Les identités meurtrières
LES IDENTITES MEURTRIERES
Amin MAALOUF
de l'Académie française
Ed. Grasset 1998 – Livre de poche
189 p.
En ces temps de conflits particulièrement meurtriers, nous tirerons sûrement profit de la (re)lecture du livre d'Amin MAALOUF qui développe ce qu'est l'identité d'une personne. Elle ne se résume pas à un nom et à un sexe mais aussi à ses origines, sa langue, son ethnie, sa religion, sa situation d'immigré... Notre appartenance est parfois multiple : père oriental – mère française, père catholique – mère bouddhiste, père inconnu ou mère adoptive...
L'identité parfois compliquée peut conduire à des réactions de peur, de défense, à une exacerbation concernant l'appartenance à un territoire ou à une religion qu'il faut défendre coûte que coûte... jusqu'au meurtre vécu comme une action juste. Les épreuves du passé laissent aussi souvent des cicatrices inguérissables qui à la moindre agression se réveillent et explosent.
Paru en 1998, ce livre très accessible est d'une brûlante actualité et peut nous aider, à défaut de les justifier, à mieux comprendre la complexité des prises de position de certains états et populations. Ces réflexions nous incitent aussi à ne pas généraliser et à ne pas mettre , par exemple, sur le dos de tout croyant islamiste les terribles exactions de quelques-uns. Les drames vécus à Gaza par toute une population innocente en témoignent.
Amin Maalouf élargit ensuite sa réflexion à la question de la mondialisation dans ses bénéfices et risques.
« L'auteur propose une méditation humaniste dans le but de convaincre ses contemporains que l'on peut rester fidèle aux valeurs dont on est l'héritier, sans pour autant se croire menacé par les valeurs dont d'autres sont porteurs. » (Electre 2023)
DG
Extraits
« Avant de devenir un immigré, on est un émigré ; avant d'arriver dans un pays, on a dû en quitter un autre, et les sentiments d'une personne envers la terre qu'elle a quittée ne sont jamais simples. Si l'on est parti, c'est qu'il y a des choses que l'on a rejetées – la répression, l'insécurité, la pauvreté, l'absence d'horizon. Mais il est fréquent que ce rejet s'accompagne d'un sentiment de culpabilité. Il y a des proches qu'on s'en veut d'avoir abandonnés, une maison où l'on a grandi, tant et tant de souvenirs agréables. Il y a aussi des attaches qui persistent, celles de la langue ou de la religion, et aussi la musique, les compagnons d'exil, les fêtes, la cuisine .
Parallèlement, les sentiments qu'on éprouve envers le pays d'accueil ne sont pas moins ambigus. » (p.48)
« Que de gens pris de vertige, renoncent à comprendre ce qui se passe. Que de gens renoncent à apporter leur contribution à la culture universelle émergente, parce qu'ils ont décrété une fois pour toute que le monde qui les entoure était impénétrable, hostile, carnassier, démentiel, démoniaque. Que de gens sont tentés de se cantonner dans leur rôle de victimes – victimes de l' Amérique, victimes de l'Occident, victimes du capitalisme ou du libéralisme, victimes des nouvelles technologies, victimes des médias, victimes du changement.... S'enfermer dans une mentalité d'agressé est plus dévastateur encore que l'agression elle-même. » (p.143)
Mise à jour : Mercredi 22 Novembre 2023, 15:55
Denyse
dans 01 - LIVRES - REVUES - Résumés, extraits...2016-2024
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