Mercredi 09 Octobre 2024
REGLE de SAINT BENOÎT - RB 71-72-73
REGLE de SAINT BENOÎT
RB 71. Que les frères s’obéissent mutuellement
Ce n’est pas seulement à l’Abbé que tous doivent rendre le bien de l’obéissance : il faut encore que les frères s’obéissent les uns aux autres, sachant que c’est par cette voie de l’obéissance qu’ils iront à Dieu.
Plaçant avant tout les ordres de l’Abbé et des responsables qu’il a établis — ordres auxquels nous ne permettons pas de préférer ceux des particuliers — tous les jeunes obéiront pour le reste à leurs anciens, en toute charité et empressement.
S’il se rencontre quelqu’un qui ait l’esprit de contestation, il sera châtié.
Lorsqu’un frère est repris par l’Abbé ou par supérieur quelconque, quand ce serait pour une cause même légère, en n’importe quelle manière, s’il s’aperçoit que l’esprit de ce supérieur est irrité contre lui, ou ému même légèrement, aussitôt et sans délai il se prosternera par terre à ses pieds pour faire satisfaction et demeurera ainsi jusqu’à ce que la bénédiction lui ait fait connaître que l’émotion est calmée. Si quelqu’un, par mépris, refuse d’en agir ainsi, il subira une punition corporelle, et s’il demeure opiniâtre, on le chassera du monastère.
Même si ces consignes nous semblent un peu désuètes car elles s'appliquent effectivement à un fonctionnement monastique d'un autre temps avec notamment la présence d'enfants, on peut tout de même remarquer la valeur de bien des points comme « s'obéir les uns aux autres », le respect des anciens, l'attention à l'autre...
Suivre la Règle de saint Benoît qui s'appuie sur l'Evangile peut être une aide précieuse sur notre chemin chrétien. Les moines et moniales, depuis des siècles, ne s'y sont pas trompés.
- « Ce qui compte, ce n'est pas le fait d'exécuter un commandement mais l'amour qu'on y met. » (p.662) *
- S'obéir mutuellement : « Cela suppose que nous reconnaissions le visage du Christ en chacun de nos frères... Cela suppose délicatesse de ceux qui commandent et délicatesse de ceux qui obéissent. Humainement, ce n'est pas commode.... [Mais] nous avons part à la béatitude de Marie, la Mère de Jésus : Bienheureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique. » (p.663-664) *
RB 72. Le bon zèle que doivent avoir les moines
Comme il y a un zèle mauvais et amer, qui sépare de Dieu et conduit à l’enfer : de même il y a un bon zèle qui sépare des vices, et conduit à Dieu et à la vie éternelle. Les moines s’exerceront donc à ce zèle avec un très fervent amour :
Ils se préviendront d’honneur les uns les autres[ Rm 12, 10 ] ; se supporteront avec une extrême patience dans leurs infirmités, tant physiques que morales, et s’obéiront à l’envi.
Nul ne recherchera ce qu’il juge lui être utile, mais plutôt ce qui l’est aux autres.
Ils s’accorderont une chaste charité fraternelle ; craindront Dieu avec amour, et aimeront leur Abbé d’une charité humble et sincère.
Ils ne préféreront absolument rien au Christ, lequel daigne nous conduire tous ensemble à la vie éternelle !
On peut dire que ce chapitre 72 qui conclut la Règle la résume et souligne une dernière fois ce qui fait le cœur de la vie chrétienne : ne rien préférer au Christ qui nous conduit tous ensemble à la vie éternelle.
« La perfection chrétienne...est un dépassement, une perte de soi où on s'en remet à Dieu. C'est Dieu que l'on cherche, et non pas un idéal de vie morale et vertueuse. A l'amour, pas de mesure...
Est-ce Dieu que je cherche ? Est-ce toute ma vie, sans compromissions, qui est au service de cette recherche ?
Le Seigneur nous attend, il compte sur nous. Notre fidélité est source de grâces pour toute l'Eglise. » (p.669) *
RB 73. Toute la pratique de la justice n’est pas contenue dans cette Règle
.Nous avons écrit cette Règle, afin qu’en l’observant dans les monastères nous fassions preuve d’une certaine honnêteté de mœurs, ou du moins d’un commencement de vie religieuse. Pour celui qui aspire à la vie parfaite, il y a les enseignements des saints Pères, dont l’observation conduit l’homme au sommet de la perfection. Quelle est en effet la page, quelle est la parole d’autorité divine dans le Premier et le Nouveau Testament, qui ne soit une règle toute droite pour la conduite de notre vie ? Ou encore, quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous enseigne le droit chemin pour parvenir à notre Créateur ? En outre, les Conférences des Pères, leurs Institutions et leur Vies [il s’agit des traités de Jean Cassien, et des vies des Pères du désert], comme aussi la Règle de notre père saint ,Basile que sont-elles pour les moines qui vivent et obéissent comme il faut, sinon des instruments de vertus ? Pour nous autres relâchés, médiocres et négligents, il y a là de quoi rougir de confusion.
Qui que tu sois donc, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis, avec l’aide du Christ, cette ébauche de Règle écrite pour des débutants. C'est alors aux sommets de doctrine et de vertu évoqués plus haut que, sous la protection de Dieu, tu parviendras. Amen.
Nous voici donc au terme de notre lecture de la Règle de saint Benoît. Les moines et moniales eux, dès le lendemain, recommence leur lecture au Prologue. A nous de voir...
« Toi qui te hâtes : Vers quoi, vers qui nous hâtons-nous au fil de nos journées ?.......Pour chacun, la fidélité se trouve non pas dans ce qui, en soi, serait peut-être mieux, mais dans ce que Dieu nous demande aujourd'hui. C'est la condition de tout renouveau. » (p.672) *
Liberté – Tapisserie de Lurçat
------------------------------------------------
* Cf. Texte et commentaires de la Règle dans « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023
Mise à jour : Mardi 5 Novembre 2024, 16:53
Denyse
- rubrique 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73
-
- Permalien
- 0 commentaires
Dimanche 06 Octobre 2024
RB 68. Si l’on enjoint à un frère des choses impossibles
S’il l’on enjoint à un frère des choses difficiles ou impossibles, il recevra en toute mansuétude et obéissance le commandement qui lui est fait.
Cependant, s’il voit que le poids du fardeau excède tout à fait la mesure de ses forces, il fera connaître avec patience et au moment opportun, à son supérieur, les raisons de son impuissance, ne témoignant ni orgueil, ni résistance, ni contradiction.
Que si, sa suggestion entendue, le supérieur maintient l’ordre commandé, l’inférieur saura que la chose lui est avantageuse, et il obéira dans la charité, confiant que Dieu lui viendra en aide.
Mise au tombeau (15°s) - Eglise Saint-Martin, Pont-à-Mousson (54) - © D.G
Voilà qu'une demande nous est faite et nous semble impossible à satisfaire.
Ce qu'on remarque ici chez saint Benoît, c'est d'abord un accueil paisible : ni agacement, ni rejet systématique. Réfléchir d'abord à la possibilité d'obéir à cette demande. Mais il se peut effectivement que cela semble au-dessus de nos forces. Alors sans précipitation, avec patience, parlons-en à la personne qui nous a fait cette demande. Et en supposant sa bienveillance et sa compétence, suivons alors ce qui est finalement décidé.
C'est d'une grande sagesse. Souvent, ce qui nous semblait insurmontable n'est en réalité pas si difficile et se révèle bénéfique. Tentons l'expérience le jour où cela se présente.
« Pour être fidèles à l'heure des choses difficiles, il faut l'avoir été dans les petites choses... Confiance dans l'aide de Dieu... Quand la croix se présente, celle que nous n'attendions surtout pas, pensons que le Christ l'a portée... Que ce calice s'éloigne de moi...Il nous est facile de constater que ce qui a été le meilleur pour notre âme n'a pas été toujours le plus facile... Ce chapitre est un appel à la conversion, appel à croire à la Toute-puissance de la Grâce de Dieu. » (p.649-652) *
RB 69 - Que nul dans le monastère ne se permette d’en défendre un autre
Il faut prendre garde que personne dans le monastère ne se permette, en aucune circonstance, de prendre la défense d’un autre moine et de lui servir de protecteur, et cela, quel que soit le lien de parenté qui les unisse. Les moines ne se le permettront d’aucune manière, car il peut en résulter une très grave occasion de scandale. Si quelqu’un transgresse cette défense, on le punira très sévèrement.
On peut s'étonner d'une telle consigne. En fait il s'agit là d'attirer notre attention sur la discrétion nécessaire dans nos relations humaines. Ne nous mêlons pas de ce qui ne nous regarde pas, même sous prétexte de prendre la défense de quelqu'un qu'en fait nous ne connaissons pas vraiment ; d'où risque d'erreur. Privilégions le silence. C'est ce que dit saint Benoît.
On peut penser aujourd'hui que les silences de l'Eglise peuvent aussi être graves et causes de scandales.
Comme quoi nos attitudes doivent être mûrement réfléchies et se laisser inspirer par l'Esprit. Pas simple !
Entre Pilate qui « s'en lave les mains » et Judas qui dénonce Jésus croyant peut-être bien faire...
RB 70 - Que nul ne se permette de frapper à tout propos
Il faut éviter dans le monastère tout sujet de présomption ; pour cela, nous statuons qu’il ne sera permis à personne d’excommunier, ni de frapper l’un de ses frères, à moins qu’il n’en ait reçu pouvoir de l’Abbé.
Ceux qui commettront des fautes seront repris devant tout le monde, afin que les autres en éprouvent de la crainte[ I Tim 5, 20 ]. Les enfants, jusqu’à l’âge de quinze ans, seront maintenus dans la discipline et sous la garde de tous ; mais cela avec mesure et intelligence. Si quelqu’un se permettait quoi que ce soit, sans l’ordre de l’Abbé, contre ceux qui sont plus âgés, ou de s’emporter contre les enfants sans discrétion, il sera soumis à la discipline régulière ; car il est écrit : Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à autrui.[ Tb 4, 16 ][ Mt 7, 12 ]
On pourrait espérer que ce passage concerne les communautés d'un autre temps : frapper l'un de ses frères n'arrive plus de nos jours ! Est-ce si sûr ? Même si ici saint Benoît désire simplement que personne ne fasse justice soi-même ou s'attribue le moindre pouvoir sur un frère.
Il y a aussi des paroles qui frappent et qui tuent plus sûrement qu'un coup de poing .
On peut malheureusement constater sans peine que la violence est de tous les temps , qu'elle nous frappe aujourd'hui encore de façon terrible, que les ordres même de dirigeants pour arriver à leurs fins ne se préoccupent plus des personnes, des innocents, des enfants...
"Il est écrit : Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à autrui."
" A vouloir intervenir dans cette éducation de l'autre quand on n'en a pas reçu mission, on risque de gâter l'oeuvre de Dieu, d'agir à contretemps et finalement de faire du mal. Et si on y regarde attentivement, on verra que ces interventions intempestives sont dues à un mauvais souci d'affirmation de soi : on agit pour s'affirmer (en corrigeant ou en protégeant); ou plus simplement parce que l'on est agacé ou gêné. Laissons le Père cultiver sa vigne." (p.659)*
---------------
* Cf. Texte et commentaires de la Règle dans « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023
Mise à jour : Dimanche 6 Octobre 2024, 19:17
Denyse
- rubrique 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73
-
- Permalien
- 0 commentaires
Dimanche 22 Septembre 2024
Règle de saint Benoît RB 67
RB 67 - Les frères que l’on envoie en voyage
Les frères qui doivent aller en voyage se recommanderont à la prière de tous les frères et de l’Abbé. Après la dernière oraison de l’Œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les absents.
À leur retour de voyage et le jour même de leur arrivée, les frères se prosterneront à terre dans l’oratoire à toutes les Heures canoniales, quand s’achève l’Œuvre de Dieu. Ils demanderont la prière de tous, à cause des fautes qu’ils auraient pu commettre en voyage, en voyant quelque chose de mal, ou en entendant de vains discours.
Que personne ne se permette de rapporter à un autre ce qu’il aurait vu ou entendu hors du monastère, car cela produit de grands dégâts. Celui qui oserait le faire sera soumis à la correction régulière. De même celui qui aurait osé sortir de l’enceinte du monastère, ou aller n’importe où, ou faire n’importe quoi, même de peu d’importance, sans l’autorisation de l’Abbé.
La clôture d'un monastère, à l'époque de Benoît et jusqu'à des temps encore récents, était loin d'être symbolique. Si, sur le fond, elle signifie effectivement une séparation du monde pour être tout à Dieu, concrètement elle rappelle au moine et à la moniale qu'ils ne peuvent plus désormais passer la porte du monastère sans autorisation. Elle ne les enferme pas mais elle les protège. Pour reprendre l'idée du « combat » évoqué dans la Règle, on peut dire que les murs sont une sorte de cuirasse pour la communauté qui la protège des risques multiples de la vie dans le monde. Un frère « envoyé » en voyage va sans nul doute rencontrer des obstacles, des tentations, des curiosités qui peuvent nuire à sa vie monastique. Les mesures et punitions éventuelles sont toujours radicales.
Un troupeau de moutons dans un pré sans clôture court des risques certains.
Pour nous qui sommes libres de nos actions, le danger de dérives est omniprésent et nous devons donc être particulièrement vigilants et prudents. Quant à la vie spirituelle, elle nécessite aussi des balises, des repères qui nous guident pour ne pas nous égarer.
« Quelque soit le motif qui nous fasse voyager, nous avons toujours à rendre témoignage à Jésus-Christ par notre attitude de simplicité (« comme des agneaux au milieu des loups »), de réserve et de discrétion. »*
-----------------------------------------------------------------
* Cf. Texte et commentaires de la Règle dans « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023
Mise à jour : Jeudi 26 Septembre 2024, 14:34
Denyse
- rubrique 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73
-
- Permalien
- 0 commentaires
REGLE de SAINT BENOÎT RB 66
REGLE de SAINT BENOÎT - Texte et commentaires
RB Prologue et ch. 1 à 65 : voir archives - rubrique 08
---------------------------------------------
RB 66 - Les portiers du monastère
© D.G
On placera à la porte du monastère un sage vieillard qui sache recevoir et rendre une réponse, et d’une maturité qui le préserve de l’oisiveté.
Le portier doit avoir son logement près de la porte, afin que ceux qui surviennent trouvent toujours quelqu’un pour leur répondre. Et aussitôt qu’on aura frappé ou qu’un pauvre aura appelé, il répondra Deo gratias , ou Benedicite . Puis, avec toute la mansuétude qu’inspire la crainte de Dieu, il répondra en hâte avec toute la ferveur de la charité.
Si le portier a besoin d’aide, on lui adjoindra un frère plus jeune.
Le monastère doit, autant que possible, être disposé de sorte que l’on y trouve tout le nécessaire : de l’eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour que l’on puisse y exercer les divers métiers à l’intérieur même de la clôture. De la sorte les moines n’auront aucune nécessité de courir au dehors, ce qui n’est pas du tout avantageux pour leurs âmes.
Nous voulons que cette Règle soit lue souvent en communauté, afin qu’aucun frères ne s’excuse sous prétexte d’ignorance
On pourrait penser que la fonction de portier (comme l'est celle du concierge dans un immeuble) n'est pas très valorisante. Pourtant,on connaît des abbés de monastère devenu portier.
« Un sage vieillard » : souvent attribué à des moines d'un certain âge parce que ce travail ne demande pas d'efforts physiques, ce poste exige beaucoup de sagesse, de sens de l'observation, la possibilité de renseigner le tout-venant, de répondre au téléphone, d'accueillir qui se présente et de l'orienter...
« Maturité, mansuétude, charité... » Ce n'est pas donné à tout le monde. Il va rendre, par sa présence, de multiples services qui éviteront souvent de déranger un autre moine.
