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Règle de saint BENOÎT - Prologue

 2023 - REGLE  DE  SAINT BENOÎT

LE PROLOGUE

PR 1-7

                      
 
                    Abbaye de Noirlac (Cher)    
© D.G

Tout comme on accroche un nouveau calendrier le 1er janvier, on ouvre à nouveau la Règle de saint Benoît à sa première page, celle du Prologue. Et on constate, comme pour la lecture de la Parole de Dieu, que le message de Benoît même s'il est connu, semble avoir toujours quelque chose à nous dire. Nous-mêmes, ne sommes plus les mêmes qu'au 1er janvier dernier et notre lecture en est forcément changée, riche d'expériences nouvelles qui donnent à nos vies un autre éclairage au fil des jours.

Tout au long de sa Règle, en vrai père parlant à son fils, Saint Benoît, un vrai maître spirituel, conseille ses frères, en homme d'expérience, en psychologue et surtout en frère aimant qui désire transmettre l'amour et la lumière de Dieu qui sont transformants.

Alors, écoutons nous aussi et qui que nous soyons , essayons de "suivre effectivement".

L'Eglise vénère Saint Benoît comme l'ancêtre de tous les moines d'Occident et nombres d'ordres religieux se sont mis à l' école de sa paternité. Cette Règle n'est pas contrainte mais appel à une certaine docilité et  humilité nécessaires à celui qui veut progresser. C'est incontestablement un travail rude que propose saint Benoît mais d'une incomparable fécondité.


C'est toujours avec bonheur que nous réentendons la voix paternelle de Benoît :

- v. 1 " Ecoute, ô mon fils, les instructions du maître et prête l'oreille de ton coeur; accepte les conseils d'un vrai père et suis-les effectivement." 

ECOUTE .... maître mot de nos vies.

C'est le but du Prologue : il nous invite à l'écoute de la Règle qui va suivre. L'écoute est le préalable incontournable de notre vie avant toute action, toute mise en oeuvre.

Ecoute les paroles de tes proches, de tes voisins, de tes collègues. N'écoute pas distraitement. Prends-les en compte. Ecoute ce qui est dit (ou plutôt non-dit) derrières ces paroles-là : une solitude, une tristesse, une espérance.

Ecoute jusqu'au bout ; ce que tu as à répondre n'est pas forcément très important. Ecoute bien avec l'oreille de ton coeur.

Ecoute les infos sans te dire d'avance que tu ne peux rien contre la guerre et la misère.

Ecoute cet appel d'aide loin de chez toi ou près de chez toi. Peut-être est-il justement pour toi.

Ecouter veut dire aussi "obéir". D'ailleurs Benoît ajoute bien : "et suis-les effectivement"

Laisse tomber tes résistances, tes peurs, tes doutes. Ose. Vit. Va à l'essentiel. Faire la volonté de Dieu, c'est aller à l'essentiel. Un essentiel qui passe par le dépouillement de l'inutile, qui s'appuie sur la simplicité du quotidien.

Dieu est loin ? mais non, il est en toi, dans ta capacité d'aimer ,d'accueillir et de donner.

"Ce que tu fais au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que tu le fais", dit Dieu.

Ecoutons en effet ces autres paroles du Prologue qui recentrent notre écoute et nos actions sur la lumière de Dieu.

Comme les mages ont suivi l'étoile. Leur parcours fut inattendu, leur découverte aussi. Quant au retour "à la maison", ils en furent transfigurés.

- v. 2 Ainsi tu reviendras par le travail de l'obéissance à celui dont tu t'a éloigné la paresse de la désobéissance.

                              
                           
   Abbaye de Noirlac - 
© D.G

Cet enseignement du maître est donné par un père aimant qui demande de faire ce qu’il dit. Ce travail est un combat qui va permettre de revenir à Dieu. Ceci s’adresse à celui qui est volontaire pour se dépasser lui-même en renonçant à sa volonté propre, à son égoïsme, et qui ne choisit pas lui-même. Celui qui donne les ordres et qui dit comment il faut combattre c’est le Christ qui nous indique le chemin du Père et dont il a été obéissant en tout et jusqu’à la mort. C’est donc par la fréquentation de la Parole que l’on découvre le mode de vie qui conduit les fils au Père. Ce qui revient à dire que nous devons trouver à l’exemple du Christ l’image et la ressemblance de Dieu en utilisant les dons qu’il a mis en nous, c’est à dire les talents que nous avons reçus et que nous devons faire valoir. Chacun de nous avec ce qu’il est et comme il est. Refuser cette démarche de conversion c’est se condamner. En effet, le Christ qui conduit au Père, image du Père se présente à nous comme celui qui est le Chemin la Vérité et la Vie. L’Esprit qui vit en nous éclaire et nous vient en aide.

