Les cinq sens y sont à l’honneur au premier comme au second degré de lecture.

 Extraits

-         Si le Verbe s’est fait chair, c’est pour nous, qui tout entiers sommes chair, que cela s’est fait : pour que nous, qui auparavant ne pouvions qu’entendre le Verbe de Dieu, nous puissions le voir maintenant fait chair, le goûter et faire appel à tous nos sens pour confirmer le témoignage de l’ouïe. De la sorte, c’est d’un commun accord et d’une seule voix que tous nos sens peuvent proclamer : « Ce que nous avons entendu, nous l’avons vu. » (p.161-162)

-         Saint Bernard ne lésine pas sur l’alchimie des images destinées à convaincre le moine des bienfaits de la vie ascétique qui dégage à la fois les parfums, les breuvages et les baumes de la guérison (p.103)

-         On peut parler avec saint Augustin des « sens du cœur et même plus spécifiiquement des « yeux et oreilles du cœur » qui sont ceux de la foi et de la rencontre mystérieuse. »(p.141)

-         Guillaume de Saint-Thierry décrit avec beaucoup de subtilité cette trace olfactive de Dieu dans le cœur aimant : «  Ô Dieu qui êtes proche de nous, qui n’êtes pas un Dieu lointain, lorsque vous commencez à vous approcher de nous et que vos consolations entreprennent de réjouir nos âmes, aussitôt, par l’odeur et le toucher de votre présence très salutaire, les sens de l’âme qui sont morts, revivent, la foi s’exalte, la confiance s’épanouit, le cœur s’enflamme, les larmes coulent, non pas celles qui éteignent la flamme, mais celles qui l’attisent. » (p.145-146)

DG

 

Mise à jour : Samedi 30 Décembre 2023, 20:00
Denyse dans 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch.1 à 42 - Lu 1005 fois - Version imprimable
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