Quel accueil faisons-nous en ouvrant notre porte à quelqu'un qui frappe ou en répondant au téléphone ?
Bienveillance....
La devise des moines : accueillir toute personne comme le Christ.
« La rencontre de Dieu pour bien des hommes a commencé par la rencontre d'un homme rempli de Dieu... La douceur est une des caractéristiques du visage de Jésus dans sa Résurrection. Il se manifeste dans la sérénité, la paix, avec une tendresse accomplie envers ses apôtres et ses disciples... C'est de cette douceur-là qu'il s'agit en saint Benoît : pas seulement l'affabilité naturelle et acquise, pas seulement la réserve et le tact dus à la bonne éducation, mais un reflet du visage pacifiant de Jésus-Christ. » (p.643)*
-----------------------------------------
* Cf. Texte et commentaires de la Règle dans « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023
Mise à jour : Dimanche 22 Septembre 2024, 11:29
Denyse
- rubrique 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73
-
- Permalien
- 0 commentaires
Mardi 10 Septembre 2024
Règle de saint Benoît ch. 62-63-64-65
Sommaire
REGLE de SAINT BENOÎT - Texte et commentaires - 1 à 65
RB 62 - Les prêtres du monastère
Si l’Abbé désire faire ordonner un prêtre ou un diacre pour son monastère, il choisira parmi les siens quelqu’un qui soit digne des fonctions sacerdotales[ Si 45, 15-17 ]. Celui qui aura été ordonné se gardera de l’exaltation et l’orgueil, n’entreprendra rien sans ordre de l’Abbé, se sachant dès lors bien plus assujetti à la discipline régulière. Il ne prendra pas prétexte de son sacerdoce pour oublier l’obéissance à la Règle et sa discipline, mais se bonifiera de plus en plus en Dieu.
Si on transpose cette situation spécialement monastique à la vie « ordinaire », on peut retenir de ce que dit saint Benoît le fait que si quelqu'un reçoit une promotion ou une place plus valorisante, cela ne justifie pas qu'il en tire orgueil. Ayant davantage de responsabilité, il devra être exemplaire pour les personnes qui l'entourent, comme un père ou une mère de famille doivent l'être pour leurs enfants. Cela semble évident mais pas toujours simple à mettre en œuvre. On sait combien le pouvoir peut transformer un homme ou une femme.
« Se bonifier de plus en plus en Dieu » : voilà l'objectif du chrétien pour l'amour de Dieu, pour son bien propre et bien sûr pour ceux qui l'entourent. Une façon aussi de témoigner de l'Esprit qui l'anime.
" Il faut reconnaître la variété des appels de Dieu, de ses conduites sur chacun d'entre nous... Il faut respecter silencieusement la vocation que Dieu donne à chacun, et poursuivre avec persévérance la nôtre propre...
Essayons, dans la foi, de nous réveiller dans l'amour que Jésus nous porte et qui nous pénètre à l'intime avec une tendresse indicible. Quelle place restera-t-il alors pour l'orgueil ? " (p.602-603) *
Quant au rang, il gardera toujours celui de son entrée au monastère, sauf lorsqu’il officie à l’autel, et si le choix de la communauté et la volonté de l’Abbé lui assignent une place plus élevée, à cause du mérite de sa vie. Même dans ce cas, il saura qu’il lui faut suivre la règle établie pour les doyens et les autres officiers. S’il refusait de s’y soumettre, qu’il soit considéré non comme prêtre, mais comme rebelle. Et si, après avoir été souvent réprimandé, il ne se corrige pas, on aura recours au témoignage de l’évêque. S’il ne s’amende pas encore par ce moyen, ses fautes devenant manifestes, on le chassera du monastère, au cas toutefois où son obstination soit telle qu’il ait refusé de se soumettre et d’obéir à la Règle.
Saint Benoît cherche à conduire ses moines sur le chemin de la perfection qui ne se satisfait pas de la médiocrité. Il a le souci d'apprécier leurs mérites comme, si nécessaire, de les réprimander ou de les chasser. Peut-être s'inspire-t-il ici en particulier de l'attitude de Jésus en colère, chassant les marchands du temple qui n'est pas un lieu de commerce mais de prière.
Ce passage de la Règle nous invite à toujours plus de rigueur mais aussi de justice dans nos façons d'être et de faire.
« Quels sont les points les plus difficiles de notre vie ? … C'est surtout la persévérance dans un effort constant pour entrer en Dieu toujours davantage. Un régime de vie humaine est toujours soumis à un idéal plus élevé et vivre cette tension est difficile. Nous serons continuellement tentés, parfois pour des raisons très bonnes, d'écarter, d'oublier cet idéal, qui est Dieu lui-même. Cet appel de Dieu peut revêtir concrètement des formes variées. Il suffit d'être attentifs, de nourrir ce désir, de nous aider mutuellement... » (p.605) *
RB 63. Le rang à garder dans la communauté
Les frères garderont leur rang dans le monastère selon la date de leur entrée en religion, ou selon le mérite de leur vie et la décision de l’Abbé. Celui-ci néanmoins ne troublera pas le troupeau qui lui est confié, ni ne prendra de décision injuste, comme s’il exerçait un pouvoir arbitraire ; mais il songera sans cesse au compte qu’il devra rendre à Dieu de toutes ses décisions et de tous ses actes.
Il faut se rappeler que les communautés à l'époque de saint Benoît étaient plus nombreuses et variée ; il y avait même des enfants.
Chacun sa place donc, fonction tout simplement de sa date d'entrée , exception faite du rang particulier suite à nomination comme prieur par exemple. Pas d'abus de pouvoir chez l'abbé ni d'orgueil suivant la place occupée. Chacun, comme nous tous, est sous le regard de Dieu qu'on ne peut tromper. Ce fonctionnement, plutôt objectif, doit être source de paix.
Tout groupe, religieux ou non, connaît des pressions, des abus de faveur et de privilège. Nous avons à y prendre garde non seulement pour les perturbations que cela peut occasionner mais pour une question de justice et surtout, si là est notre référence, aux yeux de Dieu à qui nous avons promis fidélité.
Dans nos choix, nos décisions, prenons le temps de nous laisser éclairer par la Parole de Dieu et l'Esprit-Saint.
« Forts et faibles, anciens et plus jeunes, forment un édifice vivant qui se tient solidement. A condition toutefois qu'il n'y ait pas seulement juxtaposition, mais union de tous dans la charité... Recevons avec joie cette invitation à sortir de nos petites histoires humaines pour nous placer sur le plan de Dieu. » (p.607.609)
Arche de Noé . Chacun sa place !
Les plus jeunes honoreront donc leurs aînés, et les anciens auront de l’affection pour leurs cadets. ...
L’Abbé étant regardé comme tenant la place du Christ, on l’appellera Seigneur (lit. Dominus : équivalent du français Monsieur , et attribué aux religieux sous sa forme diminutive Dom ) et Abbé, non par prétention personnelle, mais par honneur et amour du Christ. Qu’il y réfléchisse donc et se rende digne d’un tel honneur....
Saint Benoît développe et précise les relations entre frères, du plus jeune au plus âgé et toujours dans le respect mutuel insistant encore sur la place de chacun toujours en lien avec leur amour du Christ.
« Ne vivons pas en individus juxtaposés, mais développons la communion entre nous. Ne sommes-nous pas le Corps du Christ ? (p.619)*
RB 64 - L’institution de l’Abbé
Ce chapitre de la RB est important pour les communautés monastiques car l'Abbé est réellement le père qui soutient, accompagne, oriente l'ensemble des frères. Son choix est donc important car c'est lui qui représente le Christ, c'est lui à qui on obéit et qu'on respecte au plus haut point.
' Il aura été élu d’un commun accord, selon la crainte de Dieu, par toute la communauté … Pour l’établir, on aura égard au mérite de la vie et à la sagesse de la doctrine,...
L’Abbé, une fois établi, pensera sans cesse au fardeau qu’il a reçu, et à celui auquel il devra rendre compte de son administration. Qu’il sache bien qu’il lui faut plutôt songer à être utile qu’à être le maître. Il doit donc être docte dans la loi divine,... Qu’il soit chaste, sobre, miséricordieux ; qu’il fasse toujours prévaloir la miséricorde sur la justice, afin d’obtenir pour lui-même un traitement semblable. Qu’il haïsse les vices, mais qu’il aime les frères...
Qu’il agisse avec prudence et sans excès, de crainte qu’en voulant trop racler la rouille le vase ne se brise. Qu’il ait constamment devant les yeux sa propre fragilité et qu’il se souvienne qu’il ne faut pas briser le roseau fléchi[ Is 42, 3 ]...Qu’il s’efforce à se faire aimer plutôt qu’à se faire craindre...
Qu’il ne soit ni turbulent, ni inquiet ; qu’il ne soit ni excessif, ni opiniâtre ; qu’il ne soit ni jaloux, ni trop soupçonneux ; autrement, il n’aura jamais de repos.
Qu’il soit prévoyant et circonspect dans ses commandements ; et, qu’il s’agisse d’œuvrer aux choses de Dieu comme à celles du monde, qu’il use de discernement et de modération, se rappelant la discrétion du saint patriarche Jacob, qui disait : Si je fatigue mes troupeaux en les faisant trop marcher, ils périront tous en un jour.[ Gn 33, 13 ] ...
Qu’il tempère tellement toutes choses que les forts désirent faire davantage et que les faibles ne se dérobent pas." *
Sont donc énumérées ici les qualités que devraient avoir un chef, un père, un patron d'entreprise, un curé, un évêque, un maire, un président de la République, un responsable d'équipe … et chacun de nous dans nos relations avec nos frères et sœurs. De quoi méditer.
RB 65 - Le prieur du monastère
Il arrive assez souvent que l'établissement du prieur occasionne de graves scandales dans les monastères. C’est ce qui arrive lorsque quelques-uns, enflés d’un méchant esprit d’orgueil, et s’imaginant être de seconds Abbés, s’arrogent un pouvoir tyrannique, entretiennent des scandales et causent des dissensions dans la communauté. Cela se produit surtout dans ces lieux où le prieur est établi par le même évêque ou par les mêmes Abbés qui ont institué l’Abbé...
De là surgissent des jalousies, des conflits, des détractions, des rivalités, des dissensions, des désordres : car, lorsque l’Abbé et le prieur sont ainsi divisés de sentiment, il est impossible que leurs âmes ne se trouvent pas en péril d’une telle discorde. De même, ceux qui sont sous leur conduite, prenant parti pour l’un ou pour l’autre, vont à leur perte. De ce péril sont responsables au premier chef ceux qui se sont faits les auteurs d’un pareil dérèglement.
La position d'un second n'est pas toujours facile et il est évidemment souhaitable que l' accord soit bon entre celui qui est à la tête et son second (prieur, premier ministre, adjoint...). Même si la responsabilité peut être grande, l'humilité reste une valeur sûre. Vigilance, discernement et se souvenir qu'on est serviteur. Le Christ se voyait comme tel, très peu soucieux de lui-même et toujours tourné vers l'autre. C'est le meilleur chemin.
« Pages très humaines, qui nous rappellent que nous sommes des pécheurs...Nous demeurons tous des hommes très fragiles. Jésus a connu ces passions très humaines autour de lui, orgueil, jalousie qui lui ont fermé le cœur des Pharisiens. Nous avons beaucoup à faire pour purifier, apaiser notre cœur. Et même si nous avons un tempérament paisible, ce n'est pas forcément la paix de l'Evangile. Nous avons beaucoup à apprendre pour devenir de vrais serviteurs de Jésus, des fils de Dieu. Nous constatons aussi la puissance de la grâce dans notre cœur, à certaines heures : une grande liberté d'âme. Autant de raisons de nous confier à la grâce de Dieu. » (p.632)*
croix arménienne
C’est pourquoi nous avons constaté qu’il est avantageux, pour conserver la paix et la charité, que l’Abbé soit l’unique arbitre de la façon de gouverner son monastère. Et si faire se peut, comme nous l’avons déjà établi, que tout le service du monastère soit assuré par des doyens, selon que l’Abbé l’aura disposé : la charge étant ainsi partagée entre plusieurs, un seul n’aura pas à s’enorgueillir.
Que si, cependant, le lieu le requiert, ou si la communauté le demande pour de bonnes raisons et avec humilité, et que l’Abbé juge à propos, il choisira qui il voudra après avoir pris conseil des frères craignant Dieu, et l’établira lui-même pour prieur.
Un chef donc mais entouré d'une petite équipe qui peut être de bon conseil et atténuer éventuellement l'autorité et la solitude du chef. C'est bien pensé.
Puis vient la possibilité d'un prieur, le « second » de l'abbé qui peut , en particulier, le remplacer en cas d'absence. Si le prieur garde comme il est souhaitable, son libre arbitre , sa présence et sa personnalité différente de l'abbé, peuvent favoriser un bon gouvernement.
Dans une famille, la présence du couple parental est préférable au parent isolé...
« Ce dont le monde a besoin, ce n'est pas de notre anxiété, mais du rayonnement de notre espérance surnaturelle, génératrice de tous les dévouements au service du prochain. C'est elle qui fait les grandes œuvres dans l'Eglise, c'est elle qui fait les martyrs. Etre témoins de paix. » (p.636)
croix copte
Ce prieur néanmoins devra exécuter avec révérence ce qui lui aura été enjoint par son Abbé, sans rien faire qui soit contraire à sa volonté ou à ses ordres. Car, plus il est élevé au-dessus des autres, plus il doit soigneusement observer les préceptes de la Règle.
Que si ce prieur venait à être reconnu vicieux, enflé d’orgueil, ou méprisant envers la sainte Règle, on l’en reprendra jusqu’à quatre fois. S’il ne s’amende pas, on lui fera subir la correction de la discipline régulière. Si par ces moyens il ne se corrigeait pas encore, on le déposera de son rang de prieur et on mettra en sa place un autre qui en soit digne. Que si, par la suite, il ne se montrait pas tranquille et obéissant dans la communauté, on le chasserait du monastère.
Prieur ou personne ayant une certaine autorité, un certain pouvoir et qui en abuse …. On parle aujourd'hui avec émotion et grande peine de l'abbé Pierre. Saint Benoît , en son temps, n'ignorait pas non plus de quoi l'homme est capable. Et on mesure combien « l'honorabilité » apparente d'une personne peut être traumatisante pour ceux et celles qui l'estimaient et s'aperçoivent soudain de son côté sombre. « Correction... déposer de son rang... on le chassera » . L'épreuve est rude pour tous.
" Ne pas effacer d’un trait le bien que l’abbé Pierre a fait, tout en osant regarder en face le mal
dont [les] témoignages se font l’écho, c’est aussi, pour nous, l’occasion de grandir en liberté,
loin de toute tentation d’idolâtrie, pour affronter avec maturité la complexité de notre monde
et être des témoins crédibles de l’Évangile. "
La Croix – 9.09.24
« Combattre le mal, mais aimer tous ses frères. Accepter de faire partie d'un ensemble qui a ses difformités, ses imperfections de tous genres. C'est de cette unité d'hommes imparfaits dont la vie est une lutte et pas toujours une victoire, que monte continuellement vers Dieu la louange parfaite qui est celle de son propre Fils. Ne nous étonnons ps des fautes, des déficiences rencontrées. Prions de ne pas tomber dans le péché de juger les autres ey aidons-nous mutuellement à être fidèles.» (p.637-638) *
Que l’Abbé toutefois songe qu’il doit rendre compte à Dieu de toutes ses décisions, de crainte que la flamme de l’envie ou de la jalousie ne vienne a brûler son âme.
Gardons-nous de jugements trop radicaux. Nous connaissons aussi nos faiblesses et nos fautes. Ne méprisons pas une famille, une communauté, l'Eglise toute entière parce que les fautes de quelques-uns apparaissent au grand jour. Pauvre abbé, pauvres victimes. Prions pour eux. Que justice soit faite mais qu'elle exige de nous une plus grande fidélité à Dieu.
