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Petite introduction à l'islam

  Pierre CLAVERIE

  Ed. du Cerf, 2010
  109 p.

                                       

 Pierre Claverie est né en 1938 en Algérie. Après une formation chez les Dominicains, il retourne dans son pays comme responsable du Centre d’études diocésain de langue et de pastorale (1973-1978) avant d’être nommé évêque d’Oran en 1981. Fortement engagé dans le dialogue islamo-chrétien, il meurt assassiné le 1er août 1996.

 Beaucoup d’entre nous ont souvent de l’islam une vue partielle, tronquée, déformée, recueillie souvent à la suite d’évènements tragiques qui ne donnent que rarement un regard d’ensemble de la foi islamique. Depuis ces dernières années, nous avons un peu progressé dans la connaissance de ces croyants dont la foi est belle et profonde. Nous avons aussi été heurtés par des gestes extrêmes et violents mais où ne se retrouvent absolument pas la majorité des musulmans croyants et pratiquants.

Cette « Petite introduction à l’islam » de Pierre Claverie est un livre précieux pour une découverte simple et précise. Chaque page est importante.  Les bases de l’histoire de la foi islamique nous sont données ainsi que les points essentiels de cette religion et de sa pratique.

Neuf têtes de chapitres précisent bien les domaines abordés : une communauté, un livre, un prophète, une foi, une loi, une morale, une famille, une Cité, une mystique.

On ne peut que recommander vivement ce livre solide et simple d’accès. Notre regard sur l’islam peut en être changé et de ce fait nous inviter à en savoir un peu plus. Le chrétien ne peut éluder cette connaissance indispensable pour une meilleure compréhension des évènements actuels et tout simplement pour une meilleure ouverture du cœur prêt à l’écoute véritable et au dialogue.

                                        *   *   *          
LES GRANDES LIGNES de ce livre sont bien difficiles à résumer tant tout ce qu’écrit Pierre Claverie est important. Et il mérite un large écho.

Extraits

 
L’islam apparaît d’abord comme une communauté (p.11) : 800 millions d’adeptes dans plus de 50 pays. Communauté rassemblée autour de son Livre : le Coran représentant la voix même de Dieu qui manifeste ainsi sa présence et sa volonté.

L’homme musulman se définira par son obéissance à Dieu et toute la vie sociale du musulman doit en porter la trace et en multiplier les rappels. D’où la voix du muezzin appelant à la prière cinq fois par jour , les inscriptions coraniques, le ramadan…

L’islam, comme toutes les religions, et peut-être plus que toute autre, assure au croyant une grande sécurité et la certitude de détenir la vérité. «  Il n’y a qu’un seul Dieu et Mohammed est son prophète. »

                    1 -* 

Le Livre (p.21…) est souvent mis à la place d’honneur dans la maison . Il a également une place centrale dans le cœur des croyants qu’il a pénétré dès l’enfance .

Coran signifie «  proclamation, prédication ». Il est Parole et ne prend sa signification et sa force que dans la proclamation. Psalmodier le Coran revient à se mettre en présence de Dieu.

Le Coran se présente comme l’achèvement des Ecritures antérieures, la Torah de Moïse et l’Evangile de Jésus, reprenant nombre de personnages bibliques et se les appropriant. C’est évidemment une difficulté majeure touchant le dialogue islamo-chrétien.

 Un prophète. (p.31…)

L’Arabie est un carrefour commercial , culturel et religieux. La Mecque en est le symbole avec ses quatre routes caravanières : vers la Syrie, vers le Yémen, vers l’Ethiopie et vers la Perse, et avec sa Kaaba, sanctuaire aux multiples idoles et à la pierre noire.

La piété musulmane va s’emparer de la vie et de l’œuvre du Prophète dont elle va faire « l’Homme parfait », l’Envoyé de Dieu, objet d’une vénération populaire profonde bien que lui-même ne se dise qu’un homme reconnaissant ses limites.

Vers l’âge de 40 ans, Mohammed faisait retraite dans une grotte près de La Mecque. Une nuit de l’année 610, il reçoit la Révélation apportée par Gabriel.  «  O Mohammed, tu es l’Envoyé de Dieu ». Cette voix l’interpelle à trois reprises et se fera entendre pendant plus de vingt ans avec des périodes de silence accablant. De 612 à 622, Mohammed va annoncer avec assurance cette Parole nettement prophétique à La Mecque rencontrant cependant un entourage plutôt hostile. Il se réfugie à  Médine et de 622 (an 1 de l’islam)  à 632, la communauté s’élargit et se structure. Mohammed rentre à La Mecque, impose sa foi, détruit les idoles de la Kaaba. Le Prophète devient chef d’un peuple. Il meurt en 632. Par crainte de voir la Révélation s’altérer ( elle était surtout transmise par voie orale), le 3° successeur du prophète, le calife Othman, établit la version officielle (vers 650) version qui s’imposera vers le 10°siècle : 114 sourates dans un ordre de longueur décroissante et qui se suivent sans logique apparente. La prédication sert plus à frapper qu’à raisonner et convaincre. Certains passages sont obscurs et nécessitent des éclaircissements (Hadith).

