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L'extraordinaire originalité du christianisme

Guillaume JEDRZEJCZAK

Ed. Salvator 2014 – Coll. Petite bibliothèque monastique

                  

« Que nous soyons moines ou engagés dans le monde, que nous soyons portés vers l’action ou vers la méditation, nous avons tous besoin, à certains moments de notre vie, de temps de recul, de silence et de réflexion pour interprèter et comprendre ce qui nous arrive. » (p.130)

 Peut-être est-ce l’air du temps et les actualités dramatiques poussant à une vision en grisaille , de nombreux livres récents nous encouragent à une approche plus positive de nos vies.

 C’est à une marche dans ce sens à laquelle nous invite Guillaume Jedrzejczak, moine trappiste,en particulier sur son terrain spécifique : le christianisme. Celui-ci est-il en voie d’extinction ou l’ « extraordinaire originalité » de cette « religion toujours en mouvement » peut-elle répondre aux soifs actuelles et urgentes du monde d’aujourd’hui ?

 A travers les siècles, l’Eglise a toujours cherché à cadrer, codifier, fixer la foi chrétienne par peur de l’inconnu et de dérives qui pourraient la mettre en péril. Ceux qui cherchaient à regarder au-delà des normes admises ont parfois été mis à l’index ou même exécutés.

 Deux points particuliers peuvent cependant attirer notre attention et à plus de souplesse dans nos façons de voir et de croire :

-         la double nature du Christ (qui a tant fait polémique) nous met sur la piste d’une dualité qu’il nous faut prendre en compte non seulement au niveau de l’Incarnation elle-même mais aussi de nos propres vies entre « terre et ciel ». Apparente contradiction qui est en fait un moteur qui nous élève. (p.47)

-         la diversité des religions et des personnes (y compris notre bipolarité homme-femme) n’est pas à combattre mais à accepter comme une richesse à respecter « dont nous ne mesurons pas l’ampleur. » (p.43)

«  Les Pères de l’Eglise n’ont jamais cédé à cette tentation pour trouver une certaine sérénité intellectuelle. Bien au contraire, ils ont accueilli la difficulté de penser au-delà de ce qui semblait pensable à leur époque. » (p.48)

 L’expression « Connais-toi toi-même » n’a rien d’égocentrique. C’est une démarche fondamentale, nécessaire, souvent éprouvante  afin d’ accueillir « le puzzle qui m’habite ».

La « crise du milieu de vie » qui nous remet face à nous-mêmes, fait parfois tomber nos masques si laborieusement installés au fil des années. Nos certitudes se fissurent et les conséquences peuvent en être  quelquefois dramatiques (dépression, suicide) ou au contraire bénéfiques, nous remettant d’aplomb et nous aidant à vivre un peu plus en vérité. L’aide d’un proche bienveillant et neutre peut nous être d’un grand secours : apprendre à parler, à écouter l’autre, à faire preuve de réalisme et de prévoyance, à changer de cap si nécessaire.

« La spiritualité chrétienne se nourrit de l’expérience de l’altérité. » (p.59)

 Le chrétien qui , pour conduire sa vie, se réfère à la Parole de Dieu, ne doit pas oublier cet adage qui sous-tend constamment la pensée de saint Benoît  : Nul ne peut prétendre écouter la Parole de Dieu, qu’il ne voit pas, s’il n’est pas capable d’entendre son frère, qu’il voit ».

« Pour saint Benoît, il n’y a pas d’obéissance, de charité, de liberté qui ne s’expriment dans le concret de l’existence. Tout le reste risquerait de se situer au niveau de l’illusion et du discours pieux » (p.117). C’est bien plus par nos actes que par nos paroles, que notre témoignage sera pris en compte par ceux que nous cotoyons. Souvenons-nous de ces paroles rudes de Jésus : « Ils disent mais ne font pas… »

Dieu s’est incarné et la foi chrétienne fut, certains siècles pas si lointains, désincarnée !

« La chair  trouve une dignité nouvelle. Elle n’est plus obstacle à la rencontre, mais au contraire le lieu par excellence où l’on rencontre Dieu. L’eucharistie est le sacrement de la présence du Christ dans la chair. » (p.80)

« L’Evangile est une symphonie de gestes, d’attitudes, de regards, qui nous rappellent sans cesse la tendresse de Dieu pour ce monde qu’il a créé, ce monde qu’Il nous a confié pour le transformer et le conduire à son achèvement … Des élèments comme l’eau, l’huile, le sel, le pain et le vin, l’ombre et la lumière, les gestes et les objets racontent une rencontre et s’inscrivent dans le réel. » (p.88). Nos célébrations doivent impérativement en tenir compte pour être crédibles.

 Notre conscience actuelle de nos diversités prend aussi d’énormes proportions , du fait des nouveaux médias « et cette conscience aïgue de l’autre va de pair avec une individualisation de plus en marquée » (p.70), qui revendique toujours plus de liberté. Ce qui peut conduire au meilleur ou au pire. Tout dépend de ce que l’homme en fait.

L’auteur souligne combien le monachisme a été innovant dans « l’art de gouverner les hommes » transformant le pouvoir en service. Les entreprises les plus performantes ont d’ailleurs encore recours à leur expérience pour bien manager leurs employés.

 La vision chrétienne du temps  nous écarte délibèrement du « ce qui s’est toujours fait » et de l’immobilisme par peur de l’avenir. Les images des fondations, du chemin, du relèvement, de la croissance sont caractéristiques d’une vie bien pensée et équilibrée tant au niveau individuel que de l’Eglise et de la société toute entière.

Notre expérience, c’est le présent vécu chaque jour dans toute son intensité. C’est aussi une des valeurs particulière du bouddhisme.  

 Construit sur un passé qui n’est pas à mépriser, le croyant se sait en chemin et « accepte ce lent travail de réformation qui va peu à peu [le] configurer au Christ. » (p.115)

Trois attitudes possibles (p.124)  :

-         Refuser toute évolution et entrer en  résistance.

-         Se rendre compte de ce qui se passe et garder le meilleur tout en l’adaptant au monde nouveau, afin de sauver l’essentiel. Mais attention au vin nouveau dans de vieilles outres !

-         Prendre conscience que les solutions anciennes ne fonctionnent plus. Etre tendu vers l’avenir et se sentir contraint à la nouveauté. Accepter l’inattendu, inventer des réponses nouvelles parfois farfelues et périlleuses.  Exprimer sa créativité et son adaptation.

 « Le christianisme nous donne le goût de l’aventure ; une aventure qui vient tout juste de commencer ! Le monde est encore si jeune et il nous reste tant de choses à découvrir en-dehors de nous et en nous, dans l’infiniment grand et l’infiniment petit. » ( p.132)

 Un livre d'une grande actualité, très éclairant et stimulant ,  s’appuyant sur les nombreux et riches enseignements reçus par l’auteur d’Origène à André Louf , mais aussi sur la longue expérience et les responsabilités de Dom Guillaume au sein de communautés monastiques.

D.G

==>> Deux autres ouvrages de Dom Guillaume fort intéressants et trés accessibles qui soutiendront avec profit nos lectures et méditations :

Commentaires de l'Evangile :
     - "Traverser le chant du monde " (Ed. Anne Sigier, 2009)
Commentaires de la Règle de saint Benoît jour après jour :
     - " Sur un chemin de liberté" (Ed. Anne Sigier, 2006)

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour : Jeudi 16 Mars 2023, 13:17
Denyse dans 04 - SPIRITUALITE CISTERCIENNE - Lu 1383 fois - Version imprimable
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