Mise à jour : Lundi 16 Septembre 2024, 20:35
Denyse
- rubrique 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73
-
- Permalien
- 0 commentaires
Jeudi 15 Août 2024
Règle de saint Benoît - texte et commentaires - ch 60-61
RB 60. Les prêtres qui voudraient se fixer dans le monastère
Si un prêtre demande à être reçu dans le monastère, on ne l’acceptera pas trop vite. Toutefois, s’il persiste absolument dans sa demande, il faut qu’il sache qu’il sera tenu à toute la discipline de la Règle, et qu’on n’en relâchera rien en sa faveur, afin qu’on puisse lui dire, comme il est écrit : Mon ami, dans quel dessein es-tu venu ? [ Mt 26, 50 ]
Pas de traitement de faveur pour qui que ce soit. En particulier pour un prêtre qui change de cap. Et toute personne désirant intégrer cette communauté doit se plier à la Règle.
Pourquoi viens-tu passer quelques jours de retraite dans un monastère ? Est-ce bien Dieu que tu cherches ? Peut-être est-ce Lui qui te cherche ?
« Saint Benoît sait ce qu'est un prêtre : un homme revêtu des pouvoirs du Christ pour donner le Christ à tout homme. Le prêtre est fait pour s'effacer personnellement devant le Christ. Il ne s'agit pas de s'affirmer mais d'affirmer le Christ ; non d'attirer à soi mais d'attirer au Christ, non de se donner soi-même, mais de donner le Christ dans le don total de soi. » (p.592) *
On lui accordera néanmoins de prendre rang après l’Abbé, de donner les bénédictions et de célébrer la Messe, si toutefois l’Abbé l’y autorise (il y avait alors très peu de moines ordonnés, et l’Abbé lui-même n’était généralement pas prêtre). Sinon, il ne doit se prévaloir de rien, sachant qu’il est soumis à la discipline régulière et qu’il se doit de donner plutôt à tous des exemples d’humilité.
La fonction particulière du prêtre n'est heureusement pas négligée et il tient sa place sans pour autant en tirer fierté ou privilège.
Quand nous avons des engagements ou responsabilités, si on nous le demande, nous devons les assurer au mieux. Mais restons cependant à notre place de simple disciple. L'humilité est certainement le meilleur chemin pour suivre le Christ et être proche de ses frères et sœurs.
S’il vient à être question dans le monastère de charge à remplir ou d’affaire à traiter, il considérera comme sienne la place que lui a valu son entrée au monastère, et non celle qu’on lui a concédée par respect pour son sacerdoce.
Si un clerc, poussé par le même désir, veut se joindre au monastère, on le placera dans un rang moyen, à condition toutefois qu’il promette, lui aussi, d’observer la Règle et de garder la stabilité.
La Règle de saint Benoît n'est pas sans contrainte et elle impose une réelle humilité. Mais sur le fond, comme bien des règles, ayant force de loi, elle est sensée simplifier la vie ensemble, donne un cadre sur lequel, à priori, tout le monde est d'accord. Il y a ici très peu d'exceptions, donc peu de remise en question quant à sa place, sa fonction ou d'éventuels privilèges. Et, en plus, si l'objectif est de se donner les moyens d'approcher Dieu ensemble …
L'actualité nous montre malheureusement combien les abus de pouvoir, les dérives sont omniprésentes dans bien des communautés ou des familles et combien elles peuvent être destructrices. Sur ces faits, le silence était de rigueur sous prétexte de sauvegarder avant tout l'honorabilité supposée . Les ordres religieux n'ont pas échappé à cette façon de voir. Le silence est parfois pire que le mal car il entraîne l'impunité, la récidive et souvent aussi le sentiment de culpabilité des victimes qui porteront leurs blessures toute leur vie. La parole (un peu) libérée, même si elle est douloureuse, difficile à entendre, laisse espérer une certaine justice et la diminution progressive de ces actes scandaleux.
61. Comment recevoir les moines étrangers
Si un moine étranger, venu de contrées lointaines, se présente au monastère, s’il veut y séjourner comme hôte, et se contente de la vie qu’on y mène, on le recevra aussi longtemps qu’il le désire, pourvu qu’il ne trouble pas le monastère par ses exigences, mais s’accommode simplement de ce qu’il trouve.
A l'accueil bienveillant est toujours associé, par saint Benoît, un respect mutuel . En particulier le nouvel arrivant doit s'adapter au mode de vie de ses hôtes. C'est bien la condition imposée par Benoît pour que l'harmonie de la communauté ne soit pas troublée .
Dans le monde actuel, l'immigration pose précisément ce problème où l'autochtone se sent perturbé par les différences entre populations et craint d'une certaine façon pour sa tranquillité et sa compréhension de ceux qui l'environnent. Cela peut effectivement être déstabilisant et pousser au rejet. Entre l'accueil sans limites et l'exclusion systématique, il faudrait trouver une juste mesure.
Faisons-nous ce qu'il faut pour que l'étranger puisse « s'accommoder simplement de ce qu'il trouve » ? Comme chacun de nous. Dans la bienveillance et la solidarité.
« Etre simplement content : cela vaut pour chacun de nous : être simplement content de ce que Dieu fait dans chacune de nos existences... Ce contentement en toutes choses est à la fois la condition et le fruit de la fidélité dans les petites choses, faite d'une attention continuelle à Dieu. » * (p.598)
Si ce moine trouvait à reprendre ou à remontrer quelque chose avec raison et dans l’humilité de la charité, l’Abbé examinera avec prudence si ce ne serait pas pour cela même que le Seigneur l’a envoyé.
Toute remarque qui nous est adressée « avec raison » doit attirer notre attention. Elle n'est pas forcément justifiée mais elle peut aussi être Parole de Dieu. C'est un discernement pas toujours facile à faire. Mais n'écartons pas d'emblée ce qui nous dérange ou nous déplaît. L'ajustement à la volonté de Dieu est fait de petits pas...
« Même si on fait bien, on peut toujours faire mieux. » * (p.598)
Si, par la suite, il veut fixer sa stabilité, on ne s’opposera pas à son dessein, d’autant plus qu’on a pu se rendre compte de sa manière de vivre durant son séjour à l’hôtellerie. Mais si, pendant son séjour comme hôte, on s’est aperçu qu’il est exigeant ou vicieux, non seulement on ne devra pas l’adjoindre au corps du monastère ; mais on lui dira honnêtement de se retirer, de peur que sa misère ne fasse du tort aux autres.
Si, au contraire, sa conduite ne lui mérite pas d’être congédié, non seulement, s’il le demande, il faut l’admettre dans la communauté, mais il faut lui conseiller de s’y fixer, afin que les autres soient instruits par son exemple, et parce qu’en tout lieu on sert un seul Seigneur, on combat sous un seul Roi. Si même l’Abbé l’en juge digne, il pourra le placer à un rang un peu plus élevé que celui de son entrée.
Le soin et le discernement pris pour l'admission ou non d'un frère dans une communauté montrent à quel point tout est pris en compte : la personne concernée bien sûr mais aussi la communauté qui peut bénéficier ou souffrir de l'intégration d'une nouvelle personne.
On peut appliquer cette méthode dans nos choix d'intégrer dans un groupe une personne qui a déjà fait ses preuves. Il ne s'agit pas de juger mais de donner la bonne place à qui la demande. Si on se laisse aller, sous prétexte de charité, à trop d'indulgence au départ, personne n'y trouvera son compte.
« De la vie de chacun dépend la vie de tous... Ce qui importe, ce à quoi revient toujours saint Benoît, c'est l'humilité. L'humilité nous met chacun à notre place et nous établit dans la vérité, dans nos rapports avec Dieu et avec le prochain. Soyons très vigilants sur l'influence que nous pouvons avoir sur nos frères. » (p.599) *
Et ce n’est pas seulement à l’égard d’un moine qu’on agira ainsi, mais aussi des prêtres et des clercs dont il a été question ; l’Abbé pourra les placer à un rang supérieur à celui de leur entrée, s’il reconnaît que leur vie le mérite.
Mais que l’Abbé se garde bien de recevoir à demeure un moine d’un autre monastère connu, sans le consentement de son Abbé ou sans lettres de recommandation ; car il est écrit : Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse à toi-même.(Tb 4, 15 ; Mt 7, 12)
Ces remarques de Benoît évoquent certainement des situations fréquentes à son époque mais qui peuvent encore arriver actuellement. On n'est jamais trop prudent !
Les CV produits par certaines personnes qui semblent irréprochables ont parfois besoin d'être vérifiés. Non par manque de confiance mais par simple précaution qui peut éviter bien des ennuis par la suite. On peut donc être chrétien sans être naïf ! Et il en va très certainement de l'image que doit donner l'Eglise. La dernière citation : « Ne fais pas à autrui... » peut nous aider parfois dans nos décisions. Prier l'Esprit-Saint, c'est bien aussi.
-------------------------------------------------------------
* Cf. Texte et commentaires de la Règle dans « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023 Traduit en français par Germain Morin de l’abbaye de Maredsous1944 - Révisé sur la traduction de Philibert Schmitz de la même abbaye , 202
Mise à jour : Mercredi 21 Août 2024, 12:35
Denyse
- rubrique 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73
-
- Permalien
- 0 commentaires
Vendredi 19 Juillet 2024
Règle de saint Benoît - texte et commentaires - ch 54-55-56-57-58-59
Sommaire
- RB 54. Si un moine peut recevoir des lettres ou autre chose
Il n’est pas permis à un moine, sans l’autorisation de l’Abbé, de recevoir ni de ses parents, ni de qui que ce soit, pas même de ses confrères, des lettres, des dons (lit. eulogies : aliments bénits, médailles, reliques ou images qu’on s’offrait, surtout après l’Eucharistie, en témoignage de communion à une même foi), ou de petits cadeaux, et pas plus d’en donner. - RB 55. Les vêtements et les chaussures des frères
- RB 57. Les artisans du monastère
- RB 58. La manière de recevoir les frères
- RB 59. Les fils de nobles ou de pauvres qui sont offerts
RB 54. Si un moine peut recevoir des lettres ou autre chose
Il n’est pas permis à un moine, sans l’autorisation de l’Abbé, de recevoir ni de ses parents, ni de qui que ce soit, pas même de ses confrères, des lettres, des dons (lit. eulogies : aliments bénits, médailles, reliques ou images qu’on s’offrait, surtout après l’Eucharistie, en témoignage de communion à une même foi), ou de petits cadeaux, et pas plus d’en donner.
Si ses parents lui envoient quelque chose, il ne se permettra pas de le recevoir avant que l’Abbé en ait été informé. Si l’Abbé permet qu’on reçoive l’objet, il dépendra de lui de choisir à qui le donner ; et le frère à qui il était envoyé ne s’en attristera pas, de peur de donner prise au diable [ Éph 4, 27 ][ 1 Tm 5, 14 ]. Celui qui oserait en agir autrement sera soumis à la discipline régulière.
On imagine difficilement aujourd'hui de telles exigences et les frustrations que cela peut occasionner tant du coté de celui qui reçoit que de celui qui donne. « Ne rien posséder en propre » fait partie de la Règle. Cela demande un grand dépouillement et au quotidien , un choix de l'essentiel : Dieu et rien d'autre. On relativise de ce fait beaucoup de choses mais au risque aussi de passer à côté de la vie toute simple et de la grâce que sont les petits cadeaux qui font l'amitié.
Il faut sans doute replacer la RB 54 dans le contexte de l'époque et dans la conviction louable de saint Benoît de conduire ses frères exclusivement vers Dieu. Etait-ce inhumain et sans considération pour la psychologie humaine et son équilibre ? Jésus, dans ses relations humaines voyait sans doute les choses plus simplement...
Qu'en tirer pour nos propres vies « mondaines » ? Il faut certainement tendre à se déposséder de beaucoup de choses qui nous encombrent matériellement mais aussi spirituellement. On peut s'attacher parfois à des riens. Posséder peu ouvre à une certaine liberté et à une paix intérieure qui offrent très certainement davantage de disponibilité pour Dieu et pour les autres. Les personnes en fin de vie n'ont plus besoin de grand chose sinon d'aimer et d'être aimées. Non pas tant parce que leur vie s'achève mais parce que l'humilité, la fragilité et notre finitude conduisent à l'essentiel.
« Considérée à la lumière de la Transfiguration, notre vie doit évidemment être marquée d'une grande liberté d'âme et dégagée de tout attachement aux petites choses. Comprenons-le bien : il ne s'agit pas ici de mettre en question l'amour familial ou l'amour fraternel, qui sont bons en eux-mêmes, mais une certaine manière de les vivre qui nous emprisonne. S'il y a une façon de donner et de recevoir qui est expression de la charité vraie, il y en a une autre qui est finalement expression de la recherche de soi : s'attacher à autrui par ses petits cadeaux, se réfugier sous la protection d'autrui en acceptant ses dons. Le risque n'est pas illusoire de manquer de grandeur et de virilité . Demeurons libres de tout et nous aimerons vraiment. » (p.546) *
RB 55. Les vêtements et les chaussures des frères
On donnera aux frères des vêtements en rapport avec les conditions et la température des lieux qu’ils habitent, puisqu’il leur en faut d’avantage dans les régions froides et moins dans les pays chauds. L’Abbé doit prendre ceci en considération. Nous estimons toutefois que, dans les endroits tempérés, une coule et une tunique suffisent pour chaque moine, avec un scapulaire pour le travail .(il s’agit très probablement des même vêtements que portaient les paysans d’alors : la coule était un manteau à large capuchon — cucullus —, la tunique une robe portée communément à Rome et serrée à la taille par une ceinture, tandis que le scapulaire consistait en une longue bande de tissus croisée sur la tunique pour la maintenir près du corps durant le travail manuel) ….
Les moines ne se mettront en peine ni de la couleur ni de la grossièreté de ces divers objets(la couleur noire, distinctive aujourd’hui des moines bénédictins, était considérée à l’époque comme une marque de luxe), mais se contenteront de ce qu’on pourra trouver dans le pays qu’ils habitent, ou se procurer à vil prix...
Quand on en recevra de neufs, on rendra toujours en même temps les vieux qui seront déposés au vestiaire pour les pauvres. ..Tout ce qui serait en plus est superflu et doit être retranché. ...
Comme garniture des lits, il suffira d’une paillasse, d’un drap, d’une couverture et d’un oreiller...
Cependant, l’Abbé doit toujours prendre en considération cette sentence des Actes des Apôtres : On donnait à chacun selon ses besoins.[ Ac 4, 35 ] L’Abbé aura donc égard aux besoins des faibles et non à la mauvaise volonté des envieux. Il se souviendra, en toutes ses décisions, que Dieu lui en tiendra compte.
On peut s'étonner de l'importance de ce chapitre très détaillé par Benoît. Est-ce un point sensible ? Ou simplement que l'apparence peut révéler l'intériorité.
Ce qui est sûr est que les moines ne tireront aucun orgueil de leurs vêtements réduits au minimum et au plus simple. En tout, le moine recherche une grande simplicité et un détachement des choses matérielles. Une autre approche était faite au 12°s., par les bénédictins des lieux de célébrations souvent fastueux tout à l'honneur de Dieu. Ce qui leur fut reproché par saint Bernard er les cisterciens qui adoptèrent des bâtiments beaucoup plus sobres.
Nous pourrions nous aussi faire l'inventaire de nos biens et nous contenter de l'essentiel. Mais comme le précise saint Benoît, « donner à chacun selon ses besoins ». Ce qui évite très certainement trop de frustrations inutiles. Il est important que notre foi s'implique dans tous les recoins de nos vies . « Tout est lié », a rappelé le pape François.
