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Ellis Island

 Ellis Island

Georges PEREC

 Ed. P.O.L - format poche 2019
 78 p.

                        

 Un petit fascicule (78 p.) pour un grand sujet bouleversant . Au début du XIX°s. et durant un siècle, sur l’île d’Ellis Island ( l’île des larmes) aux portes de New-York :

 « Un formidable espoir secoue l’Europe : pour tous les peuples écrasés, opprimés, oppressés, asservis, massacrés, pour toutes les classes exploitées, affamées, ravagées par des épidémies, décimées par des années de disette et de famine, un terre promise se mit à exister : l’Amérique, une terre vierge ouverte à tous, une terre libre et généreuse où les damnés du vieux continent pourront devenir les pionniers d’un nouveau monde, les bâtisseurs d’une société sans injustice et sans préjugés » (p.13-14)

 Dans un style qui lui est bien particulier, Georges Perec évoque ici l’arrivée des migrants : Allemands, Arméniens, Grecs, Turcs, Italiens, Irlandais, Juifs… arrivaient par familles entières et par dizaines de millions sur cette île de transit et de contrôle avant une accession éventuelle en Amérique. Ce sont eux qui, en partie, vont constituer la nation américaine.

« Ellis Island ne sera rien d’autre qu’une usine à fabriquer des Américains. » Pour mieux s’intégrer, beaucoup modifieront leur nom.

Au début, l’entrée était facile mais au fil des années les conditions d’admission sont devenues plus strictes pour devenir quasiment une prison au moment de la Seconde Guerre mondiale.

L’auteur évoque les conditions d’accueil éprouvantes, les examens médicaux (la tuberculose entraînait le refoulement), les questions personnelles, les lettres à la craie sur l’épaule, le niveau culturel minimum nécessaire pour une intégration possible…

Puis l’auteur, en des listes impressionnantes, dénombre tous ces émigrants, les noms des bateaux, les lieux portuaires de départ, les langues multiples. Il retrace brièvement l’histoire de l’île avant l’arrivée de la première émigrante en 1892 et jusqu’en 1954.

 «  Entre temps

    près de seize millions

    d’hommes, de femmes et d’enfants

    passèrent par Ellis Island

    dont plus des trois quarts

    entre 1892 et 1914

   
    ces années-là

    il arrivait

    jusqu’à dix mille personnes par jour »  (p.39)

 Puis d’autres populations sud-américaines et asiatiques ont pris la relève, puis les visiteurs en une quête hypothétique de leurs familles et de leur histoire.

Avec un ami, Robert Bober, George Perec arpente les lieux et décrit en listes interminables les bâtiments, leur banalité et les questions qu’ils suscitent. Il y a un monde entre ce qui est donné à voir et la réalité des évènements.

Le lecteur est saisi par ces descriptions sobres , sans fioritures,  et mesure un peu en essayant de l’imaginer, ce que fut Ellis Island.

Et l’auteur, par cette expérience, rattache cela au fait d’être juif « et parce que juif victime, de ne devoir la vie qu’au hasard et à l’exil », et de n’avoir pu naître, pour cette raison, dans le pays de ses origines.

 C’est un livre à lire absolument, à offrir à des adolescents et à des adultes bien sûr. On croyait savoir mais on ne savait pas… Lecture facile et percutante. Extraordinaires langage et sensibilité de Georges Perec qui nous laissent le cœur serré.

L’actualité américaine de ces derniers jours (juillet 2019)  sur la question des immigrés qu’on « invite » à partir, en acquiert une portée plus considérable et inacceptable encore.

 DG

Mise à jour : Dimanche 10 Septembre 2023, 19:15
Denyse dans 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch. 1 à 73 - Lu 1814 fois - Version imprimable
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