Nous ne pouvons douter de la sincérité de son expérience religieuse, ni qu’il ait conduit des multitudes sur la voie de l’adoration du Dieu unique, Créateur, Juge Miséricordieux et Maître de tout. Nous lui reconnaissons aussi, dans sa psychologie, des traits analogues aux prophètes de l’Ancien Testament et à Jésus dont son message est très souvent l’écho.

                2 - *         

 Une foi. (p.43…)

Islâm signifie « se remettre à », « s’abandonner ». La religion musulmane se présente comme la voie de ceux qui s’abandonnent à Dieu, l’Unique. Cette foi s’exprime, en adhérant à la communion islamique,  par un certain nombre de lois et de prescriptions qui traduisent concrètement l’abandon et rendent effective la remise de soi du croyant entre les mains de son Dieu.

La foi est de l’ordre du témoignage et de l’attestation. Pour devenir musulman, il suffit de prononcer devant des témoins habilités la double attestation : « Il n’y a de divinité que Dieu et Mohammed est son prophète ». L’islam est la rénovation de ce pacte originel inscrit dans le cœur de tout homme. L’Islam est la religion de l’Absolu.

Dieu est Créateur , Tout-Puissant et pourtant proche « plus près de lui [de l’homme]que sa veine jugulaire (Coran 50, 16).

Dieu est Miséricordieux pour qui s’égare. Dieu est aussi le Juge de l’Heure du jugement dernier où seront élus ceux qui n’ont pas failli à leur vocation de témoins. Pesés dans la Balance, ils entreront dans les Demeures par le pont étroit « fin comme un cheveu, tranchant comme une lame de sabre » (adage populaire). Ils seront alors comblés de toutes les joies du corps et de l’esprit. Et regardant le Seigneur (Coran 75, 23), ils rayonneront de sa lumière.

 La Fâtiha, aussi utilisée que le Notre Père des chrétiens est en forme de prière de louange :

                        « Louange à Dieu, Souverain de l’Univers,

                                 Le Clément, le Miséricordieux,

                                 Souverain du Jour du Jugement,

                             C’est Toi que nous adorons,

                     C’est Toi dont nous implorons le secours,

                            Dirige-nous sur la Voie droite,

                    La Voie de ceux que tu combles de ta grâce,

                           Ceux qui n’encourent pas ta colère,

                                 Et ne s’égarent pas. » Amen.

 Une Loi. (p.53…)

La Loi musulmane n’est pas seulement une loi religieuse et morale, touchant les rites et les conduites des personnes. Elle englobe la totalité des comportements personnels et collectifs

et des structures sociales nécessaires à la constitution et à l’existence de la communauté.

Les docteurs de la Loi se sont employés à codifier de plus en plus strictement le champ des initiatives du croyant et ne laissent que peu de place à la créativité.

 Cinq obligations :

-         La confession de foi (double attestation)

-         La prière rituelle cinq fois par jour, le musulman se tournant vers La Mecque et s’associant à l’universelle prosternation.

-         L’impôt : pas seulement une aumône mais un geste concret qui traduit à la fois l’origine divine de tout bien créé et la solidarité dans la communauté, mettant la propriété privée à sa juste place. Il a aussi une fonction purificatrice et réparatrice.

-         Le Jeûne du mois de ramadhân, rappel d’une nécessaire ascèse dans l’usage des biens de ce monde et d’une participation volontaire aux souffrances de ceux qui ont faim et dont il faut garder le souci. Vécu comme un mois pour Dieu et pour la communauté. Les impératifs de la vie actuelle n’en facilitent pas toujours les exigences.

-    Le pèlerinage à La Mecque : obligatoire pour ceux qui en ont les moyens. Il rappelle le souvenir d’Abraham. « Nous voici devant Toi, ô Seigneur, nous voici devant Toi. »

 Le mot de jihâd ou guerre sainte évoque davantage l’effort que la guerre même si aux origines de l’islam le combat par les armes défendait « les droits de Dieu et les droits des hommes. ».