« L'Eglise approuve différentes façons de pratiquer la pauvreté religieuse ; mais le fond est toujours le même. La pauvreté réside au fond du cœur ; c'est pourquoi elle est très difficile. Si nous voulons trouver Dieu, il faut briser tous les obstacles, extraire à tout prix le vice de la propriété. Avoir le coeur libre. » (p.549) *
RB 56. La table de l’Abbé
L’Abbé prendra toujours ses repas avec les hôtes et les pèlerins. Lorsque les hôtes seront moins nombreux, il pourra appeler à sa table ceux des frères qu’il voudra. Il laissera néanmoins toujours avec les frères un ou deux anciens, pour le maintien de la discipline.
Ce chapitre de la RB n'est plus appliqué actuellement, l'astreinte serait trop grande et on peut même s'étonner que ce partage de la table avec l'abbé ait été la norme.
Cependant la représentation de la Cène figure parfois dans les réfectoires et ce n'est pas surprenant. N'est-ce pas le Repas partagé par excellence ? « Tout repas porte la marque de ce rassemblement dans le Christ et avec Lui. » *
Ce qu'on peut souligner aussi, c'est que si l'abbé ne partage qu'exceptionnellement la table des hôtes, ce sont souvent des moines ou moniales qui en assurent le service. C'est un beau témoignage de l'homme serviteur..
Quant à la discipline, il s'agit surtout de garder en tous lieux et dans toute action une certaine façon d'être et de vivre à la ressemblance de notre Maître, Jésus-Christ. Et ce n'est pas réservé à la vie monastique !
RB 57. Les artisans du monastère
S’il y a des artisans dans le monastère, ceux-ci exerceront leur métier en toute humilité, si l’Abbé le permet. Si l’un d’eux venait à s’enorgueillir de ce qu’il sait faire, parce qu’il semble procurer un avantage au monastère, on lui retirera l’exercice de son métier et il ne s’en occupera plus, à moins qu’il ne s’humilie et que l’Abbé ne le lui commande .
Si l’on doit vendre des ouvrages de ces artisans, ceux par les mains desquels ces objets doivent passer se garderont bien de commettre aucune fraude. Ils se souviendront toujours d’Ananie et de Saphire (ce couple, après avoir vendu une propriété pour en faire don à l’Église, décida de conserver — en la dissimulant — une partie de l’argent ; ce qui leur fit perdre la vie en face des Apôtres) [ Ac 5, 1-11 ], de peur que la mort que ceux-ci subirent dans leur corps ne les éprouve dans leur âme, eux et tous ceux qui frauderaient avec les biens du monastère.
On veillera à ce que le mal de l’avarice ne se glisse pas dans les prix. Au contraire, on vendra toujours un peu moins cher que les séculiers, afin qu’en tout Dieu soit glorifié [ 1 P 4, 11 ].
Les moines et moniales qui suivent la Règle de saint Benoît, et en particulier les cisterciens, sont très attachés au travail manuel. Cela leur assure leur subsistance mais surtout cela fait partie de leur équilibre de vie Ora et labora (Prie et travaille). Les visiteurs de monastères apprécient d'ailleurs beaucoup la qualité des produits monastiques.
Mais saint Benoît rappelle à ses frères que ce travail ne doit pas être l'occasion d'orgueil, auquel cas l'abbé demandera à ce moine trop fier de changer de fonction.
Avec le temps, les choses ont heureusement évolué même si l'humilité elle, est toujours de mise. On reconnaît les talents d'un moine ingénieur ou d'une moniale peintre d'icônes, ceux d'un gestionnaire ou d'un hôtelier. Et c'est bon pour tout le monde.
On voit aujourd'hui parmi les hommes et les femmes des reconversions professionnelles spectaculaires afin de vivre vraiment en fonction de ses aptitudes et ses désirs mais aussi en vue d'un mode de vie plus serein ou plus utile.
Nous sentons-nous à notre place là où nous sommes ? Pouvons-nous améliorer nos journées afin qu'elles soient plus équilibrées, porteuses de sens et pourquoi pas plus en harmonie avec l'Evangile ?
" C'est dans l'exercice de son métier que Dieu initie l'homme au mystère de la création active. Aimer son métier, être compétent est donc indispensable. Mais... nous devons être suffisamment détachés des choses pour les respecter au lieu de les exploiter, et de nos activités elles-mêmes afin qu'elles ne deviennent point esclavage... Le travail doit s'exercer en toute humilité... et être au service de la gloire de Dieu." (p.562) *
RB 58. La manière de recevoir les frères
Lorsque quelqu’un se présente pour embrasser la vie religieuse, on ne doit pas facilement lui accorder l’entrée ; mais on fera ce que dit l’Apôtre : Éprouvez les esprits pour voir s’ils sont de Dieu.[ 1 Jn 4, 1 ] Si un nouveau venu persévère à frapper à la porte, et si après quatre ou cinq jours on reconnaît qu’il est patient à supporter les rebuffades et les difficultés mises à son admission, et qu’il persiste dans sa demande, on consentira à le faire entrer et à le loger quelques jours à l’hôtellerie. Ensuite, il passera au logement des novices, où ceux-ci méditent, mangent et dorment (c’est le noviciat : bâtiment ou quartier du monastère dédié à la formation des jeunes moines).
Accueil bien rude de ce jeune , sûrement enthousiaste, qui se sent appelé à la vie monastique. Mais qui le met d'emblée à l'épreuve : obéissance, humilité, renoncement qui sont des valeurs de cette vie, et l'interroge sur ses profondes motivations : tout pour Dieu ? On peut penser aussi qu'aujourd'hui, il y a aussi de la bienveillance de la part des frères et soeurs, même si à l'époque de saint Benoît elle se manifestait plutôt dans la rudesse.
N'est-ce pas ce qui se pratique aussi dans certaines catégories professionnelles comme l'armée où l'aspirant, dans les premiers jours et premiers mois, est testé sur son courage et son endurance ? Ce qui l'attend nécessite obéissance et force de caractère. La Règle compare d'ailleurs la communauté monastique à une armée de combattants.
Combattants, nous le sommes tous plus ou moins face aux épreuves de la vie. Notre foi en Jésus, l'action de l'Esprit-Saint seront notre force dans notre faiblesse, comme le disait saint Paul.
« Les trois critères de saint Benoît ne sont autres que l'imitation de Jésus : Il est venu pour servir. Nous aussi nous sommes venus pour servir jusqu'à ce grand service de notre vie quotidienne. C'est là le grand signe de la vérité de notre effort de conversion. » (p.569) *
On désignera pour lui un ancien qui soit apte à gagner les âmes et qui le surveillera avec le plus grand soin (ce moine « doté d’esprit » porte communément le nom de maître des novices). Il examinera avec sollicitude s’il cherche vraiment Dieu, s’il est attentif à l’Œuvre de Dieu, à l’obéissance et aux humiliations. On lui fera connaître toutes les choses dures et âpres par lesquelles on va à Dieu.
Le parcours d'un homme qu'on qualifie de novice, qu'il soit moine ou pas, est généralement un temps d'épreuve, d'apprentissage, d'obéissance aux anciens. Mais les qualités exigées de ceux-ci doivent être aussi à la hauteur de cette tâche d'accompagnement. Il y a eu bien des dérives et abus de pouvoir.
Si nous est confiée une telle mission, petite ou grande, veillons à être à l'écoute, bienveillant, pédagogue, fraternel, humble aussi. Le « novice » a lui aussi ses qualités et particularités qui doivent être respectées.
Vivre parmi les hommes n'est pas chose facile mais la recherche de Dieu ne l'est pas non plus.
C'est bien connu : on aura besoin de frères pour nous aider et nous relever.
« Tant de choses tendent à faire obstacle à la vie de Dieu en nous. Nous avons à lutter ; et quand nous lutterions toute notre vie, cela ne servirait de rien si Dieu, dans sa tendresse, n'était pas toujours Celui qui nous aime le premier. Croire à l'amour premier de Dieu. Alors, confiants en la grâce de Dieu qui accomplit tout en nous, nous pouvons aller de l'avant. » (p.570) *
S’il promet de persévérer dans sa stabilité, après deux mois, on lui lira cette Règle en entier, puis on lui dira : Voici la loi sous laquelle tu veux combattre. Si tu peux l’observer, entre ; mais si tu ne le peux pas, tu es libre de te retirer. S’il persiste, on le reconduira au noviciat, et l’on continuera de l’éprouver en toute patience.
Comme nous le voyons depuis plusieurs semaines , la Règle de saint Benoît est le code de vie du moine /moniale. Le (la) novice doit en prendre connaissance avec soin et accepter d'y obéir. Pas d'illusion : ce sera bien un combat , mais un combat dans la liberté .
Quand nous nous engageons dans le mariage ou une association, nous le faisons aussi librement tout en sachant qu'il y aura des contraintes, des épreuves, des joies bien sûr et que cela en vaut la peine. On a confiance et on sait aussi que Dieu est avec nous.
« Ce qui dépasse les forces humaines devient possible pour celui qui a mis en Dieu et dans le Christ Jésus son espérance...(p.573)... Vivre profondément sa vie chrétienne, c'est avoir ce Jugement de Dieu présent, non pas comme un spectre qui effraie et paralyse, mais comme une Présence qui sans cesse sollicite et donne ce qu'elle promet. » (p.576) *
Dans cette démarche d'espérance et de persévérance dans la foi, voici une prière de l'abbé Pierre :
(Cette prière a été mise sur ce site avant les récentes révélations sur "la face cachée de l'abbé Pierre". Des erreurs graves, il y en a eu sans doute, c'est à la justice de faire son oeuvre. Mais ne noircissons pas un homme au-delà de sa réalité et n'oublions pas tout le bien qu'il a fait).
Je continuerai à croire, même si tout le monde perd espoir. Je continuerai à aimer, même si les autres distillent la haine. Je continuerai à construire, même si les autres détruisent.
Je continuerai à parler de paix, même au milieu d’une guerre. Je continuerai à illuminer, même au milieu de l’obscurité.
Je continuerai à semer, même si les autres piétinent la récolte. Et je continuerai à crier, même si les autres se taisent.
Et je dessinerai des sourires sur des visages en larmes.
Et j’apporterai le soulagement, quand on verra la douleur.
Et j’offrirai des motifs de joie là où il n’y a que tristesse. J’inviterai à marcher celui qui a décidé de s’arrêter…
Et je tendrai les bras à ceux qui se sentent épuisés.
Au bout de six mois, on lui lira encore la Règle, afin qu’il sache bien à quoi il s’engage. S’il persévère, après quatre autres mois, on lui lira à nouveau cette même Règle. Et si après mûre délibération, il promet de la garder en tous points et d’observer tout ce qui y est commandé, alors il sera reçu dans la communauté ; mais qu’il sache aussi qu’en vertu de la loi portée par la Règle il ne lui sera plus permis de quitter le monastère à partir de ce jour, ni de secouer le joug de cette Règle, qu’après une aussi longue délibération il était à même de refuser ou d’accepter.
On ne peut être plus clair sur le processus de choix d'un engagement. Etre bien informé. Prendre son temps avant de s'engager. S'estimer capable d'observer en tous points les conditions de l'engagement et se sentir vraiment libre de choisir.
L'engagement dans le mariage ou en religion, celui d'assurer une responsabilité dans un groupe ou de donner naissance à un enfant, tenir une simple promesse requièrent les mêmes conditions. Faire ce qu'on a promis et tenir dans la durée.
La persévérance et l'espérance dans la foi sont une adhésion totale au Christ, consciente, réfléchie et libre. Humble aussi car tout vient de Dieu.
« Savoir donner son temps pour accueillir et écouter... Donner son temps, c'est accueillir le programme de Dieu à la place du nôtre. » (p.578)*
Avant d’être reçu, il promettra devant tous, dans l’oratoire, stabilité, vie religieuse et obéissance, en présence de Dieu et de ses Saints(ce sont les vœux monastiques : la stabilité se rapporte à une communauté et à un lieu, qui lie pour la vie — sauf cas exceptionnel — un moine à un monastère particulier ; et la vie religieuse désigne une conversion aux mœurs du moine et à son mode de vie particulier) ; afin que si un jour il faisait autrement, il serait condamné par Celui dont il se serait joué.
Une promesse, un engagement ne concerne pas que nous-même. On s'engage généralement devant une ou des autres personnes qui comptent sur nous, vis-à-vis d'un projet commun en faveur duquel on prend une responsabilité. Dans le cas des moines et moniales, l'engagement se fait dans une communauté et surtout devant Dieu.
La part que nous prenons dans la vie de notre famille, notre communauté, notre Eglise ou le monde peut sembler dérisoire, mais dans un équilibre chacun a sa part souvent plus qu'il ne le pense.
.Il fera de cette promesse une charte au nom des Saints dont les reliques sont en ce lieu (cette demande écrite — ou pétition — est présentée par le moine à la communauté lors d’une cérémonie de profession monastique), et de l’Abbé présent. Il écrira cette charte de sa propre main ; ou s’il est illettré, un autre prié par lui l’écrira. Le novice lui-même la signera, puis il la placera de sa propre main sur l’autel. Lorsqu’il l’y aura déposée, il entonnera aussitôt ce verset : Reçois-moi, Seigneur, selon ta parole, et je vivrai ; et ne me confonds pas dans mon attente[ Ps 118, 116 ]. Toute la communauté répétera trois fois ce verset, en y ajoutant le Gloria. Le frère novice se prosternera ensuite aux pieds de chacun des frères, leur demandant de prier pour lui. À dater de ce jour, on le tiendra pour membre de la communauté.
La promesse est faite, l'acte est signé au vu de tous, comme certains contrats en entreprise , entre époux ou entre pays. C'est écrit et incontestable. On ne peut pas dire que les choses sont prises à la légère ! Mais le moine a malgré tout bien besoin de l'appui et de la prière de ses frères . Comme une construction solide, c'est un ciment qui les lie. On sait combien une fissure dans un mur est inquiétante pour la maison toute entière.
Nous sommes le Corps du Christ. Alors soyons conscients que le moindre petit élément de ce Corps que je suis a son rôle à jouer dans la vie de l'Eglise. Nous sommes solidaires.
« Nous ne sommes pas juxtaposés au hasard mais réunis par un dessein providentiel de Dieu et la mesure de notre correspondance à ce dessein de Dieu par une vie de charité fraternelle sans ombres est la mesure de notre union authentique à Dieu. » (p.580)*
S’il possède quelques biens, il devra préalablement ou les distribuer aux pauvres, ou les conférer par une donation solennelle au monastère, sans rien se réserver du tout ; car il sait, dès cet instant, ne plus même pouvoir disposer de son propre corps.
Le moine pousse à l'extrême l'idée de dépouillement et de pauvreté pour ne dépendre que de Dieu.
C'est son choix comme dans le mariage on s'engage à une union pour toute la vie et à être solidaires l'un de l'autre quoiqu'il arrive. Les nombreux divorces montrent combien ce n'est pas un engagement facile. Mais la facilité n'est pas la compagne de l'enthousiasme, de la persévérance et de la joie.
On le dépouillera donc immédiatement, dans l’oratoire, des habits personnels dont il était vêtu, et on le revêtira d’habits appartenant au monastère (il n’y avait donc de changement d’habit qu’à la profession ; de là vient que celui-ci fut longtemps considéré comme le symbole même de cet engagement : l’habit fait le moine). Les vêtements qu’il aura quittés seront déposés au vestiaire, pour y être conservés, afin que, si un jour, à l’instigation du diable, il se décidait — pourvu que non ! — à sortir du monastère, on puisse alors lui ôter les habits du monastère, et le chasser. On ne lui rendra pas néanmoins sa charte que l’Abbé a prise jadis sur l’autel, mais on la gardera dans le monastère.
Les moines/moniales sont généralement très attachés à leur habit monastique. Ce vêtement reçu lors de leur profession est le signe de leur engagement, de leur particularité ; chaque élément de l'habit étant lui-même porteur de symbole.
Le militaire qui quitte l'armée rend son arme, le moine qui quitte son monastère rend son habit.