Les verbes : écouter, ouvrir l’oreille du cœur, accepter les conseils, travailler à obéir, revenir vers Dieu, renoncer à se choisir, combattre contre soi-même sous les ordres du Christ.

Chaque fois que l‘on entreprend une action bonne commencer par supplier qu’elle aille à son terme. C’est apprendre à faire la volonté du Père comme le Christ l’a enseigné.’’ Que ta volonté soit faite … ‘’ et non la mienne.

PR 5-9

"Le Seigneur attend de nous, que chaque jour, nous répondions à ses conseils par des actes…’’
‘’ Ne sais-tu pas que Dieu n’est patient que pour t‘amener à changer de vie ? ‘’ (Rom2,4)

                                                                       
                   Ancienne abbaye cistercienne de Saint-Sauveur (Vosges)© D.G

Le Seigneur nous attend effectivement. Et chaque jour. Tout comme nous le cherchons. Comment ne nous rencontrerions-nous pas ?
Et puis, il nous faut répondre pas seulement en paroles et en actes. Aujourd'hui, ce sera quoi ?

 Le désir de Dieu est de nous rapprocher de Lui, de lui ressembler, ou plus exactement de vivre sous son influence et de retrouver notre visage originel. C'est notre marche vers la sainteté et le bonheur.
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PR 8

                             
                Ile de Ré – Abbaye des Chateliers © D.G

 Levons-nous donc enfin ; l'Ecriture ne cesse de nous éveiller, disant : L'heure est venue de nous lever de notre sommeil.(Romains 3,11)

 Les moines sont très matinaux, car ce temps avant l'aube est propice à la prière, permet de se disposer à entamer un jour nouveau avec une certaine fraîcheur, l'esprit reposé par la nuit.

Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche chantera ta louange. Ce sont leurs premières paroles.

 Prendre le temps de commencer sa journée avec calme, sans hâte ( se lever quelques minutes plus tôt). Lire (pourqoi pas?) un petit passage de l'Evangile du jour que nous « ruminerons » tout au long du jour.

Il est fort probable que nous trouverons l'occasion de l'actualiser. C'est ainsi (entre autres) que parle le Seigneur dans nos vies.

 Ouvrons les yeux à la lumière divine. Ecoutons d'une oreille attentive la voix puissante de Dieu qui chaque jour nous presse en disant : Aujourd'hui, si vous entendez sa voix n'endurcissez pas votre cœur.

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PR 10-13

Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas votre cœur (Ps94,8) et encore : Celui qui a des oreilles pour entendre (Mt 11,15) qu'il écoute ce que l'Esprit dit aux Eglises (Ap 2,7). Et que dit-il ? Venez, fils, écoutez-moi, je vous enseignerai l'amour du Seigneur. (Ps 33,12)

Courez tant que vous avez la lumière de la vie, pour que ne vous enveloppent les ténèbres de la mort . (Jn 12,35)

                        
Abbaye cistercienne d'Acey - © D.G

Ces paroles de saint Benoît nous montrent particulièrement dans ce passage, combien elles sont tissées de références bibliques. Notre vie doit elle aussi être habillée de la Parole de Dieu. Et pour cela il faut y être attentif, et l'écouter avec les oreilles du cœur.

« Courez ! » Nous voyons plus que jamais, combien il y a urgence à restaurer l'Eglise et le monde.
Sinon, c'est clair, nous courons à notre perte.

Nous nous sentons démunis ? Faisons davantage confiance à Dieu. Mais les miracles ne se feront pas sans nous. Notre paroisse est en perte de vitesse ? Mais est-ce que je n'attends pas tout des autres sans moi-même m'y investir un peu ?
Hâtons-nous !

                             
                               Acey 
© D.G

PR 14-15

14 - Et le Seigneur, cherchant son ouvrier dans la foule à qui il lance ces appels, reprend : 

15 "Quel est l'homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? 

