En tenue d'Eve
EN TENUE D'EVE
Féminin, pudeur et judaïsme
Delphine HORVILLEUR
Editions Grasset 2017 - Coll. Points Essais
184 p.
Delphine HORVILLEUR est rabbin, membre du Mouvement juif libéral de France
Adam et Eve … Récit de la Genèse... Homme et femme, Il les créa....
Il n'est pas bon que l'homme soit seul (Genèse 2,18) … Eve fut tirée du côté d'Adam … ou tiré d'une côte d'Adam ?
Côte ou côté, cela semble un détail ? Pas du tout ! Pour les rabbins du Talmud, c'est capital et déterminant.
Si Eve est tirée d'une côte d'Adam, c'est donc qu'elle a été conçue par Dieu pour être à jamais dépendante de l'homme et soumise à lui. Si Eve fut tirée du coté d'Adam, c'est donc que ce coté-là était féminin et l'autre côté masculin. L'homme des origines était hermaphrodite ! Il y a toujours en l'homme une part de féminin et réciproquement...
Les commentaires judicieux parfois malicieux et sans fin des rabbins se penchent depuis toujours sur cette question, et ce sujet du genre reste d'actualité.
Delphine Horvilleur analyse les sens de la pudeur et de la nudité, l'obsession du corps de la femme pour proposer une autre interprétation des textes et de la tradition. Elle met à mal les lectures qui font de la femme un être tentateur, et de la pudeur l'instrument de sa domination.
La lecture de ce livre extrêmement intéressant quant à la connaissance des mots hébreux à de multiples entrées qui peuvent prêter à confusion mais aussi à précisions, nous ouvre le monde complexe de nos relations hommes-femmes, des causes de la pudeur, de l'étude du Talmud réservée aux hommes, tout comme la nef des synagogues, de la femme vue comme séductrice, du port ou non du voile...
Ce document qui pourrait prêter à sourire mais pourtant sérieux, est riche d'un enseignement qui éclaire mais ne résout pas complètement quelle est l'exacte place de la femme voulue par Dieu. Les féministes d'aujourd'hui se chargent de remettre l'homme à sa juste (?) place. Le mythe d'Adam et Eve n'a pas fini de faire parler de lui.
DG
Extraits
- La yeshiva [maison d'étude] est traditionnellement un monde d'hommes qui lisent et qui parlent, le lieu du brouhaha de l'étude. C'est donc un lieu dans lequel la femme, silencieuse et cachée, n'a rien à faire, un espace dans lequel elle symbolise la marginalité absolue... Et si une femme étudiait avec nous ? La question rhétorique est posée par les rabbins à travers d'autres mythes littéraires, y compris dans le Talmud. ..Mais chaque fois qu'ils envisagent une telle situation, les érudits y pointent une menace systémique pour la maison d'étude...comme si la structure risquait d'être ébranlée par la mixité et la confusion des genres. (p.29-30)
- Dès le récit de la Genèse, la Bible insiste sur le danger que peut constituer la vision. Eve voit le fruit défendu et le trouve beau. C'est alors qu'elle le saisit pour le manger et en nourrir Adam. Les ennuis commencent parce que l'humanité a vu et aussitôt voulu.... On retrouve dans le judaïsme et ses rites une très grande méfiance vis-à-vis du regard et du sens de la vue... Ainsi, la prière la plus centrale du judaïsme, la plus célèbre sans doute, est-elle appelée le « Shema » (ou Shema Israël). « Shema » signifie littéralement « écoute ». Il est une invitation à entendre les commandements et les injonctions du divin à l'égard de son peuple. La parole divine s'écoute mais ne se « voit » pas : la révélation est d'abord et avant tout auditive. (p.88-89)
Mise à jour : Lundi 22 Avril 2024, 14:08
Denyse
dans 01 - LIVRES - REVUES - Résumés, extraits...2016-2024
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