S'identifier


L'art difficile de la prédication

 Et moi, je te dis : imagine !
 L’art difficile de la prédication

 Nicolas STEEVES – Gaetano PICCOLO

 Ed. du Cerf, 2018
 207 p.

                                                     

 Les deux auteurs sont jésuites et enseignent à l’Université pontificale grégorienne de Rome.

 Les auteurs précisent que ce livre s’adresse avant tout aux clercs amenés à faire des homélies, mettant étrangement de coté les nombreux laïcs souvent très compétents,  qui pratiquent cet exercice notamment dans le cadre de célébrations de funérailles.

Les éléments essentiels de cet « art difficile de la prédication »  sont bien analysés dans ce livre malgré tout un peu brouillon , les titres et sous-titres nous aidant à saisir le fil conducteur des propos. La confusion venant peut-être du titre de couverture à deux entrées entre lesquelles les deux auteurs semblent un peu tiraillés.

Idées principales de ce livre

 - L’ homélie ne vise pas seulement à « parler de la Parole » mais bien à « communiquer la Parole », à la transmettre comme on transmet la vie.

On cherche à communiquer à des frères et sœurs la confiance en la Parole, en son efficacité dans la vie intérieure et dans l’action. L’homélie doit amener les fidèles à une rencontre, un dialogue personnel avec le Seigneur.

 - La prédication est un art et exige qu’on s’y entraîne. (p.20) On peut se heurter au manque de préparation, à l’absence d’un message central ; on peut transformer l’homélie en un spectacle de « divertissement » rappelle le pape François songeant à certains prédicateurs charismatiques qui abusent de leur talent. Un témoignage personnel du prédicateur peut être fort intéressant et soutenir l’attention des auditeurs mais l’orateur doit rester à sa place de serviteur. L’homélie n’est pas une conférence,  ni un cours de morale ni une envolée mystique. Ce n’est pas non plus paraphraser un texte de l’Ecriture.

 1 – Prêcher, c’est répondre à un appel

Cela suppose qu’on ait soi-même entendu la Parole de Dieu. « Le prophète-prédicateur sert de bouche à Dieu  »  qui est avec lui . Les prophètes de l’AT comme Moïse et Ezéchiel  se sont en effet apppuyés sur Dieu mais ont dû aussi payer de leur personne. Et cela n’a rien de confortable. Le prophète devient même parfois « l’homme à abattre » (p.31)

Dans le NT, Jésus est montré commentant la Parole dans le temple. Il est la Parole de Dieu incarnée et prêcher sera sa principale mission. Il transmettra sa science et sa pratique à ses disciples qui à leur tour etc… jusqu’à aujourd’hui où l’Eglise désire poursuivre de la façon la plus authentique et la plus vivante possible la transmission de la Bonne Nouvelle.

Saint Augustin soulignait qu’il faut bien se préparer pour annoncer l’Evangile car « le prédicateur doit savoir rendre proches des fidèles les vérités de la foi, puis disparaître pour les laisser rencontrer directement la Parole… Dieu se laisse dire à travers des mots humains. (p.40) Au fondement de la prédication, il y a l’enseignement, ce qui suppose d’avoir soi-même étudié, médité les textes bibliques.


2- On prêche moins pour soi que pour sauver des auditeurs.

Seul quelqu’un qui a écouté cette Parole de Dieu et l’a reçue dans sa diversité, sa saveur et son salut peut l’annoncer prophètiquement à d’autres. « Le salut de l’auditeur doit motiver le prédicateur » (John Henry Newman, 1849 – p.45)

Faire « voir » Jésus n’est pas simple et suppose un peu d’imagination. Il faut toucher les « sens spirituels » des auditeurs pour leur permettre une rencontre avec le Seigneur (p.69)

Tout en sachant que la culture actuelle pose de nombreux obstacles : Tradition, salut, vie éternelle ne sont guère les priorités de nos contemporains. Il va nous falloir traduire en mots d’aujourd’hui des aspirations souvent enfouies, sans trahir les vérités de la foi.  Donner confiance est capital alors que nous sommes souvent dans la méfiance.

