Saint Bernard, dernier Père de l'Eglise - Thomas MERTON
Saint Bernard, dernier Père de l’Eglise
Thomas MERTON , moine cistercien
« Le miel est dans la cire, comme la dévotion dans la lettre… La dévotion est comme un rayon de miel… » . Bernard mérite le titre de « Docteur Melliflue » car de la Parole de Dieu, il sait en faire couler le miel, le meilleur, le sens spirituel…pas seulement pour lui-même mais pour faire pénétrer en nous cette loi spirituelle qu’est la loi du Christ. » (p.16)
Les supérieurs de Thomas Merton lui demandent alors de commenter cette encyclique dont il va faire « une superbe méditation sur l’énigme de la sainteté. »(p.10 – Michel Cool)
Jeune moine cistercien américain, né en France, Thomas Merton produit cet essai peu banal, qui paraît dès 1954, commentant un texte papal et réfléchissant sur la vie d’un autre moine. Les éditions Salvator le réédite en cette année 2015, 9° centenaire de la fondation de l’abbaye de Clairvaux dans l’Aube où de nombreuses manifestations et colloques sont prévus tant à Clairvaux qu’à Troyes.
« Un point commun unit les deux moines cisterciens pourtant si distants l’un de l’autre par l’histoire et la culture : c’est leur expérience commune de l’épreuve à concilier vocation contemplative et action temporelle… L’un et l’autre en ont fait leur combat spirituel… L’art du biographe n’est-il pas de se reflèter quelque peu dans le personnage qu’il décrit comme un jeu de miroir ? » (p.9- Michel Cool)
Eglise de Bouxières sous Froidmont (54) -
Saint Bernard-
© Denyse Guerber
Thomas Merton, dans cette biographie, va s’attacher davantage à l’esprit de saint Bernard qu’aux faits eux-mêmes
- L’homme et le saint
C’est l’époque de la toute-puissance de l’abbaye de Cluny qui aurait pu peut-être convenir à un personnage tel que Bernard « mais il sentait obscurément qu’il était appelé à une grandeur qui dépasse la puissance. » (p.23)
« Sa réputation de mystique et d’ascète… fit qu’il devint, sans pouvoir l’éviter un grand homme d’Eglise, défenseur de l’autorité, de la loi, de la papauté, représentant de Dieu dans les affaires politiques et prêcheur de croisades. » (p.24)
« La grâce de Dieu, qui possèdait totalement cet homme frêle, mettait en feu les cœurs de ceux qui l’entendaient parler. » (p.26)
D’ailleurs son entrée à Cîteaux, en 1113, accompagné d’une trentaine de frères, remis sur pied l’abbaye en difficulté.
« Ses écrits les plus nombreux sont ses sermons, bien que les plus connus soient sans doute ses lettres. » (p.53)
Notamment « De la Considération » lettre célèbre (et toujours d’actualité pour qui a quelques responsabilités) écrite à Eugène III, un de ses frères de Clairvaux devenu pape.
Ses écrits nous « transmettent une doctrine précise et cohérente » mais s’appuyant toujours sur l’expérience. Et c’est sans doute ce qui la rend si captivante, même si la lecture en est parfois un peu ardue.
« Elle nous dit comment discerner les visites du Verbe à l’âme, comment répondre à l’action de cet Esprit-Saint… (p.55)
Son Traité sur les degrés de l’humilité (1119) est en lien étroit avec la Règle de saint Benoît qu’il avait en haute estime.
Le Traité Sur l’Amour de Dieu ( 1126-1127) souligne combien cet amour est puissant, insaisissable et qu’il n’a d’autre raison d’être que d’aimer Dieu, non pour nous-mêmes mais pour Dieu lui-même. « Aussi longtemps que l’homme n’aime point Dieu, il n’a pas commencé à vivre. » (p.59). « J’aime parce que j’aime ; j’aime pour aimer » écrit saint Bernard.
« L’encyclique présente saint Bernard comme Père et Docteur de l’Eglise…Elle rappelle que la doctrine du saint est une des sources les plus pures et les plus authentiques de la tradition catholique. » (p.84)
« Pour saint Bernard, l’amour, la ressemblance à Dieu qui nous rend sages comme il est sage, est plus qu’un simple désir de Dieu. La sagesse de l’amour est imprimée en nous par le désir qu’a Dieu de nous. » (p.88)
« Le savoir et l’amour sont deux éléments essentiels à la vraie sagesse. » (p.90)
« C’est la charité, c’est l’amour de Dieu et des frères qui font du cistercien un vrai moine ; sans cela il n’est pas moine quand bien même il accomplirait à la perfection tout le reste. » (p.100)
« Cette haute doctrine mystique du Docteur de Clairvaux, qui dépasse tous les désirs humains et peut les combler, semble à notre époque être négligée et sacrifiée ou être oubliée de beaucoup qui, écartelés par les soins et les affaires quotidiennes, ne cherchent et ne désirent rien d’autre que ce qui est utile et productif pour cette vie mortelle… C’est pourquoi nous pensons que ces pages du Docteur Melliflue doivent être méditées d’un esprit attentif… » (p.118)
« L’extrême douceur d’une telle méditation [ ne tient pas Bernard ] « enfermé dans les murs de sa cellule ‘qui est douce quand on y demeure’, mais partout où la cause de Dieu et de l’Eglise est en jeu, il accourt en hâte avec sa sagesse, sa parole et son activité… Il est à craindre, si la lumière de l’Evangile peu à peu diminue et faiblit dans les âmes, ou ce qui est pire, si elle est entièrement rejetée, que les bases mêmes de la société civile et domestique ne s’écroulent, à tel point que surviennent des temps pires encore et plus malheureux »
Pie XII
Pour se faire une idée plus juste, le mieux est évidemment de lire quelques textes bien choisis de saint Bernard. L’exercice n’est pas facile mais il est délicieux. Le bonheur, même là, se gagne par un certain effort.
Pour un premier florilège, on peut s’aider du livre « Entretiens », Saint Bernard de Clairvaux, un homme d’aujourd’hui - ( paru récemment aux Ed. du Signe en lien avec l'association Arccis qui a son siège à l'abbaye de Cîteaux )
On pourra le complèter par six livres assez différents dans leur approche (avis personnel) :
- Bernard de Clairvaux – Jean Leclercq (Ed.Desclée, 1989)
- Les Moines blancs – Histoire de l’ordre de Cîteaux - Marcel Pacaut (Ed. Fayard 1993)
- Saint Bernard de Clairvaux – Pierre Aubé (Ed. Fayard 2003)
- Sur les pas de Bernard de Clairvaux et des Cisterciens – Julien Frizot et Thierry Perrin (Ed. Ouest-France, 2006) – Belle iconographie.
- L’Amour des lettres et le désir de Dieu – Jean Leclerc (Ed. du Cerf, 1956) est aussi une lecture incontournable pour qui s’intéresse aux textes écrits à l’époque de saint Bernard. Plus difficile, mais passionnant.
- Bernard de Clairvaux - Introduction générale aux complètes - Histoire, mentalités, spiritualité - Ed du Cerf, 2010 - Sources chrétiennes n°380
Pour les courageux, qui ont du temps... mais ils ne seront pas déçus.
DG
* © Denyse Guerber
Mise à jour : Mercredi 2 Octobre 2024, 15:56
Denyse
dans 04 - SPIRITUALITE CISTERCIENNE
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