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Règle de saint Benoît - texte et commentaires - ch 60-61

RB 60. Les prêtres qui voudraient se fixer dans le monastère

Si un prêtre demande à être reçu dans le monastère, on ne l’acceptera pas trop vite. Toutefois, s’il persiste absolument dans sa demande, il faut qu’il sache qu’il sera tenu à toute la discipline de la Règle, et qu’on n’en relâchera rien en sa faveur, afin qu’on puisse lui dire, comme il est écrit :  Mon ami, dans quel dessein es-tu venu ? [ Mt 26, 50 ] 

Pas de traitement de faveur pour qui que ce soit. En particulier pour un prêtre qui change de cap. Et toute personne désirant intégrer cette communauté doit se plier à la Règle.

Pourquoi viens-tu passer quelques jours de retraite dans un monastère ? Est-ce bien Dieu que tu cherches ? Peut-être est-ce Lui qui te cherche ?

«  Saint Benoît sait ce qu'est un prêtre : un homme revêtu des pouvoirs du Christ pour donner le Christ à tout homme. Le prêtre est fait pour s'effacer personnellement devant le Christ. Il ne s'agit pas de s'affirmer mais d'affirmer le Christ ; non d'attirer à soi mais d'attirer au Christ, non de se donner soi-même, mais de donner le Christ dans le don total de soi. » (p.592) *

                     

On lui accordera néanmoins de prendre rang après l’Abbé, de donner les bénédictions et de célébrer la Messe, si toutefois l’Abbé l’y autorise (il y avait alors très peu de moines ordonnés, et l’Abbé lui-même n’était généralement pas prêtre). Sinon, il ne doit se prévaloir de rien, sachant qu’il est soumis à la discipline régulière et qu’il se doit de donner plutôt à tous des exemples d’humilité.

La fonction particulière du prêtre n'est heureusement pas négligée et il tient sa place sans pour autant en tirer fierté ou privilège.

Quand nous avons des engagements ou responsabilités, si on nous le demande, nous devons les assurer au mieux. Mais restons cependant à notre place de simple disciple. L'humilité est certainement le meilleur chemin pour suivre le Christ et être proche de ses frères et sœurs.

S’il vient à être question dans le monastère de charge à remplir ou d’affaire à traiter, il considérera comme sienne la place que lui a valu son entrée au monastère, et non celle qu’on lui a concédée par respect pour son sacerdoce.
Si un clerc, poussé par le même désir, veut se joindre au monastère, on le placera dans un rang moyen, à condition toutefois qu’il promette, lui aussi, d’observer la Règle et de garder la stabilité.

La Règle de saint Benoît n'est pas sans contrainte et elle impose une réelle humilité. Mais sur le fond, comme bien des règles, ayant force de loi, elle est sensée simplifier  la vie ensemble, donne un cadre sur lequel, à priori, tout le monde est d'accord. Il y a ici très peu d'exceptions, donc peu de remise en question quant à sa place, sa fonction ou d'éventuels privilèges. Et, en plus, si l'objectif est de se donner les moyens d'approcher Dieu ensemble …

L'actualité nous montre malheureusement combien les abus de pouvoir, les dérives sont omniprésentes dans bien des communautés ou des familles et combien elles peuvent être destructrices. Sur ces faits, le silence était de rigueur sous prétexte de sauvegarder avant tout l'honorabilité supposée . Les ordres religieux n'ont pas échappé à cette façon de voir. Le silence est parfois pire que le mal car il entraîne l'impunité, la récidive et souvent aussi le sentiment de culpabilité des victimes qui porteront leurs blessures toute leur vie. La parole (un peu) libérée, même si elle est douloureuse, difficile à entendre,  laisse espérer une certaine justice et la diminution progressive de ces actes scandaleux.

                                      

61. Comment recevoir les moines étrangers

Si un moine étranger, venu de contrées lointaines, se présente au monastère, s’il veut y séjourner comme hôte, et se contente de la vie qu’on y mène, on le recevra aussi longtemps qu’il le désire, pourvu qu’il ne trouble pas le monastère par ses exigences, mais s’accommode simplement de ce qu’il trouve.

A l'accueil bienveillant est toujours associé, par saint Benoît, un respect mutuel . En particulier le nouvel arrivant doit s'adapter au mode de vie de ses hôtes. C'est bien la condition imposée par Benoît pour que l'harmonie de la communauté ne soit pas troublée .

Dans le monde actuel, l'immigration pose précisément ce problème où l'autochtone se sent perturbé par les différences entre populations et craint d'une certaine façon pour sa tranquillité et sa compréhension de ceux qui l'environnent. Cela peut effectivement être déstabilisant et pousser au rejet. Entre l'accueil sans limites et l'exclusion systématique, il faudrait trouver une juste mesure.