« Chercher Dieu. Nous ne le connaissons pas encore assez. Connaître Dieu, ne pas nous lasser de Le chercher, de le mettre au plus intime de nos journées. » (p.581) *
Abbaye de Fonfroide © D.G
RB 59. Les fils de nobles ou de pauvres qui sont offerts
Lorsque quelqu’un de noble veut offrir son fils à Dieu dans le monastère, si l’enfant est en bas âge, ses parents feront eux-mêmes la demande écrite dont nous avons parlé (RB 58 ). Ils envelopperont cette charte et la main de l’enfant, avec l’oblation (l’offrande du pain et du vin faite lors de l’Eucharistie), dans la nappe de l’autel, et ils l’offriront ainsi.
Quant à leurs biens, ils promettront sous serment, dans la charte qu’ils présentent, de ne jamais rien lui en donner, et de ne lui fournir aucun moyen d’y avoir part, ni par eux-mêmes, ni par une personne interposée, ni d’aucune autre manière ; ou bien, s’ils ne veulent pas agir ainsi, et qu’ils veuillent cependant offrir quelque chose en aumône au monastère pour leur mérite, ils en feront don à la communauté, s’en réservant l’usufruit s’il leur plaît. Par ce moyen, on fermera toute issue, si bien qu’il ne restera plus à l’enfant rien à en attendre, ce qui ne servirait — pourvu que non ! — qu’à le tromper et à le perdre, ainsi que nous l’avons appris par expérience.
Ceux qui sont plus pauvres agiront de la même manière. Quant à ceux qui n’ont rien du tout, ils feront simplement leur charte et offriront leur fils, avec l’oblation, en présence de témoins.
On peut retenir un mot important : offrir. C'est un cadeau à quelqu'un qu'on aime. On peut évidemment être choqué par les usages à l'époque de Benoît. Donner un fils au monastère pouvait être un bien comme un mal pour l'enfant ou une démarche intéressée pour les parents. Il n'y a pas si longtemps , des jeunes entraient au séminaire afin de leur permettre une scolarité et un avenir qu'ils ne pouvaient espérer autrement étant donnés leurs moyens.
Mais ce sur quoi saint Benoît insiste, c'est sur un don sans réserve.
Donnons sans arrière-pensée, sans calcul . Dieu lui-même s'est donné à nous.
« Nous avons chaque jour à lâcher...notre esprit de propriété, notre volonté tenace de demeurer ce que nous voulons être, au lieu d'accepter d'accepter d'être ce que nous sommes véritablement dans la pensée de Dieu, libres de la même liberté dont Lui-même nous aime. Puissions-nous entrer dans cette liberté des enfants de Dieu, à l'exemple de Marie, celle qui a accueilli sans réserve la grâce divine. » (p.586)*
Abbaye de Sept-Fons (Allier)
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
* Cf. Texte et commentaires de la Règle dans « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023 Traduit en français par Germain Morin de l’abbaye de Maredsous1944 - Révisé sur la traduction de Philibert Schmitz de la même abbaye , 202
Mise à jour : Mardi 30 Juillet 2024, 12:57
Denyse
- rubrique 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73
-
- Permalien
- 0 commentaires
Vendredi 14 Juin 2024
Règle de saint Benoît - texte et commentaires - ch 50-51-52-53
Sommaire
RB 50. Les frères qui travaillent loin de l’oratoire, ou qui sont en voyage
Les frères qui travaillent au loin et ne peuvent revenir à l’oratoire à l’Heure voulue — l’Abbé l’ayant jugé tel — accompliront l’Œuvre de Dieu sur place et à genoux, avec la crainte due à la Divinité.
De même, ceux qui sont conduits à voyager ne laisseront pas passer les Heures prescrites, mais ils les diront en particulier, comme ils pourront, et ne négligeront pas de s’acquitter du devoir de leur service.
On s'excuse très (trop) facilement de n'avoir pas trouvé le temps de visiter un ami, de prier, d'aller à la messe. Tant d'autres choses peuvent nous solliciter qui pourraient cependant être remises à plus tard.
Saint Benoît insiste ici sur la nécessité de ne pas passer à coté de l'essentiel quelque soit la situation du jour. Toujours nous recentrer sur Dieu, sur la Parole qui nous nourrit comme le pain quotidien.
Nous ne mesurons certainement pas assez l'importance pour notre vie de la nourriture spirituelle de chaque jour. Essayons de nous y astreindre et nous en verrons les bienfaits.
« Il n'y a pas de vacances pour la prière, non plus que pour une certaine austérité et maîtrise de soi, une certaine réserve par rapport aux sollicitations venant de l'extérieur... Il y a en en nous une attirance secrète vers la prière ; un tel besoin de prier, de rester avec Dieu, de 'demeurer ', que toute exhortation à la prière nous trouve réceptifs et consentants ; mais il y a aussi une répugnance naturelle au labeur qu'elle nous impose, à l'aridité d'une activité, qui se développant sur un plan purement théologal, ne contente pas notre besoin humain de pensée et d'action. Aussi avons-nous sans cesse besoin d'être rappelé à la prière... et peu à peu la prière nous deviendra comme une seconde nature. » * (p.516-517)
RB 51. Les frères qui vont en des lieux pas très éloignés
Le frère qui sort pour une affaire quelconque et espère rentrer le jour même au monastère ne se permettra pas de manger au dehors, même s’il est invité instamment par qui que ce soit — à moins que l’Abbé ne l’ait peut-être autorisé. S’il agit autrement, qu’il soit excommunié.
Saint Benoît souligne ici , dans le cas précis d'une sortie du moine à l'extérieur, que celui-ci ne doit pas oublier qu'il appartient d'abord à Dieu et à sa communauté. Il y a toujours risque de trouver trop d'attrait pour le « monde »...
RB 52. L’oratoire du monastère
L’oratoire sera ce que signifie son nom. On n’y fera et on n’y déposera rien d’étranger à sa destination. L’Œuvre de Dieu terminée, tous les frères sortiront dans un profond silence, et maintiendront leur révérence envers Dieu ; afin qu’un frère qui veut y prier en particulier n’en soit pas empêché par l’importunité d’autrui.
De même, si à un autre moment quelqu’un veut prier avec plus de recueillement, qu’il entre simplement et qu’il prie, non pas avec des éclats de voix, mais avec larmes et ferveur du cœur. À qui ne se conduit pas ainsi, on ne permettra donc pas de demeurer dans l’oratoire après l’Œuvre de Dieu, comme il a été dit, de peur que d’autres n’en soient importunés.
On comprend sans peine l'importance de ce lieu qu'est l'oratoire pour les moines et le grand respect qui y est dû pour le lieu lui-même et pour les moines (moniales) qui y prient.
Le temps de l'été est souvent l'occasion de visiter des lieux religieux. On remarque, à quelques exceptions près, que le public baisse naturellement la voix, regarde vitraux et mobilier avec respect, s'assoit un moment en silence... Temps privilégié des vacances où Dieu nous croise...
Abbaye de Cîteaux (Côte d'Or) - © D.G
- « Puisse notre église être vraiment la maison de Dieu et n'être que cela : puissions-nous en venant souvent prier à l'église, retrouver Dieu dans le secret de notre cœur. Aimons aller à l'église...
Ce respect [vis-à-vis de Dieu] n'est pas forcément très profond. Le respect profond s'apprend. Quand il s'agit de Dieu, c'est toute la vie qui doit devenir école de respect, de cette crainte révérentielle pénétrée d'amour qui se traduit dans notre attitude extérieure (p.525)
- Rappelons-nous la parole du Seigneur : « Retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là dans le secret. » (saint Matthieu 6,6) -p.529 *
RB 53. La réception des hôtes
Tous les hôtes qui arrivent seront reçus comme le Christ, car lui-même dira un jour : J’ai demandé l’hospitalité et vous m’avez reçu.[ Mt 25, 35 ] À tous on témoignera l’honneur qui leur est dû, surtout aux proches dans la foi (l’expression domesticis fidei désigne ceux qui font tout particulièrement partie de la maison — domus — de l’Église, par exemple les clercs et les moines) [ Ga 6, 10 ] et aux pèlerins.
Ce beau chapitre est important et fait en quelque sorte partie de l'ADN monastique. Les moines et moniales d'aujourd'hui en sont bien conscients ayant largement développé l'accueil et les hôtelleries.
C'est une source de revenus bien sûr, mais c'est surtout en lien avec RB53 et avec une grande attente des visiteurs d'abbayes. L'accueil qui leur est fait est, s'il est bien fait, un fort témoignage de la foi chrétienne qui est charité, une occasion d'échanges, de consolation parfois et d'approche de Dieu, le Miséricordieux comme le nomment aussi les musulmans. « C'est le Christ qui reçoit, c'est le Christ qui est reçu. »
Mais comment recevons-nous aussi nos hôtes dans nos maisons, nos presbytères, nos communautés ? Ceux qui arrivent parfois à l'improviste, ceux qui dérangent ? « Ils seront reçus comme le Christ »...
« Comment nous comportons-nous avec notre prochain ? Aujourd'hui saint Benoît nous parle des hôtes. Quelle est vis-à-vis d'eux notre attitude ? Dispersion, curiosité, recherche de nous-mêmes, ou bien crainte de Dieu, amour désintéressé ? La véritable hospitalité est faite de dépouillement intérieur, de vide de soi-même ; de silence qui permet de reconnaître le Christ et de lui donner ce qu'il vient chercher. » (p.352)*
Aussitôt donc qu’un hôte aura été annoncé, le supérieur et les frères se hâteront à sa rencontre avec toutes les marques de la charité. On priera d’abord ensemble, et ensuite on se donnera mutuellement la paix. Ce baiser de paix ne se donnera qu’après la prière, pour se garder de diaboliques illusions.(allusion à certains récits rapportés dans les Vies des moines d’Orient)
Dans la manière de saluer, on témoignera à tous les hôtes une profonde humilité : devant ceux qui arriveront ou partiront, on inclinera la tête, ou on se prosternera, le corps par terre, adorant en eux le Christ même qu’on reçoit.
Les hôtes ainsi accueillis seront conduits à la prière : après quoi le supérieur, ou un autre désigné par lui, s’assiéra en leur compagnie. On lira en présence de l’hôte la divine Écriture(lit. loi divine) pour son édification. Ensuite on le traitera avec toute l’humanité possible.
Le supérieur rompra le jeûne à cause de l’hôte, à moins que ce ne soit un des jours de jeûnes principaux qu’on ne puisse enfreindre. Quant aux frères, ils observeront leurs jeûnes comme de coutume.
L’Abbé versera de l’eau sur les mains des hôtes ; lui même, avec la communauté entière, lavera les pieds à tous les hôtes. Après quoi, ils diront ce verset : Nous recevons, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple.[ Ps 47, 10 ]
On montrera une sollicitude et un soin tout particulier dans l’accueil des pauvres et des pèlerins, parce que c’est surtout en leurs personnes qu’on reçoit le Christ. Pour les riches, en effet, la crainte qu’ils inspirent porte d’elle-même à les honorer.
« On priera d'abord ensemble » très bel accueil monastique qu'on ne pratique plus guère peut-être par respect de l'hôte dont on ne connaît pas l'état d'esprit. Mais il est toujours invité à participer à la prière monastique. Entre moines/moniales, d'abord prier ensemble est certainement essentiel. Confier d'abord la rencontre à Dieu.
Quant à se donner la paix, quel beau geste d'accueil ! Cela fait penser au « Gruss Got » échangé par les marcheurs en Autriche : Dieu te salue ! Ou au « salam aleykum » des musulmans.
Faisons attention à nos saluts parfois un peu trop pressés et où le « çà va ? » n'attend même pas de réponse...
« C'est vraiment la paix que les hôtes viennent chercher parmi nous, non que nous puissions la leur donner, mais parce que le Christ, habitant notre maison, leur communique chez nous sa paix... Que la béatitude exprimée par Jésus nous inspire : Heureux les artisans de paix. » (p.538)*
Abbaye de Senones (Vosges) © D.G
La cuisine de l’Abbé et des hôtes sera à part, afin que les frères ne soient pas troublés par les hôtes qui arrivent à des heures incertaines, et ne manquent jamais au monastère.
Chaque année, deux frères capables de bien remplir leur office entreront au service de cette cuisine. On leur donnera, au besoin, des aides afin qu’ils servent sans murmure. Et quand, au contraire, ils n’auront pas assez d’occupation, ils iront à l’ouvrage qu’on leur commandera.
Et cette disposition vaut non seulement pour eux, mais encore pour tous les offices du monastère : quand les frères auront besoin d’aides, on leur en donnera ; et lorsqu’ils manqueront d’occupation, qu’ils obéissent en faisant ce qui leur sera commandé.
On relève ici le soin qu'a Benoît du bon fonctionnement du monastère : organisation des lieux afin de ne pas déranger le silence. Adaptation en fonction des besoins en plus ou en moins. Il veille en particulier sur l'inactivité qui relâcherait le dynamisme et la spiritualité des moines. Et toujours présence de l'obéissance en toutes circonstances.
On voit combien l'organisation pratique de nos vies peut avoir un impact sur notre état d'esprit et notre façon d'être. Même si de nos jours on accorde à juste titre de l'intérêt au temps libre, reste à savoir comment nous l'occupons et comment il s'équilibre avec nos temps d'activité.
Les vacances approchent. Qu'allons-nous en faire ?
« Ne pas perdre Dieu de vue. » (p.542)*
Quant au logement des hôtes, on en confiera la charge à un frère dont l’âme soit remplie de la crainte de Dieu. Il y aura des lits garnis en nombre suffisant, et on fera en sorte que la maison de Dieu soit sagement administrée par des gens sages.
On n’abordera pas les hôtes, ni ne leur parlera sans permission. Si on les rencontre ou les aperçoit, on les saluera humblement, comme il a été dit, et après avoir demandé une bénédiction, on passera outre en disant ne pas avoir la permission de s’entretenir avec un hôte.
Quelle prudence chez saint Benoît ! Les rencontres entre hôtelier et hôtes ont tout de même et heureusement évolué . Sagesse et réserves sont toujours de mise mais l'accueil est désormais plus avenant et fraternel. Mais quand on connaît bien la Règle, on la voit toujours affleurer dans les comportements monastiques.
Dans nos vies, la sagesse est toujours recommandée ainsi que la bienveillance. Nous souvenant toujours que l'écoute de l'autre est primordiale. « Les uns les autres » nous rappelle souvent l'Evangile. Cela veut dire que pour que l'amour fraternel fonctionne, il vaut mieux être dans la réciprocité.
« Nous devons avoir un profond respect des âmes ; ce serait y manquer que de chercher à entrer en rapport avec qui ne nous le demanderait pas... Ce que [les hôtes] nous demandent ce n'est pas de leur livrer nous-mêmes, mais de leur donner Dieu. » (p.542)*
------------------------------------------------------
* Cf. Texte et commentaires de la Règle dans « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023 Traduit en français par Germain Morin de l’abbaye de Maredsous1944 - Révisé sur la traduction de Philibert Schmitz de la même abbaye , 2023
Mise à jour : Jeudi 20 Juin 2024, 12:43
Denyse
- rubrique 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73
-
- Permalien
- 0 commentaires
Jeudi 30 Mai 2024
Règle de saint Benoît ch. 43-44-45-46-47-48-49
Sommaire
- Les chapîtres précédents sont à chercher dans la rubrique "Archives"
RB 43. Ceux qui arrivent en retard à l’Œuvre de Dieu ou à la table - RB 45. Ceux qui se trompent à l’oratoire
- RB 46 - Ceux qui font des fautes en autre chose
- 47. Le signal pour indiquer l’heure de l’Œuvre de Dieu
- 48. Le travail manuel de chaque jour
- RB 49. L’observance du Carême
REGLE DE SAINT BENOÎT - Texte et commentaires
La Règle a été conçue par saint Benoît pour des communautés monastiques. Mais que nous soyons religieux ou laïcs dans le monde cette Règle peut être pour nous une aide précieuse pour avancer dans l'esprit de l'Evangile. Nous en proposons ici un commentaire un peu actualisé.