Aujourd’hui, il exclut en principe toute guerre de conquête ou de domination. Le combattant du jihâd, le mujâhid, offre sa vie et s’expose à mourir en martyr-témoin en combattant pour l’indépendance, le développement, la justice sociale ou, plus personnellement, pour la fidélité et la vérité.

 Une morale. (p.63…)

Le Coran reste l’unique et inimitable critère de distinction entre le bien et le mal.

La morale musulmane se présente comme une science du comportement harmonieux et équilibré, du juste milieu ne rejetant aucune des richesses et des jouissances que procure la vie mais en en usant avec mesure.
La liberté consistera pour l’homme à user de sa capacité à faire le bien ou le mal.

 Une famille.(p.73)

L’islam est un fait communautaire et créateur de communauté confronté à la modernité et il évolue avec les impératifs du siècle. La figure du père est décisive  dans cette organisation sociale  . Les revendications actuelles des femmes, de la jeunesse sont graves et touchent au principe même du droit musulman par essence immuable. Alors, trouver un juste milieu ?

 Une Cité. (p.83…)

La Loi règle aussi bien les conduites personnelles que les rapports sociaux et de multiples formes de pouvoir se partagent le monde musulman. Mais les aspirations profondes convergent toutes vers la réalisation de cette Cité idéale.

« Celui qui obéit au Prophète, obéit à Dieu » (Coran 4, 80)

        3 - *  

 Une mystique. (p.93…)

Un besoin de dépassement des règles trop étroites et contenant mal l’élan intérieur qui porte le croyant à tout donner pour sa foi et son Dieu va s’exprimer dans le courant mystique : le soufisme. Une grande ferveur imprégnait déjà la communauté primitive et contenait en germe le soufisme.

Le premier soufi est Hasan al-Basri (1er siècle de l’Hégire) . On lui attribue ce texte :

«  Du moment que la préoccupation dominante, en mon cher serviteur, devient celle de se souvenir de Moi, je lui fais trouver son bonheur et sa joie à se souvenir de Moi. Et alors il me désire et Je le désire. Et lorsqu’il Me désire et que Je le désire, Je lève les voiles entre Moi et lui, et je deviens un ensemble de repères devant ses yeux. De tels hommes ne M’oublient pas , lorsque les autres oublient. »

Après l’école de Basra, ce fut au 3°s. de l’Hégire, l’école de Bagdad qui fut la plus célèbre avec Maarouf dont la vocation était de « prendre sur soi toute la tristesse du monde ».

Tout l’effort du soufi doit être de retrouver cette déclaration d’amour anticipée, cette pure parole d’acquiescement à la Volonté divine, en se soumettant à une purification progressive et implacable de tout son être.

« Je suis devenu Celui que j’aime et Celui que j’aime est devenu moi. Nous sommes deux esprits « infondus » en un seul corps. Aussi me voir, c’est Le voir et Le voir, c’est nous voir. »

Cette véhémence attira une opposition violente de juristes et de politiques qui prononcèrent des condamnations à mort, ce qui entraîna dans le soufisme une certaine discipline du secret, d’où son caractère longtemps ésotérique. Au 12°s. la voie et l’enseignement du soufisme sont reconnus comme une connaissance religieuse légitime. Des confrèries pénètrèrent tout le monde musulman méditerranéen, de l’Egypte au Maghreb et à l’Andalousie où l’islam se diffusa dans le peuple. Ce soufisme populaire dégénèra au 14°s. Le soufisme reste encore aujourd'hui une tradition vivante du vivre ensemble.

 Texte mystique. (p.103)

 «  De même que le souffle de l’Esprit-Saint insufflé en Marie lui a fait concevoir l’enfant divin, de même lorsque la Parole de Dieu pénètre dans le cœur de quelqu’un et que l’inspiration divine emplit son cœur et son âme, sa nature est telle qu’alors est produit en lui un enfant spirituel ayant le souffle de Jésus qui ressuscite les morts. » (Rumi)

 D.G

*
© Denyse Guerber

Photos et petite bibliographie ne figurant pas dans le livre de Pierre Claverie

1Le Coran – Versets choisis et présentés par Omar Benaïssa – Librio, 2003

2Mahomet le Prophète – Gabriel Mandel Khân – Ed. Acropole, 2002 (pour adultes, très belle iconographie)

3Le Coran raconté aux enfants – Myriam Daridan, ill. de Mahi – Ed. Les Portes du Monde, 2002

Mise à jour : Mercredi 17 Avril 2024, 16:51
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