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François CHENG - Une longue route pour m'unir au chant français

 FRANCOIS CHENG - nom chinois : 程抱

Une longue route pour m'unir au chant français

Ed. Albin Michel, 2022
243 p.

                                    

 

Né en Chine en 1929, François CHENG est un écrivain, poète et calligraphe dont nous avons déjà recensé plusieurs livres. Celui-ci est son dernier ouvrage rédigé dans les années du covid (2020-2021) où l'auteur est malade, choisissant la solitude, mais aussi sous la pression d'une transmission toujours plus nécessaire et urgente de son parcours, de sa pensée et (un peu) de sa vie.

«  S'impose à moi l'urgence de creuser, tant qu'il est temps encore, quelques sillons de vie pour que les traces de ce qui a été ne soient pas totalement oblitérées : d'où je viens, ce que j'ai porté, ce vers quoi j'ai tendu. » (p.188)

 En raison de la guerre sino-japonaise, sa famille quitte la Chine pour les Etats-Unis. Ne souhaitant pas les accompagner, l'auteur évoque dans ce livre son arrivée en France à Paris en 1949 , à l'âge de 19 ans , ne parlant pas un mot de français, complètement déboussolé, irresponsable, quasi SDF. Cinquante années plus tard (« une longue route... ») à la suite d'une succession de rencontres, il est devenu un écrivain français reconnu, un poète français, ce qui suppose de connaître en profondeur la langue française et son esprit. Tout en restant très habité par sa culture chinoise. Il est membre de l'Académie Française depuis 2002.

 Sa vocation de poète, il l'avait ressentie dès l'âge de 15 ans, en Chine, à travers la lecture de poèmes, anglais pour la plupart. Une voix intérieure l'avait marqué «  Toi qui as soif, sois chant. Chante et tu seras sauvé  et tout sera sauvé ». (p.25)

Depuis son premier essai sur l'eau et la soif - unique témoin de son adolescence chinoise qu'il a emporté en France et dont il nous livre aujourd'hui la traduction , on peut dire en effet que c'est bien la poésie qui l'a sauvé . C'était sans doute son « destin » pense-t-il., notamment de « participer à une œuvre commune, celle d'honorer la langue française qui a fait mon destin. » (p.201). En particulier sa rencontre avec Gaston Berger, philosophe, (père de Maurice Béjart) pour lequel il eut une grande admiration et affection et qui l'a introduit dans les milieux littéraires. Grande amitié aussi pour Vercors avec lequel il se sent de profondes affinités.

 D'une grande culture et sensibilité littéraire, François Cheng multiplie les contacts, les échanges avec de grands auteurs français comme Gide, Guillevic, Claude Roy, Lacan, Barthes. Il fait beaucoup de travaux de traduction en chinois pour faire découvrir la littérature française à son pays d'origine et de chinois en français.

 François Cheng nous livre un peu de sa vie intérieure, souvent tourmentée, sa relation avec sa fille Anne Cheng, sinologue dont il est très fier du parcours.
On est frappé par les liens très étroits entre sa vie personnelle et sa passion pour la poésie dont il nous cite des extraits au fil des pages, subjugué par les sons et les mots qui lui ouvrent des perspectives quasi mystiques.
On aime son regard très accueillant pour l'autre, son humilité, sa sagesse. Son prénom français fait référence à saint  François d'Assise.

Sa bibliographie est impressionnante et il a reçu  prix littéraires,  distinctions et décorations.

Familier ou non de la poésie, il faut lire ce livre et d'autres œuvres de cet auteur. Même si cette lecture est parfois déconcertante, difficile. La poésie est un langage d'artiste qui ouvre sur notre monde avec un autre regard et souvent même sur un autre monde que les mots cherchent à évoquer puisant dans les profondeurs de l'âme.

Pour compléter notre lecture, il est intéressant d'écouter quelques-uns de ses interviews qu'on peut retrouver sur internet.

DG

 Extraits

 « Comment sortir les mots du réservoir où ils sont enfouis pour les amener à incarner les sentiments et les sensations souvent insaisissables qu'ils recèlent dans leurs entrailles ? Réponse du maître : « Il faut rester fidèle au Réel. Il faut sortir de soi et observer avec précision les êtres et les choses, non tant dans leur aspect extérieur que leur part à première vue invisible, ces forces obscures qui les animent de l'intérieur. » (p.55)

 «  Je suis persuadé que c'est seulement par la poésie, le Verbe le plus incarné, que les humains peuvent s'arracher à la vertigineuse pente qui les mène au néant, à condition qu'ils rejoignent le lyrisme le plus élevé que les meilleurs de leurs prédécesseurs ont atteint. » (p.93-94)

 «  Je ne doute pas que l'amour humain, en son essence, est relié à une puissance surnaturelle, autrement dit à l'amour divin : ils sont d'un seul tenant. » (p.176)

 «  Au fond de l'écrasante nuit, une certitude s'impose à moi : l'aboutissement de la Création n'est pas l'univers physique mais bien la Vie ; elle est en réalité l'unique aventure, celle de l'Etre qui, seule, implique le processus d'un devenir ouvert. » (p.198)

 «  La lignée humaine est une longue corde tressée qui permet l'ascension » (p.214)

 
«  Je me lèverai et j'irai vers Toi,

Traversant les nuits d'insomnie, franchissant

La ligne incandescente des étoiles.

Je sais que tu es loin

Mais que par Toi

Tout sera retrouvé.

 

Je me lèverai et j'irai vers Toi,

Enjambant l'abîme d'un pas résolu, ignorant

Toutes distances qui séparent.

Je sais que Tu es proche,

Que je dois Te chercher

Au plus intime de moi.

 

J'irai vers Toi, sûr de te retrouver,

Car je n'oublie point une scène de jadis :

Après une longue fugue, je suis revenu au logis,

L'ombre maternelle s'est retournée, a dit :

« Te voilà ! », j'ai répondu : « Me voici ! »,

Et j'ai fondu en larmes.

 (p.36)

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour : Vendredi 27 Janvier 2023, 00:15
Denyse dans 01 - LIVRES - REVUES - Résumés, extraits...2016-2024 - Lu 232 fois - Version imprimable
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