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Les abeilles grises

LES ABEILLES GRISES

Andreï KOURKOV

Ed. Liana Kevi, 2022
440 p.

                             

Andrei KOURKOV est un célèbre écrivain ukrainien d'expression russe.

Seuls habitants d'un petit village de la zone grise, no man's land coincé entre l'armée ukrainienne et les séparatistes prorusses, Sergueïtch et Pachka s'associent malgré leurs opinions divergentes vis-à-vis du conflit. Apiculteur passionné, Sergueïtch attend le printemps pour déplacer ses six ruches dans un lieu plus calme dans l'ouest de l'Ukraine.

Dans ce roman qui se situe en 2017, l'auteur évoque donc la survie d'un homme, jeune retraité, confronté à une certaine solitude pas très loin du front et des combats. La guerre n'est pas le sujet de ce récit, mais relate la grande simplicité de vie de cet homme qui, malgré les difficultés, sait apprécier les moments heureux. A coté de Pachka, demeuré lui aussi au village, dont il a bien été obligé de se faire un « ami-ennemi », les meilleures compagnes de Sergueitch sont ses abeilles qu'il surveille avec attention en ce début de printemps. Il va même les emmener « en vacances » sur un terrain favorable au butinage, ce qui va l'obliger à une expédition à risque, les contrôles militaires étant nombreux et suspicieux. Même au milieu des douces prairies fleuries de l'Ukraine de l'ouest et du silence des montagnes de Crimée, l'oeil de Moscou reste grand ouvert...

C'est un beau roman touchant, triste et pourtant paisible, plein d'humanité dans un contexte difficile où la « zone grise » de la résidence de Sergueitch le laisse dans l'incertitude de l'avenir y compris pour ses abeilles, image pour lui d'une société communiste presque idéale. Hier était-il meilleur qu'aujourd'hui ? Y aura-t-il un happy end ?

DG

 Extraits

- L'air s'emplirait d'un doux et plaisant bourdonnement, familier et pacifique, que la paix de l'homme qui aime les abeilles rend plus discret encore, rend intime et domestique . Et alors peu importe qu'on entende ici et là des coups de feu. L'important, ce serait le printemps, la nature qui s'emplit de vie, de ses bruits, de ses odeurs, de ses ailes, grandes et petites. (p.80)

- Sergueïtch pensa qu'en ce qui le concernait, il n'avait aucun besoin d'en recevoir [de courrier]. Sauf à la rigueur pour lire le journal. Mais il y avait bien dix ans qu'il n'était plus abonné à rien. Autrefois, il regardait les nouvelles à la télé. Et puis les nouvelles avaient été coupées en même temps que le courant. Aujourd'hui, il avait l'impression de ne plus en avoir vraiment besoin de ces nouvelles. Qu'est-ce qu'elles changeraient ? (p.144)

- « Pour moi, ces deux habitants de Mala Starogradivka sont à la fois morts et vivants. Dans ma mémoire, ils subsistent comme les deux derniers « optimistes prudents » du Donbass. Je les qualifie d'optimistes parce qu'ils étaient persuadés que s'ils quittaient le village, personne n'y reviendrait après la guerre... Bien des villages resteront en ruine. Les terres qui jouxtent la Russie sont jonchées de mines et d'obus non explosés. La mort est partout, au sens propre comme au sens figuré. L'histoire du « miel  du Donbass » ne se répétera certainement jamais. »
Postface de l'auteur – juillet 2023 – p.440

 

Mise à jour : Jeudi 11 Juillet 2024, 16:22
Denyse dans 01 - LIVRES - REVUES - Résumés, extraits...2016-2024 - Lu 81 fois - Version imprimable
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