 3 – L’homélie comme évènement de communication.

Dans un monde hyper-communiquant, le prédicateur doit « s’exercer, comme on le ferait dans un atelier d’artisan, à l’art de communiquer la foi.3 (p.85)

Se laisser déjà soi-même interpellé par la Parole, sans défense, sans résistance. Au contact de la Parole, un temps de prière personnelle est nécessaire. Puis laisser Dieu parler, lui prêter notre voix pour annoncer cette Parole qui a déjà touché notre cœur.

Se mettre à l’écoute du peuple pour découvrir leurs besoins, ce qui est particulièrement vrai lors de préparation de funérailles où la famille se raconte, se confie.

« Un prédicateur est un contemplatif de la Parole et aussi un contemplatif du peuple. » (Directoire homilétique – p.89)

Un rien provocateur, l’homéliste doit faire saisir le hiatus entre nos vies et l’Evangile. « Dans le cœur de chacun, il y a une pauvreté , une blessure qui peut servir à recevoir le message de conversion et de salut. » (p.92)

 4- Construire une homélie

L’auteur, s’appuyant sur Aristote, traite de l’art de la rhétorique pour s’exprimer de façon claire et convainquante en respectant certaines règles (quantité, qualité, modalités) , en utilisant notamment des images (le semeur, le bon pasteur… les associations humanitaires, l’écologie…)

« Les prédicateurs doivent persuader leurs auditeurs que le message chrétien est bien-fondé et qu’il a des implications concrètes. » (p.110)

La religion n’est pas qu’abstraction . Elle s’enracine dans une personne bien concrète, le Seigneur Jésus qui enseigne comment aller de la contemplation à l’action (cf. XIIe synode des évêques)  Et de même, le prédicateur ne sera crédible que s’il est connu aussi pour sa sagesse, sa bonté, sa charité. C’est une critique fréquente adressée à l’Eglise qui ne ferait pas ce qu’elle dit.

On exige, à juste titre, une grande intégrité d’un homéliste… comme d’un président de la République.

 Ce n’est que p.144, qu’est abordée la construction pratique d’une homélie où sont repris et associés les propos de fond et de forme des pages précèdentes. Est soulignée la rigueur nécessaire au développement du propos pour ne pas se perdre en digression et arriver à une conclusion logique et efficace en vue de la conversion visée.

 5- Prêcher, c’est ré-imaginer.

P.151, voici enfin ce qu’annonçait le titre du livre. L’Ecriture en effet « déborde de métaphores, de comparaisons,  d’analogies » (psaumes, récits de la création, Apocalypse…) , les auteurs bibliques étant particulièrement imaginatifs.

Pourquoi s’en priver ?  Malheureusement, « la modernité a privilégié l’approche des sciences expérimentales , [au détriment ] de la littérature et de la poésie. »  Faisons imaginer nos auditeurs ! Sans nous transformer en marchands de rêve. Notre but est de rendre partiellement visible l’Invisible, de rendre Dieu présent dans notre quotidien.

L’imagination permet une certaine liberté d’interprétation, d’application pour chacun contrairement aux enseignements rigides et froids du catéchisme d’autrefois. « La foi ne peut pas sauver si elle est contrainte et forcée . » (p.167)

 En fin de chapitres, un résumé suivi de questions nous aident à nous interroger sur nos façons de faire : Comment nos homélies peuvent-elles répondre à ces défis ? Invoquons-nous l’Esprit-Saint ? Ai-je un préjugé contre l’usage de récits [telles les paraboles] ….Qu’attend l’auditeur consciemment ou non ?...

 En annexes, l’auteur propose une fiche personnelle d’évaluation ainsi que quatre brèves homélies et leur évaluation.

DG07.2018

Denyse dans 01 - LIVRES - REVUES - Résumés, extraits...2016-2024 - Lu 850 fois - Version imprimable
Article précédent - Commenter - Article suivant -

Contact

Par E-mail

.

Mes liens

Voici quelques sites de référence que je vous conseille vivement.

Mes liens