Les chapîtres précédents sont à chercher dans la rubrique "Archives"
RB 43. Ceux qui arrivent en retard à l’Œuvre de Dieu ou à la table
À l’heure de l’office divin, dès le signal entendu, on laissera là tout ce qu’on a en mains, et on accourra en toute hâte, avec gravité néanmoins, afin de ne pas alimenter la dissipation. Que rien donc ne soit préféré à l’Œuvre de Dieu....
Impressionnant chapitre 43 d'une discipline extrême qui peut choquer. Il faut imaginer aussi, à l'époque de saint Benoît des communautés nombreuses où un certain nombre de règles sont nécessaires pour que les différentes activités (office, travail, repas, sommeil...) se vivent dans le calme et soient bien coordonnées. Les négligences ou dissipations de quelques-uns peuvent semer le désordre.
Comme à l'école, il suffit d'un perturbateur pour que toute la classe s'en ressente.
Saint Benoît insiste donc en détail ( voir texte complet) sur toutes les occasions de dysfonctionnement et les pénitences qu'elles impliquent. Il en va de l'harmonie de la communauté dont le but premier est « que rien ne soit préféré à l'Oeuvre de Dieu ».
Il peut nous arriver d'avoir des journées très « dissipées », incohérentes. Une certaine discipline est nécessaire pour que notre vie ne se dilue pas en futilités.
« Nos faiblesses nous offrent la possibilité de faire un pas en avant, de nous convertir...et de travailler efficacement au Règne de Dieu. » (p.472)
« Autre domaine où nous avons à discipliner notre volonté : la tentation de vouloir trop en faire : pour d'excellents motifs parfois, mais qui ne sont pas entièrement purs de recherche de soi. Le critère : qu'est-ce que Dieu me demande à l'instant présent ? »* (p.473)
RB 44 . Ceux qui ont été excommuniés : comment ils doivent réparer
Celui qui, pour des fautes graves, aura été excommunié de l’oratoire et de la table se tiendra prosterné devant la porte de l’oratoire, à l’heure où l’on y célébrera l’Œuvre de Dieu. Il ne dira rien, se contentant de demeurer étendu, la face contre terre, aux pieds de tous ceux qui sortent de l’oratoire. Et il continuera de faire ainsi, jusqu’à ce que l’Abbé juge qu’il a satisfait. Alors, sur l’ordre de l’Abbé, il viendra se jeter à ses pieds et à ceux de tous les frères, afin qu’ils prient pour lui.
« Excommunié » = retiré de la vie commune. C'est bien là la conséquence d'une faute car souvent elle pénalise d'autres personnes. Nos fautes peuvent déranger l'autre, le blesser, lui nuire. C'est en fait nous-mêmes qui, par notre attitude, nous mettons à part. Rester « devant la porte de l'oratoire » concrétise cette coupure avec Dieu qu'est la faute.
Nos lenteurs, nos doutes, nos absences retardent l'avancée du Règne de Dieu et donc de tous. Nous devons en prendre conscience. C'est sur cela que saint Benoît insiste. Il ne punit pas, il aide le frère à s'amender et à grandir Ce n'est pas facile , devant tous, de reconnaître ses erreurs. Cela demande de l'humilité. Aimés de Dieu, nous ne sommes pas jugés mais pardonnés pour continuer à avancer en paix.
« Chaque instant peut être pour nous une sorte de recommencement absolu dans notre vie avec Dieu... La joie de Dieu, nous ne la connaissons que là, dans la découverte que nous sommes pardonnés. »* (p.481)
RB 45. Ceux qui se trompent à l’oratoire
Lorsque quelqu’un se trompe dans la récitation d’un psaume, d’un répons, d’une antienne ou d’une lecture, s’il ne s’en humilie pas sur place et devant tout le monde, en donnant satisfaction, il sera soumis à une correction plus sévère ; cela pour n’avoir pas voulu corriger par un acte d’humilité la faute qu’il a commise par sa négligence.
Les enfants, pour ces sortes de fautes, seront frappés de coups de bâton.
Comme dans les chapitres précédents, la Règle de saint Benoît ne tolère pas que le frère ne reconnaisse pas ses erreurs. L'erreur est souvent cause de négligence mais elle est excusable. Ce qui ne l'est pas c'est le manque d'humilité. Reconnaître ses fautes, et particulièrement devant les autres, n'est pas facile mais cela évite peut-être de se l'entendre dire en face ou le murmure des frères.
Se reconnaître pauvre, fragile est pourtant une façon d'avoir conscience de ce que nous sommes et si possible de nous améliorer, d'être davantage conforme à ce que Dieu attend de nous. Pour notre bonheur et celui de l'humanité. Si chacun y mettait un peu du sien, le monde serait plus beau.
« Pour découvrir l'amour du Christ, pour avoir accès auprès de Dieu, il nous faut perdre la face à nos propres yeux. Se présenter à Dieu comme des pauvres. L'acquisition de cette pauvreté, qui est simplicité, humilité, se fait au jour le jour par l'expérience de nos limites, de nos faiblesses, et en même temps de la miséricorde divine. Réparer courageusement sans dépit, sans amertume ; ne pas se scandaliser des faiblesses des autres. Qu'on sente en tous un désir de mieux faire ; ne pas nous lasser d'avoir toujours à recommencer. Ne pas prendre prétexte de notre médiocrité pour cesser tout effort : cela, c'est de l'orgueil. Mais nous y remettre toujours, non pas, par une intention secrète, pour nous réhabiliter aux yeux des autres et à nos yeux, mais par amour pour Dieu, le regard fixé sur le Sauveur.* (p.483)
RB 46 - Ceux qui font des fautes en autre chose
Lorsque quelqu’un, dans un travail à la cuisine, au cellier, dans un atelier, à la boulangerie, au jardin, dans l’exercice d’un métier, en quelque lieu que ce soit, fait une faute, brise ou perd quelque chose, ou commet un délit quelconque, s’il ne vient pas aussitôt de lui-même en donner satisfaction et s’en accuser devant l’Abbé et la communauté, et qu’on vienne à le connaître par un autre, il sera soumis à une correction plus sévère.
Mais s’il s’agit d’un péché secret de l’âme, il s’en ouvrira seulement à l’Abbé ou aux anciens dotés d’esprit, qui savent guérir leurs propres blessures et celles d’autrui sans les découvrir ni les divulguer.
Les fautes en lien avec la prière et l'oratoire sont considérées comme graves. Mais ne sont pas non plus sans importance celles du quotidien et en particulier celles qu'on dissimule. L'objectif est toujours que celui qui a failli retrouve la paix du cœur.
Quand on reconnaît ses erreurs et qu'on en est pardonné par un frère, une sœur et par Dieu, on repart le cœur plus léger. La faute est derrière nous et sans aucun doute nous rend plus attentifs .
Avec le Christ, nous sommes sur un chemin de perfection qui n'est pas un but en soi mais de trouver le bonheur.
« Le Christ nous a choisis. Il a choisi des hommes et non des héros. Il ne s'agit donc pas d'acquérir une sainteté idéale à la force du poignet, mais de répondre à la pensée du Christ sur nous ; lui ouvrir notre cœur ; ne pas nous lasser de revenir à Lui, quelques soient les faiblesses et les chutes. Croire qu' Il peut tout en nous »*(p.484)
47. Le signal pour indiquer l’heure de l’Œuvre de Dieu
La charge d’annoncer l’heure de l’Œuvre de Dieu, tant de jour que de nuit, incombera à l’Abbé(avec les moyens de l’époque, il n’était pas facile de compter les heures, d’autant que leur longueur variait d’un jour à l’autre). Il s’en chargera lui-même, ou la confiera à un frère si ponctuel que tout s’accomplisse aux heures régulières.
Ceux qui en auront reçu l’ordre entonneront, à leur rang après l’Abbé, les psaumes et les antiennes. Personne n’aura la présomption de chanter ou de lire s’il ne peut remplir cette fonction de manière à édifier ceux qui l’écoutent, mais le fera avec humilité, gravité et crainte, et après en avoir reçu l’ordre de l’Abbé.
La ponctualité, l'obéissance et l'humilité sont au cœur de ce chapitre où les rendez-vous avec Dieu , le temps de la prière sont prioritaires. Nous sommes généralement ponctuels à nos rendez-vous, à notre travail, à la sortie de l'école. Quelle est donc l'heure quotidienne de notre rendez-vous quotidien avec Dieu ?
On sait très bien que tout laxisme à ce sujet entraîne souvent un délaissement progressif. On ne boit plus à la source et notre foi va se dessécher. Passe-t-on une journée sans manger ?
KIEV © D.G © D.G
« Chaque fois que sonne l'oeuvre de Dieu, c'est une anticipation de ce moment essentiel où se réalise la Pâque du Seigneur, la rencontre définitive de Dieu... Prenons toujours mieux la mesure de la dimension surnaturelle de notre vie, de l'irruption de l'éternité dans le temps que nous vivons et qui ne prend de sens que par elle.. C'est en ce sens qu'il faut « être à l'Heure » ! * (p.490)
48. Le travail manuel de chaque jour
L’oisiveté est ennemie de l’âme. Les frères doivent donc consacrer certaines heures au travail des mains et d’autres à la lecture des choses divines. C’est pourquoi nous croyons devoir régler comme il suit ce double partage de la journée. (reprenant la tradition biblique, la journée est découpée en douze heures de durée variable, de l'aube au crépuscule – où la première heure correspond de nos jours à six heures du matin).
Monastère cistercien de Munkeby (Norvège)
La fromagerie.
Saint Benoît va développer largement ce sujet du travail manuel des moines qui est, particulièrement pour les cisterciens, un aspect important de leur choix de vie. Il combat absolument l'oisiveté . La vie monastique est très programmée, organisée, rythmée par les sept offices quotidiens ; S'y intercalent les temps de travail indispensables au bon fonctionnement économique du monastère, les temps de prière personnelle, de lectio divina, les temps de repas et de repos. La réunion dans la salle du chapitre est aussi quotidienne où l'abbé commente un chapitre de la Règle et donne des informations diverses. A quoi s'ajoutent ponctuellement des rencontres avec des laïcs, des conférences à entendre ou à donner etc...
Dans la vie active du monde, nous n'avons donc rien à envier aux moines qu'on pourrait croire mener une vie bien tranquille. Mais ce qui en fait la particularité, c'est la recherche d'équilibre entre action et prière. Quant à la relation à Dieu, un moine disait : « Pour moi, il n'y a plus de différence : Dieu est présent sans ma vie dans mes actions comme dans l'Eucharisite, la prière ou le silence. Il est toute ma vie. »
« Le critère... n'est pas de faire le plus de choses possible ; il est d'être dans la volonté de Dieu, de remplir généreusement le programme de Dieu, qui ne nous demande jamais plus que nous ne pouvons faire. »* (p.493)
La suite de chapitre est extrêmement détaillée et rigoureuse dans les consignes , Saint Benoît étant toujours soucieux du respect de chacun. On peut être frappé par ce mode de vie très encadré qui laisse peu de place aux aspirations personnelles mais il est à replacer dans le contexte de l'époque médiévale. Cependant, aujourd'hui encore la fidélité à la Règle dans les monastères reste forte même si quelques adaptations sont nécessaires et bienvenues.
On retiendra ce passage bien connu :C’est alors qu’ils sont véritablement moines, vivant du travail de leurs mains, comme nos Pères et les Apôtres. Que tout se fasse cependant avec mesure, par égard pour les faibles.
« C'est à la lumière de l'Evangile que prend tout son sens notre travail d'hommes. Il n'est pas un à-côté imposé par les nécessités, en marge d'une activité supérieure que constituerait notre vie de prière, liturgique et personnelle. Il nous insère, comme la prière, à la mesure même de l'authenticité de notre vie de prière, dans l'Oeuvre du Christ créateur et sauveur, en qui se rejoignent et s'unifient la vie du monde et la vie de Dieu. » * (p.499)
RB 49. L’observance du Carême
La vie d’un moine devrait être, en tout temps, conforme à l’observance du Carême. Néanmoins, comme cette perfection est le fait d’un petit nombre, nous recommandons aux frères de vivre en toute pureté ces jours du Carême, et d’effacer en ces saints jours toutes les négligences des autres temps. Nous le ferons dignement, si nous nous préservons de toute sorte de vices, si nous nous appliquons à la prière avec larmes, à la lecture, à la componction du cœur et à l’abstinence.
Donc, en ces jours, ajoutons quelque chose à la tâche ordinaire de notre service : oraisons particulières, abstinence de nourriture et de boisson. Ainsi, chacun offrira de sa propre volonté à Dieu, dans la joie du Saint-Esprit, quelque chose au-dessus de la mesure qui lui est prescrite, c’est-à-dire qu’il retranchera à son corps sur la nourriture, la boisson, le sommeil, la conversation et la plaisanterie, et qu’il attendra la sainte Pâque avec la joie du désir spirituel.
Néanmoins, chacun soumettra à son Abbé ce qu’il veut offrir, et n’agira qu’avec sa prière et son agrément ; car ce qui se fait sans la permission du père spirituel sera mis au compte de la présomption et de la vaine gloire, et non du mérite. Que tout se fasse donc avec l’assentiment de l’Abbé.
Pour le chrétien, chaque jour est vécu dans l'union à Dieu. Le temps du Carême met encore davantage l'accent sur nos efforts pour nous conformer à l'attente de Dieu. Repérer là où dans notre vie, il y a un peu de négligence pour la surmonter, prier davantage, être plus fraternel etc...
Le but n'est pas le sacrifice mais bien d'être toujours plus à la suite du Christ qui nous mène à Dieu.
Des efforts dans de petites choses nous aideront à en faire dans de plus grandes, à apprendre aussi à renoncer au superflu pour tendre vers l'essentiel. « Dans la joie de l'Esprit-Saint » !
"Le renoncement allège l'âme, lui rend sa virginité, sa limpidité, sa légèreté surnaturelle. La joie du carême, c'est la joie de donner... Le carême nous fait entrer dans ce désert où peut se nouer le coeur à coeur avec Dieu." * (p.511)
-----------------
* Cf. Texte et commentaires de la Règle dans « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023 Traduit en français par Germain Morin de l’abbaye de Maredsous1944 - Révisé sur la traduction de Philibert Schmitz de la même abbaye , 2023
Mise à jour : Jeudi 30 Mai 2024, 12:32
Denyse
- rubrique 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73
-
- Permalien
- 0 commentaires
Mardi 09 Avril 2024
Règle de saint Benoît ch.32-33-34-35-36-37-38-39-40–41-42
Sommaire
REGLE DE SAINT BENOÎT - Texte et commentaires
La Règle a été conçue par saint Benoît pour des communautés monastiques. Mais que nous soyons religieux ou laïcs dans le monde cette Règle peut être pour nous une aide précieuse pour avancer dans l'esprit de l'Evangile. Nous en proposons ici un commentaire un peu actualisé.
RB 32. Les outils et les objets du monastère
L’Abbé chargera ceux des frères dont la vie et les mœurs lui inspirent confiance de tout ce que le monastère possède en outils, vêtements et autres objets. Il leur en confiera le soin particulier, selon qu’il le jugera utile à leur entretien et à leur conservation. L’Abbé en tiendra un inventaire pour savoir, lorsque les frères se succèdent tour à tour dans ces charges, ce qu’il donne et ce qu’il reçoit.
Si quelqu’un traite avec malpropreté ou négligence les choses appartenant au monastère, il sera réprimandé ; s’il ne s’amende pas, il sera soumis à la discipline régulière.