Faisons-nous ce qu'il faut pour que l'étranger puisse « s'accommoder simplement de ce qu'il trouve » ? Comme chacun de nous. Dans la bienveillance et la solidarité.

                                          

 

«  Etre simplement content : cela vaut pour chacun de nous : être simplement content de ce que Dieu fait dans chacune de nos existences... Ce contentement en toutes choses est à la fois la condition et le fruit de la fidélité dans les petites choses, faite d'une attention continuelle à Dieu. » * (p.598)

Si ce moine trouvait à reprendre ou à remontrer quelque chose avec raison et dans l’humilité de la charité, l’Abbé examinera avec prudence si ce ne serait pas pour cela même que le Seigneur l’a envoyé.

Toute remarque qui nous est adressée « avec raison » doit attirer notre attention. Elle n'est pas forcément justifiée mais elle peut aussi être Parole de Dieu. C'est un discernement pas toujours facile à faire. Mais n'écartons pas d'emblée ce qui nous dérange ou nous déplaît. L'ajustement à la volonté de Dieu est fait de petits pas...

« Même si on fait bien, on peut toujours faire mieux. » * (p.598)

 

Si, par la suite, il veut fixer sa stabilité, on ne s’opposera pas à son dessein, d’autant plus qu’on a pu se rendre compte de sa manière de vivre durant son séjour à l’hôtellerie. Mais si, pendant son séjour comme hôte, on s’est aperçu qu’il est exigeant ou vicieux, non seulement on ne devra pas l’adjoindre au corps du monastère ; mais on lui dira honnêtement de se retirer, de peur que sa misère ne fasse du tort aux autres.

Si, au contraire, sa conduite ne lui mérite pas d’être congédié, non seulement, s’il le demande, il faut l’admettre dans la communauté, mais il faut lui conseiller de s’y fixer, afin que les autres soient instruits par son exemple, et parce qu’en tout lieu on sert un seul Seigneur, on combat sous un seul Roi. Si même l’Abbé l’en juge digne, il pourra le placer à un rang un peu plus élevé que celui de son entrée.

Le soin et le discernement pris pour l'admission ou non d'un frère dans une communauté montrent à quel point tout est pris en compte : la personne concernée bien sûr mais aussi la communauté qui peut bénéficier ou souffrir de l'intégration d'une nouvelle personne.

On peut appliquer cette méthode dans nos choix d'intégrer dans un groupe une personne qui a déjà fait ses preuves. Il ne s'agit pas de juger mais de donner la bonne place à qui la demande. Si on se laisse aller, sous prétexte de charité, à trop d'indulgence au départ, personne n'y trouvera son compte.

«  De la vie de chacun dépend la vie de tous... Ce qui importe, ce à quoi revient toujours saint Benoît, c'est l'humilité. L'humilité nous met chacun à notre place et nous établit dans la vérité, dans nos rapports avec Dieu et avec le prochain. Soyons très vigilants sur l'influence que nous pouvons avoir sur nos frères. » (p.599) *

                                   

Et ce n’est pas seulement à l’égard d’un moine qu’on agira ainsi, mais aussi des prêtres et des clercs dont il a été question ; l’Abbé pourra les placer à un rang supérieur à celui de leur entrée, s’il reconnaît que leur vie le mérite.

Mais que l’Abbé se garde bien de recevoir à demeure un moine d’un autre monastère connu, sans le consentement de son Abbé ou sans lettres de recommandation ; car il est écrit :  Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse à toi-même.(Tb 4, 15 ; Mt 7, 12)

Ces remarques de Benoît évoquent certainement des situations fréquentes à son époque mais qui peuvent encore arriver actuellement. On n'est jamais trop prudent !

Les CV produits par certaines personnes qui semblent irréprochables ont parfois besoin d'être vérifiés. Non par manque de confiance mais par simple précaution qui peut éviter bien des ennuis par la suite. On peut donc être chrétien sans être naïf ! Et il en va très certainement de l'image que doit donner l'Eglise. La dernière citation : « Ne fais pas à autrui... » peut nous aider parfois dans nos décisions. Prier l'Esprit-Saint, c'est bien aussi.

  * Cf. Texte et commentaires de la Règle dans  « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023 Traduit en français par Germain Morin de l’abbaye de Maredsous1944 - Révisé sur la traduction de Philibert Schmitz de la même abbaye , 202

Mise à jour : Mercredi 21 Août 2024, 12:35
Denyse dans 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch.1 à 65 - Lu 127 fois - Version imprimable
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