Dieu, un détour inutile ?
Dieu, un détour inutile ?
Entretiens
Louis-Marie CHAUVET
Ed. du Cerf, 2020
328 p.
Le P. Louis-Marie Chauvet est professeur émérite à l'Institut catholique de Paris. Dans ce livre, il a choisi de dialoguer avec deux paroissiens, Dominique Saint-Macary et Pierre Sinizergues.
Ce livre fait un beau tour d'horizon sur la foi chrétienne, ses fondements , ses rites, ses interprétations erronées mais aussi toujours à affiner ou actualiser. Cette conversation très pédagogique sous forme de questions-réponses a le mérite de s'appuyer sur la riche expérience de l'auteur (c'est du solide), sur une vue la plus actuelle possible et aussi de s'adresser en particulier à des catholiques qui ont ces dernières années déserté leurs églises.
Mais dans ce panorama qui nous est tracé, ce qui frappe c'est malgré tout la complexité de cette construction que l'homme, même de "bonne foi" , a fait de Dieu et de l'Esprit-Saint. Cela s'explique du fait de sa part de mystère , ce qui permet toutes les hypothèses. Dans ce sens, Jésus , Marie, les apôtres sont bien plus accessibles.
L'auteur s'efforce vraiment d'être audible sans tomber dans la vulgarisation et donc induit un certain niveau de lecture sûrement nécessaire pour être explicite. Les interviewers poussent aussi le P. Chauvet dans ses retranchements. Malgré cela, le discours peut devenir inaccessible pour les non-initiés ; ce n'est donc pas vraiment un livre "tous publics". Le but visé en entrée sera-t-il atteint ? Est-ce que ces catholiques qui sont passés en périphérie seront conquis et (re)convertis par cette lecture ? Ce n'est pas sûr...
Les chapitres sur les sacrements en particulier, sont remarquables. On ne peut guère, me semble-t-il, aller plus loin dans des explications et éclairages les plus « raisonnables » possibles sur ce sujet. C'est une des grandes qualités de ce livre écrit avec grande conviction. Un atout certain pour que le message passe.
Dieu n'est pas un détour inutile dans nos vies. L'homme y aspire et à chacun son chemin. Le Notre Père et les Béatitudes comme pain pour la route.
Tentons un résumé du chapitre sur le Saint-Esprit. (ch.10)
- Quelle place occupe le Saint-Esprit dans ce Dieu de relation ?
Le Saint-Esprit est ce qu'il y a de plus libre, comme « le vent qui souffle où il veut » (du grec : pneuma) ; c'est aussi ce qu'il y a de plus institutionnel, donc de plus contraignant... L'Esprit-Saint fait cette institution qu'est l'Eglise et en même temps la bouscule.
Il est l'acteur majeur dans les sacrements : ordination, baptême, eucharistie...
La symbolique de l'Esprit-Saint est cosmologique :
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Tout ce qui est de l'ordre du vent ( de tempête ou murmure) ou du souffle, souffle qui permet à l'humain de respirer, donc de vivre.
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Il y a aussi l'espace entre ciel et terre. Il met une certaine distance dans le rapport à Dieu.
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La symbolique du feu, celle bien connue de la Pentecôte
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La symbolique de l'eau (voir st Jean 8)
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Celle de la colombe (Noé, baptême de Jésus)
Leur point commun est de ne pas être maîtrisable ; on ne peut se les approprier. Et cela nous dit un peu de ce qu'est Dieu. Il est trois fois « Saint ». Il est le « Tout Autre ».
- Qu'est-ce qui conduit à dire que l'Esprit-Saint est Dieu ?
En grec, le mot Esprit-Saint est un neutre et non un masculin. Ce qui pourrait permettre de dire que l'Esprit n'est pas quelqu'un, mais quelque chose . Egal au Père et au Fils, il « trône avec ».
« Il a parlé par les prophètes ». Selon le dogme de l'Eglise, l'Esprit est le principe d'inspiration de l'Ecriture comme Parole de Dieu. Il s'y trouve donc partout présent mais bien plus insaisissable et bien moins mentionné que Dieu le Père et Jésus-Christ, le Fils. La Bible en parle peu mais il est le principe qui fait parler de manière ajustée sur Dieu et à Dieu (dans la prière).
On ne prie pas l'Esprit-Saint comme on prie Dieu. La tradition de l'Eglise, c'est de prier dans l'Esprit-Saint.
« Qu'est-ce qui légitime mon ministère auprès de vous ? » interrogeait saint Paul. « Cette lettre que je vous adresse, est écrite non pas avec de l'encre mais avec l'Esprit du Dieu vivant... »
La crédibilité de la foi chrétienne est d'ailleurs de plus en plus dépendante de témoignages de vie.
- Qu'en est-il du rôle de l'Esprit dans les rapports entre les hommes ?
L'Esprit de Pentecôte est celui qui, à l'inverse de Babel, réalise une unité entre les représentants de « toutes les nations qui sont réunies sous le ciel », mais de manière opposée à l'uniformité de Babel.
Tous entendent la même parole de Dieu mais il s'agit d'une communion différenciée : chacun entend cette Parole dans sa propre langue.
Au niveau d'une paroisse, il y a là un programme bien concret : réaliser la communion avec des personnes de culture et de tempérament différents et vivre cela comme participation au projet de Dieu pour le monde entier.
L'Esprit-Saint , une personne ?
Pour dire que Père, Fils et Esprit ne sont pas de simples fonctions différentes d'une même essence divine, mais ont une personnalité propre, on n'a rien trouvé de mieux, dans les premiers siècles , que d'employer le terme latin de persona... qui désigne le masque de théâtre ou si l'on veut le « personnage » de théâtre dans son individualité singulière. Et dans ce sens, on peut dire que l'Esprit-Saint est une personne. Il n'a rien d'évaporé comme pourraient le laisser penser certains groupes chrétiens type New Age. Au contraire, cet Esprit qui fait l'Eglise jusque dans sa dimension la plus institutionnelle, nous remet bien les pieds sur terre.
DG
Mise à jour : Vendredi 9 Octobre 2020, 14:56
Denyse
dans 01 - LIVRES - REVUES - Résumés, extraits...2016-2024
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