Dans ce lieu qu'est le monastère qui se voudrait idéal (mais ne l'est pas bien sûr), une grande attention est apportée à la responsabilité de chacun dans les grandes ou petites choses. Il est bien connu que, qui n'apporte pas le meilleur soin possible dans les petites choses ne pourra guère le faire dans les grandes.
Une maison, un jardin , un bureau, une tenue en désordre peuvent être révélateurs d'un tempérament et d'un esprit désordonné. Petit tour d'horizon dans notre vie personnelle ….
Le Carême qui est approche peut être pour nous l'occasion de redresser ce qui pousse de travers. Notre vie spirituelle s'en trouvera rafraîchie et fortifiée.
« Cherchons Dieu vraiment et nous le trouverons en tout et partout... Chapitre précieux pour qui verrait dans l'usage des choses un obstacle pour la paix en Dieu... regard de foi sur les objets et l'usage que que nous en faisons... Mise en garde contre l'esprit de propriété... utilisation à une fin individuelle, égoïste de ce qui ne nous appartient pas... La netteté que saint Benoît nous demande dans les choses matérielles a une grande importance spirituelle... Il nous faut dès l'instant présent apprendre à parler ce langage divin que nous parlerons éternellement... Il fait bon vivre ensemble dans une maison où règnent l'ordre et la propreté. » (p.399-401) *
RB 33. Si les moines doivent avoir quelque chose en propre
Avant tout, il faut retrancher radicalement du monastère ce vice de la propriété. Que personne ne se permette de rien donner ou recevoir sans l’autorisation de l’Abbé, ni d’avoir quoi que ce soit en propre, absolument aucune chose — ni livres, ni tablettes, ni stylet pour écrire ; en un mot, rien du tout — , puisqu’il n’est pas même permis aux moines d’avoir en propre ni leur corps, ni leurs volontés, mais qu’ils doivent attendre du père du monastère tout ce qui leur est nécessaire. Qu’il ne leur soit donc jamais licite d’avoir quelque chose que l’Abbé n’aurait pas donné ou permis.
Que tout soit commun à tous, ainsi qu’il est écrit[ Ac 4, 32 ] ; que personne n’ait la témérité de s’approprier quoi que ce soit, pas même en paroles. Si quelqu’un devait se complaire en ce vice détestable, on l’avertira une première et une seconde fois ; s’il ne s’amende pas, il sera soumis à la correction.
Ce qui est demandé ici au moine ou à la moniale est donc de ne rien posséder personnellement. Un autre monde que le nôtre où nous sommes tant désireux de posséder des biens, d'avoir des choses rien qu'à soi ! Pourquoi ces exigences de saint Benoît ?
Souvenons-nous de cet homme dans l'Evangile qui n'avait de cesse de stocker ses récoltes dans ses granges. Puis, soudainement il meurt. Qu'emportera-t-il avec lui ?
Tout vient de Dieu et nous ne sommes que des gérants, responsables certes (la Règle nous le rappelait au ch.32) des biens qui nous sont confiés. Mais ils ne sont que des outils qui nous permettent de les mettre au service de ceux qui nous entourent. Ne soyons pas l'avare de Molière qui ne vit que pour ses pièces d'or.
Ce temps de Carême peut nous inviter à nous débarrasser de l'inutile, à nous alléger en partageant.
Le but étant de nous attacher seulement à l'essentiel : l'amour de Dieu. Qui ne va pas sans l'amour des frères.
« Jésus a dit : ' Nul ne peut servir deux maîtres '. C'est ou bien le ciel ou la terre.... Notre bien, c'est Dieu... La pauvreté doit nous apparaître comme une source de libération, d'ouverture, de disponibilité... (p.402)
Jésus qui s'est fait pauvre parmi les pauvres, ne nous dit pas que la perfection se trouve dans la pauvreté matérielle proprement dite, mais dans la charité, non dans le dénuement pur et simple, mais dans la pauvreté spirituelle. Prise de conscience de sa dépendance totale vis-à-vis de Dieu... (p.408) »*
34. Si tous doivent recevoir également le nécessaire
Comme il est écrit : On partageait à chacun selon ses besoins.[ Ac 4, 35 ] Nous n’entendons pas dire par là qu’on soit partial envers personne — pourvu que non ! — mais qu’on ait égard aux infirmités. Celui qui a besoin de moins, qu’il rende grâce à Dieu et ne s’attriste pas ; faut-il à un autre davantage, qu’il s’humilie de sa faiblesse et ne s’élève pas de la miséricorde qu’on a pour lui. Ainsi tous les membres seront en paix.
Avant tout, que jamais n’apparaisse le vice du murmure, pour quelque raison que se soit, ni dans le moindre mot, ni dans un signe quelconque. Si quelqu’un y est surpris, qu’il soit soumis à une correction sévère.
« ...selon ses besoins » : de quoi ai-je vraiment besoin ? Et si je donnais tout ou partie ce que j'ai en trop ? Le détachement d'objets matériels est parfois difficile mais cela peut être une vraie libération.
Ayons surtout le souci de donner à ceux qui ont bien trop peu.
Se libérer aussi des pensées inutiles et vaines parfois envahissantes ? Faire le deuil de rêves impossibles pour vivre pleinement ce qui nous est donné aujourd'hui. Saint Benoît insiste sur le fait qu'au moins rien n'apparaisse de nos « murmures ». Les Français (entre autres!) sont souvent en train de se plaindre. Rendrons grâce pour ce que nous avons , prions et agissons en faveur de ces populations démunies et qui souffrent de la guerre.
« Quels que soient nos besoins, cultivons l'art d'être toujours contents, toujours reconnaissants à Dieu et à nos frères pour la part qui nous est faite. C'est cette part que nous avons à faire fructifier, pour laquelle il nous sera demandé compte... Toujours rendre grâce... A qui possède Dieu, rien ne manque. » (p.413) *
35. Les serviteurs de semaine de la cuisine
Les frères se serviront mutuellement. Personne ne sera dispensé du travail de la cuisine, si ce n’est pour cause de maladie ou pour s’occuper d’affaires plus utiles. C’est par cet exercice, en effet, qu’on acquiert plus de mérite et un accroissement de charité. On donnera des aides à ceux qui sont faibles, afin qu’ils n’accomplissent pas cette tâche avec tristesse. Tous auront ainsi des aides, selon que le demandera l’état de la communauté ou la situation du lieu....
La cuisine - Les vieux métiers d'Azannes (55) © D.G
On voit ici tout le respect que saint Benoît a pour ses moines. Ses remarques sont à la fois directives et nuancées. On pourrait penser que dans une collectivité, les règles soient immuables et rigides pour préserver l'ordre et l'égalité. Selon Benoît, le travail n'a de sens que dans la mesure où il y a aussi humanité et attention à l'autre. Bien des entreprises ont pris conscience que la bonne santé de l'employé va se répercuter sur la qualité du travail. Tout le monde s'y retrouve.
On voit aujourd'hui les souffrances de pays en guerre où plus rien n'est respecté, où l'homme compte pour peu de chose sinon pour arriver aux fins poursuivies par quelques-uns.
Le projet de saint Benoît repose sur sa vision du Paradis qui n'est pas sans contrainte mais applicable avec une grande fraternité. C'est ainsi que Dieu nous attend.
Toute méditation sur le service est attirante pour un cœur chrétien : il sent que là est la vérité de l'Evangile ; elle lui manifeste aussi à l'évidence combien il est loin d'être un bon et fidèle serviteur. Que de fois nous agissons en mercenaires ! Demandons à l'Esprit de Jésus de nous conformer intérieurement à Celui dont le service a été pour nous la mort sur la Croix. (p.418)*
Saint Benoît détaille ensuite très précisément les fonctions de chacun au service de la communauté en insistant toujours sur les relations fraternelles et sur les besoins de chacun. Le tout, sous la protection de Dieu, en prononçant au moment d'entrer en fonction, un verset biblique : « Tu es béni, Seigneur Dieu, toi qui m'aides et me consoles » (Ps 85) ou « Dieu, viens me délivrer, Seigneur viens vite à mon secours ! »(Ps69)
Puissions-nous, nous aussi, faire ainsi « collaborer » Dieu à notre vie quotidienne !
36. Les frères malades
Avant tout et par-dessus tout, on prendra soin des malades, et on les servira comme s’ils étaient le Christ en personne ; car c’est lui-même qui a dit : J’ai été malade et vous m’avez visité [ Mt 25, 36 ] , et encore : Ce que vous avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait.[ Mt 25, 40 ]
De nombreux récits évangéliques relatent la grande attention et compassion que Jésus a pour les malades. Cela doit donc être aussi une de nos priorités. Etre malade, c'est être dans l'inquiétude, la douleur souvent. C'est être parfois dépendant. Etre écouté, visité dans ces moments difficiles fait toujours du bien, réconforte, apaise.
Qui visiterai-je aujourd'hui ?
Les malades considéreront de leur côté que c’est pour l’honneur de Dieu qu’on les sert, et ils ne mécontenteront pas par des exigences superflues leurs frères qui les servent. Et pourtant, il faudrait les supporter avec patience, parce qu’on en retire une plus large récompense. L’Abbé veillera donc avec le plus grand soin à ce qu’ils n’aient à souffrir d’aucune négligence.
Comme nous le voyons particulièrement dans ce passage, tous nos actes quotidiens devraient être reliés à Dieu. Servir nos frères c'est servir et aimer Dieu car à l'origine de nos gestes et paroles , c'est Dieu Créateur qui a mis en nous cet amour. Nous n'avons pas spontanément cette conscience du lien qui nous unit à Dieu ...
« C'est un don de Dieu qu'il nous faut cultiver dans la prière. » * (p.432)
RB 37. Les vieillards et les enfants
Bien que l’homme par nature soit porté à la compassion envers les vieillards et les enfants, l’autorité de la Règle doit néanmoins intervenir en leur faveur. On aura donc toujours égard à leur faiblesse, et on ne les astreindra pas à la rigueur de la Règle pour ce qui est de la nourriture ; mais on usera envers eux d’une tendre condescendance, et ils pourront devancer les heures régulières des repas.
Nous avons à porter attention aux personnes âgées et aux enfants qui sont particulièrement sensibles à la relation aux autres et aux bienfaits qu'elle apporte.
La Règle de saint Benoît n'a rien de rigide comme doivent l'être nos comportements qui ont à s'adapter aux personnes et aux situations. Dans une apparente contradiction, la Règle impose la souplesse ! Dans une juste appréciation des circonstances.
Nous avons nos façons de penser et nos valeurs mais soyons aussi à l'écoute des besoins de l'autre.
Des exemples pris dans la vie de Jésus témoignent de sa sollicitude, de sa sensibilité à la souffrance et de ses actions pour redonner joie et vie.
© D.G
« Il y a les faibles par leur âge, les faibles aussi à tout âge... Tous, soyons généreux en même temps qu'indulgents pour les faiblesses d'autrui. La charité arrange toutes choses. » (p.436)*
38. Le lecteur de semaine
La lecture ne doit jamais manquer à la table des frères. Il ne faut pas que le premier venu s’empare du livre et le lise; mais un lecteur entrera en fonction le dimanche pour une semaine entière. Après la Messe et la Communion, il commencera par se recommander aux prières de tous...
Qu’on observe à table un silence absolu et qu’on n’y entende ni chuchotement ni parole, hormis la voix du lecteur. Que les frères se servent mutuellement ce qui est nécessaire en nourriture et boisson ; afin que personne n’ait besoin de rien demander....
Les frères ne liront ni ne chanteront à tour de rang, mais ceux-là seulement qui sont capables d’édifier les auditeurs.
Si l'occasion nous a été donnée de vivre quelques journées dans un monastère, nous avons pu constater les caractéristiques de ce temps du repas en silence « hormis la voix du lecteur ».
Temps où on rend grâce pour le repas partagé mais qui n'est pas un temps de bavardage entre convives. On écoute une musique ou une lecture, souvent celle d'un livre non religieux (vie de saints, témoignages de chrétiens, de vie dans des pays en conflits politiques ou religieux, vie de l'Eglise...). La voix du lecteur doit être audible comme doivent l'être celles de nos lecteurs lors des messes en paroisse.
C'est donc toujours avec soin que sont vécus chaque temps du jour, qu'on mange, qu'on travaille, qu'on se détende ou qu'on dorme. Sous le regard de Dieu.
« Pour le chrétien, pour le moine, il n'y a pas de lecture profane. Ou plutôt, ce qui en soi est profane cesse de l'être du fait qu'il est lu ou écouté avec une mentalité chrétienne... Il y a une manière chrétienne de lire ou d'entendre l'information la plus banale. C'est une parcelle de l'histoire de Dieu parmi les hommes. En l'écoutant, nous ne sommes pas des auditeurs passifs, nous y entrons, nous en devenons acteurs. » (p.436-437) *
39. La mesure de la nourriture
Nous croyons que deux mets cuits doivent suffire à toutes les tables pour le repas quotidien....
Si l’on a un travail plus considérable, il dépendra de la volonté et du pouvoir de l’Abbé d’ajouter quelque chose, au cas où il le juge opportun et en évitant tout excès...
Rien n’est aussi contraire à tout chrétien que l’excès de table, selon cette parole de notre Seigneur : Veillez à ce que vos cœurs ne s’appesantissent pas sous l’excès.[ Luc 21, 34 ]
Toute la vie du moine est prise en compte par saint Benoît. De même, dans notre vie , tout devrait être en harmonie : le travail, les loisirs, les repas, le sommeil... Question de bon sens mais aussi d'équilibre personnel et de cohésion avec notre foi.
Nous prions pour que diminue la faim dans le monde ? S'impose à nous une certaine sobriété et le partage...
Nous prions pour la paix ? Commençons par la vivre avec nos proches...
Nous nous désolons à propos du réchauffement climatique ? Trions nos déchets, utilisons nos véhicules avec modération...
Veillons donc à ce que nos cœurs et nos actes soient en harmonie avec la foi que nous proclamons.
" Quant à l'application, à la mesure à observer, c'est à chacun de voir ce qu'il faut. .. Il faut tenir compte des besoins et des forces de chacun... Permettre aux libertés individuelles de s'exercer afin que tous puissent demeurer dans l'action de grâce et que soit évité le murmure. "* (p.449)
RB 40. La mesure de la boisson
Chacun a reçu de Dieu son don propre : l’un celui-ci, l’autre celui-là.[ 1 Co 7, 7 ] Ce n’est donc pas sans quelque scrupule que nous fixons aux autres la mesure de leur aliment. Néanmoins, ayant égard au tempérament de ceux qui sont faibles, nous croyons qu’une hémine de vin suffit à chacun pour la journée [elle équivalait probablement à un quart de litre]. Que ceux auxquelsDieudonne la force de s’en abstenir sachent qu’ils en recevront une récompense particulière.Si la situation du lieu, ou le travail, ou les chaleurs de l’été demandent davantage, le supérieur en décidera ; mais il veillera en tout à ne pas laisser aller jusqu’à la satiété ou à l’ivresse. Nous lisons, il est vrai, que le vin ne convient aucunement aux moines ; mais comme on ne peut en persuader les moines de notre temps, convenons du moins de n’en pas boire jusqu’à satiété, mais avec modération, car le vin fait apostasier même les sages.[ Si 19, 2 ]
Si les conditions du lieu ne permettent pas de se procurer cette mesure de vin, mais beaucoup moins, ou même rien du tout, les habitants de l’endroit béniront Dieu et se garderont de murmurer ; car c’est là l’avertissement que nous donnons avant tout, qu’on s’abstienne des murmures.
On pourrait considérer que ces remarques ne sont guère essentielles adressées à des moines à priori sages et sobres. Saint Benoît estime pourtant, comme pour la nourriture au ch.39, que tout se tient et que personne n'est à l'abri de se laisser aller. Mais autant il condamne tout excès, autant il respecte chacun. Il faut se rappeler aussi qu'à l'époque de Benoît, les travaux manuels étaient particulièrement durs, travaux des champs en particulier. Le réconfort « d'une hémine de vin » n'était pas un luxe. Mais en tout, il faut garder sagesse et modération.
En ce qui nous concerne aujourd'hui, à chacun de repérer dans sa vie, les modérations à apporter.
Quant aux murmures, les Français devraient bien être à l'écoute de Benoît !
« Il y a quantité d'habitudes qui rythment l'existence quotidienne. Il faut de temps à autre s'examiner pour voir si elles sont selon la raison et selon Dieu et si elles servent notre vie profonde.Nous savons tous qu'il ne faut pas se laisser mener par ses habitudes sans en contrôler le bien-fondé... Nous sommes des fils de Dieu : nous devons agir comme tels. » * (p.451)
RB 41 À quelle heure les frères doivent prendre leur repas
Depuis la sainte Pâque jusqu’à la Pentecôte, les frères dîneront à Sexte et souperont le soir. Durant tout l’été, à partir de la Pentecôte, ils jeûneront le mercredi et le vendredi jusqu’à None, s’ils n’ont pas de travaux dans les champs, ou si la chaleur excessive de l’été ne les incommode pas. Les autres jours, ils dîneront à Sexte...
C’est à l'Abbé de régler et disposer toute chose de telle sorte que les âmes se sauvent et que les frères fassent leur tâche sans motif légitime de murmure...
Les heures de repas sont ajustés en fonction du temps liturgique, de la saison, des nécessités du travail et si besoin selon l'avis de l'Abbé qui doit faire en sorte que le déroulement d'une journée s'effectue dans les meilleures conditions pour tous.
Conseils de sagesse loin d'être appliqués de nos jours dans les entreprises qui ont souvent plus le souci du travail à effectuer que des personnes elles-mêmes.
Le document très officiel Dignitas infinita sur la Dignité humaine publié ces jours-ci par le Vatican attire justement notre attention sur le respect de la vie de tout homme, quel qu'il soit et quoi qu'il fasse. Rien ne justifie la maltraitance, le mépris, la violence et pire la mort.
A lire.
« Que chaque jour se fasse le réajustement de notre vie à la lumière du mystère central de notre vie chrétienne. » (p.460)*
RB 42 Que personne ne parle après Complies
...Tous ainsi assemblés, on récitera les Complies, et depuis la sortie de cet office, il ne sera plus permis de dire quoi que ce soit à personne. Si quelqu’un enfreint cette règle du silence, il sera soumis à une punition très sévère : excepté en cas de la réception des hôtes ou si l’Abbé à un ordre à donner. Même alors, la chose se devra faire en toute gravité, retenue et bienséance.
Ce silence est en harmonie avec l'environnement et la nature où les bruits s'apaisent. Cela devrait être pour nous tous, après une journée active, un temps de calme où on revoit sa journée, ce qui a été bon et dont on peut rendre grâce et ce qui l'a été moins, à améliorer.
Terminer sa journée en regardant à la télévision un film violent ou des inepties n'est pas forcément une bonne idée. Un documentaire enrichissant et apaisant est bien plus profitable. Ou un bon livre. Ou s'asseoir dans son jardin. Privilégier le silence.
« Le vrai silence ne s'improvise pas. Il est le fruit d'une grande fidélité. Cela vaut la peine de s'y exercer, car il crée en nous une affinité avec le monde divin. Travailler son âme pour vivre selon les pensées de Dieu. La nuit est le temps du repos et de la prière. » * (p.468)
Marseille – ND de la Garde © D.G
-----------------------------------------------
* Cf. Texte et commentaires de la Règle dans « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023 Traduit en français par Germain Morin de l’abbaye de Maredsous1944 - Révisé sur la traduction de Philibert Schmitz de la même abbaye , 2023
Mise à jour : Mercredi 17 Avril 2024, 16:26
Denyse
- rubrique 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73
-
- Permalien
- 0 commentaires
Dimanche 11 Février 2024
Paroles de sagesse
---------------------------------------------------------------------------------------
Appliquez-vous à détacher votre cœur de l'amour des choses visibles, pour le porter tout entier vers les invisibles.
Si vous croyez beaucoup savoir, et être perspicace, souvenez-vous que c'est peu de chose à côté de ce que vous ignorez.
Quand vous verriez votre frère commettre ouvertement une faute, ne pensez pas cependant être meilleur que lui. Nous sommes tous fragiles, mais croyez que personne n'est plus fragile que vous.
- Au jour du jugement, on ne nous demandera pas ce que nous avons lu, mais ce que nous avons fait ; ni si nous avons bien parlé, mais si nous avons bien vécu.
- Celui-là est vraiment grand, qui a une grande charité.
- C'est en résistant aux passions, et non en leur cédant, qu'on trouve la véritable paix du cœur.
- N'ouvrez pas votre cœur à tous indistinctement ; mais confiez ce qui vous touche à l 'homme sage et proche de Dieu.
- J'ai souvent entendu dire qu'il est plus sûr d'écouter et de recevoir un conseil que d'en donner.
Abbaye de Fontenay (Côte d'Or).
- Si vous ne savez pas vous vaincre en des choses légères, comment remporterez-vous des victoires plus difficiles ?
- Chacun devrait être toujours en garde contre les tentations qui l'assiègent, et veillez et priez pour ne point laisser lieu aux surprises du démon, qui ne dort jamais, et qui tourne de tous côtés, cherchant quelqu'un à dévorer.
Plus on met de retard à repousser le mal, plus on s'affaiblit chaque jour, et plus l'ennemi devient fort contre nous.
- Appliquez-vous à supporter patiemment les défauts et les infirmités des autres, quelles qu'elles soient, parce qu'il y a aussi bien des choses en vous que les autres ont à supporter.
- Les justes, dans leurs résolutions, comptent bien plus sur la grâce de Dieu que sur leur propre sagesse ; et quoiqu'ils entreprennent, c'est en Lui seul qu'ils mettent leur confiance.
Abbaye de Noirlac (Cher)
- Si vous ne pouvez continuellement vous recueillir, recueillez-vous au moins de temps en temps, au moins une fois le jour, le matin ou le soir.
- Pensez souvent aux bienfaits de Dieu. Laissez là ce qui ne sert qu'à nourrir la curiosité. Lisez plutôt ce qui touche le cœur que ce qui amuse l'esprit.
- Retranchez les discours superflus, les courses inutiles.
Nul ne parle avec mesure, s'il ne se tait volontiers. Nul n'est en sûreté dans les premières places, s'il n'aime les dernières . Nul ne commande sans danger, s'il n'a pas appris à obéir.
- A cause de la légèreté de notre cœur et de l'oubli de nos défauts , nous ne sentons pas les maux de notre âme, et souvent nous rions vainement quand nous devrions bien plutôt pleurer .
- Avant de reprendre vos amis, ayez soin de vous reprendre vous-même.
Abbaye de Fonfroide (Aude)
- Pourquoi remettez-vous toujours au lendemain l'accomplissement de vos résolutions ?... Qu'en sera-t-il de nous à la fin du jour si nous sommes si lâches dès le matin ?
Levez-vous et commencez à l'instant et dîtes : Voici le temps d'agir, voici le temps de combattre, voici le temps de me corriger.
Dans toutes vos actions, dans toutes vos pensées, vous devriez être tel que vous seriez s'il vous fallait mourir aujourd'hui... Si aujourd'hui vous n'êtes pas prêt, comment le serez-vous demain ?
- Considérez les chartreux, les religieux de Cîteaux, et les autres religieux et religieuses de différents ordres, qui se lèvent toutes les nuits pour chanter les louanges de Dieu... Plût à Dieu que nous n'ayons à songer qu'à la nourriture de notre âme, que nous goûtons hélas si rarement !
Souvenez-vous toujours que votre fin est proche et que le temps perdu ne revient point.
- « Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous » ...Il est paix et joie dans l'Esprit-Saint... « Si quelqu'un m'aime , il gardera ma parole, et je viendrai à lui et ferai en lui ma demeure. »
Laissez dons entrer Jésus en vous.
- Ceux qui sont aujourd'hui pour vous pourront être demain contre vous, et réciproquement : les hommes changent comme le vent... Jésus aussi a été méprisé des hommes en ce monde et, dans les plus extrêmes angoisses, abandonné des siens, de ses amis, de ses proches.... Et Vous osez vous plaindre de quelque chose !
Abbaye d'Oriocourt (Moselle)
- Conservez-vous dans la paix : et alors vous pourrez la donner aux autres. Le pacifique est plus utile que le savant.
- Chacun juge des choses du dehors selon ce qu'il est au-dedans de lui-même.
- Nous n'avons en nous que peu de lumière, et ce peu, il est aisé de le perdre par négligence.
- Ayez la conscience pure et vous posséderez toujours la joie. La bonne conscience peut supporter beaucoup de choses, et elle est pleine de joie dans l'adversité. La mauvaise conscience est toujours inquiète et troublée.
- Vous n'êtes pas plus saint parce qu'on vous loue, ni plus imparfait parce qu'on vous blâme. Vous êtes ce que vous êtes, et tout ce qu'on pourra dire ne vous fera pas plus grand que vous ne l'êtes aux yeux de Dieu.
- Aimez et conservez pour ami Celui qui ne vous quittera point alors que tous vous abandonneront, et qui, quand viendra votre fin, ne vous laissera point périr. Que vous le vouliez ou non, il vous faudra un jour être séparé de tout.
- Lorsque la grâce de Dieu visite l'homme, alors il peut tout ; et quand elle se retire, alors il est pauvre et infirme...
- Ne murmurez point s'il arrive que votre ami vous abandonne, sachant qu'après tout il faut bien un jour se séparer tous.
- Quand la consolation vous est ôtée, ne vous découragez pas aussitôt ; mais attendez avec humilité et avec patience que Dieu vous visite de nouveau : car il est tout-puissant pour vous consoler encore plus.
Abbaye Saint Benoît sur Loire
Soyez reconnaissants des moindres grâces, et vous mériterez d'en recevoir de plus grandes . Que le plus léger don, la plus petite faveur ait pour vous autant de prix que le don le plus excellent et la faveur la plus singulière.
Voulez-vous conserver la grâce de Dieu ? Alors soyez reconnaissant lorsqu'il vous la donne, patient lorsqu'il vous l'ôte. Priez pour qu'elle vous soit rendue, et soyez humble et vigilant pour ne pas la perdre.
Cette parole semble dure : « Renoncez à vous-même, prenez votre croix et suivez Jésus. » Pourquoi donc craignez vous de porter la Croix {les épreuves qui vous arrivent}, par laquelle on arrive au royaume du ciel ?
Dans la Croix est le salut, la vie, la protection, contre les ennemis, la force de l'âme, la joie de l'esprit, l'espérance de la vie éternelle.
Prenez donc votre Croix et suivez Jésus, et vous parviendrez à l'éternelle félicité.
Heureux ceux dont la joie est de s'occuper de Dieu et qui se dégagent de tous les embarras du monde... Laissez là tout ce qui passe ; ne cherchez que ce qui est éternel.
« Parle Seigneur, ton serviteur écoute », dit le jeune Samuel .
Parle-moi pour consoler un peu mon âme, pour m'apprendre à réformer ma vie, parle-moi pour la louange, la gloire, l'honneur éternel de ton nom.
Le monde promet peu de chose et des choses qui passent, et on le sert avec une grande ardeur ; je promets [dit Jésus] des biens immenses , éternels , et le cœur des hommes reste froid... Ce que j'ai promis, je le donnerai ; ce que j'ai dit, je l'accomplirai, si toutefois l'on demeure avec fidélité dans mon amour jusqu'à la fin... Gravez mes paroles dans votre cœur, et méditez-les profondément : car, à l'heure de la tentation, elles vous seront très nécessaires.
Seigneur, ne détournez pas de moi votre visage ; ne différez pas à me visiter : ne me retirez pas votre consolation, de peur que privée de vous, mon âme ne devienne comme une terre sans eau.
C'est quelque chose de grand que l'amour, et un bien au-dessus de tous les biens. Seul, il rend léger ce qui est pesant, et fait qu'on supporte avec une âme égale toutes les vicissitudes de la vie... Rien n'est plus doux que l'amour ...parce que l'amour est né de Dieu... Celui qui aime, court, vole ; il est dans la joie, il est libre et rien ne l'arrête... L'amour souvent ne connaît point de mesure, mais comme l'eau qui bouillonne, il déborde de toutes parts... L'amour veille sans cesse ; dans le sommeil même il ne dort point.
- Jésus : Mon fils, votre amour n'est encore ni assez fort ni assez éclairé.
- Le fidèle : Pourquoi, Seigneur ?
- Jésus : Parce qu'à la moindre contrariété vous laissez là l'oeuvre commencée, et que vous recherchez trop avidement les consolations.
Celui qui aime fortement demeure ferme dans la tentation et ne cède point aux suggestions artificieuses de l'ennemi.
Retire-toi de moi, détestable séducteur, tu n'auras jamais en moi aucune part ; mais Jésus sera près de moi comme un guerrier formidable, et tu demeureras confondu. Tais-toi donc, ne me parle plus ; je ne t'écouterai pas davantage, quoique tu fasses pour m 'inquiéter.
« Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je ? »
Mise à jour : Lundi 12 Février 2024, 13:00
Denyse
- rubrique 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73
-
- Permalien
- 0 commentaires
Mercredi 03 Janvier 2024
Abbaye bénédictine de Saint Gall (Suisse)
C'est le bien réel et pourtant mythique plan idéal de l'abbaye conçu par saint Gall, moine irlandais, au IX°siècle et qui servit de référence à la construction de monastères à travers les siècles, qui est certainement l'un des joyaux de ce monastère dont la première fondation remonte au 9°siècle. Reconstruite au 15°s. dans le style gothique, l'ancienne église abbatiale devint la cathédrale de l'évêché de Saint-Gall.
La cathédrale renferme d'importantes œuvres d'art baroques, notamment les impressionnantes stalles du choeur ornées d'un cycle dédié à saint Benoît.
Mais c'est surtout la magnifique salle baroque de la bibliothèque de l'abbaye et le caractère exceptionnel de sa collection de manuscrits qui attirent les visiteurs. En effet, la bibliothèque de Saint-Gall compte parmi les bibliothèques historiques les plus importantes au monde renfermant un fond de manuscrits originaux de grande qualité, trésor emblématique de la naissance de la culture européenne depuis le début du Moyen-Âge.
Règle de Saint Benoît - Copie du 9°s.
Missel pontifical - 15°s.
Evangélium longum - Tablette en ivoire
La salle des archives est elle aussi intéressante. Dans ces casiers conçus pour être maniables (une innovation à l'époque) , transportables en cas d'urgence sont conservés des chartes, des documents juridiques, l'unique livre de vœux monastiques de l'ère carolingienne à avoir survécu.
Ce site vaut le détour, et même le voyage. L'abbaye est située également dans le quartier historique de la ville très typé et particulièrement bien rénové.
A une trentaine de kilomètres, on peut découvrir aussi la belle région d' Appensell toute en prairies et vallons.
Un peu plus loin vers l'ouest de la Suisse, l'abbaye de Einsiedeln est un lieu de pélerinage très couru : abbatiale remarquable de style baroque et lieu de recueillement auprès de la Vierge des ermites
Einsiedeln
DG - © D.G
Denyse - rubrique 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73 - - Permalien - 0 commentaires
Sommaire
- 00 - Paroles du mois -
- 000 - SOMMAIRE livres recensés 2023-2024
- 01 - LIVRES - REVUES - Résumés, extraits...2016-2024
- 02 - LIVRES recensions - Archives
- 04 - SPIRITUALITE CISTERCIENNE
- 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73
Calendrier
Lun | Mar | Mer | Jeu | Ven | Sam | Dim |
---|---|---|---|---|---|---|
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | |
7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 |
14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 |
21 | 22 | 23 | 24 | 25 | 26 | 27 |
28 | 29 | 30 | 31 |