Nous cherchons Le Seigneur mais lui aussi nous cherche. Dans une foule, ce n'est pas toujours facile de croiser le bon regard. Mais l'appel est pour tous. Cela se vérifie dans la question posée au v.15. En effet, tout homme veut la vie et désire voir des jours heureux.

C'est bien l'aspiration de tout homme à l'est comme à l'ouest, au nord comme au sud. Mais tout homme n'envisage pas le bonheur de la même façon. A quel bonheur aspirent des immigrés campant depuis des jours dans le désert ? A quel bonheur aspire l'homme riche qui n'est pas aimé ou le malade en fin de vie ?

Quand on entre dans le 3°-4° âge, on se demande parfois si dans les années passées nous avons vraiment mis tout en œuvre pour trouver le bonheur et en donner. Les jours sont désormais comptés et on aspire parfois et peut-être un peu tardivement, à revenir à l'essentiel, à nos désirs profonds.  Quels sont-ils ? Quelle place pour Dieu ?


                 
Abbaye d'AUBAZINE (Corrèze)   © D.G

PR 16-17

16 Si, ayant entendu, tu réponds : "Moi", Dieu te dit :

17 "Veux-tu avoir la vraie vie, la vie éternelle ? Alors garde ta langue du mal et fais le bien; recherche la paix et poursuis-la."

             
Abbaye d'Auberive - (Haute-Marne) © D.G

Il nous faut "entendre" la Parole de Dieu et qu'elle touche notre coeur. Aujourd'hui, qu'est-ce que "moi" j'attends de la vie? Au v.17, Dieu pose sa question plus précisément : la "vraie" vie, la vie "éternelle". Voilà qui est plus difficile à saisir. Alors le Seigneur, par la bouche de Benoît se fait plus concret, avec des mots accessibles à tous : "Garde ta langue du mal et fais le bien, recherche la paix et poursuis-là". 

On perçoit déjà bien ainsi la bonté de Dieu, l'espérance qui nous est proposée ("si tu veux") d'une vie heureuse et les choix entre bien et mal ainsi que la persévérance que cela nécessite. C'est tout à fait à notre portée humaine. Et si oeuvrer à la paix, c'était déjà rencontrer Dieu ? 

  "Qui donc aime la vie 
  et désire les jours où il verra le bonheur ?                                 
 Garde ta langue du mal et tes lèvres des paroles perfides.
 Evite le mal, fais ce qui est bien, poursuis la paix, recherche-la ."   

  
Ps 33,13-15            

 PR v.18-20

18 – « Faites ainsi et mes yeux seront fixés sur vous, je prêterai l’oreille à vos prières, et avant même que vous m’invoquiez, je vous dirai : Me voici. » (Isaïe 58,9)

19-20 – Quoi de plus doux , frères bien-aimés, que cette voix du Seigneur qui nous invite ? Voyez avec quelle tendresse le Seigneur nous indique la route de la vie !

On pourrait s’attendre de la part d’une règle de vie à une certaine froideur, à de la rigidité. On voit ici que ce n’est pas le cas selon  saint Benoît. Sa sensibilité traduit la tendresse de Dieu qui l’habite. Et c’est bien ainsi qu’il nous faut vivre dans l’attention à l’autre (je prêterai l’oreille…), l’anticipation à ses désirs (avant même que…), l’invitation sans forcer (le Seigneur invite), et avec douceur et  tendresse.

Quelle image avons-nous de Dieu ? Celle d’un juge, d’un père, d’un frère ? Notre vie cherche-t-elle à s’ajuster aux qualités du Seigneur ?

Nos vies, nos rencontres, l'actualité attestent malheureusement des comportements bien plus égoïstes, bien plus durs. Notre cœur est mis à l'épreuve par des échecs dans nos relations et il risque peu à peu de se fermer, de ne plus faire confiance, de désespérer de la fraternité.

Ce jeune qui se suicide du fait de harcèlement, cet adulte qui meurt à petit feu dans sa prison parce qu'il conteste un régime totalitaire, cette vieille femme solitaire que plus personne ne visite....

On verrait vite la vie du monde en noir. Mais des étoiles brillent aussi dans la nuit. Elles sont innombrables. Quelles seront, pour nous, celles d'aujourd'hui ?

                                      
    Abbaye de l'Escaladieu (Hautes Pyrénées)
- © D.G

PR v.21
- Sanglés du ceinturon de la foi et de la pratique des bonnes actions, sous la conduite de l'Evangile, suivons donc ses chemins pour obtenir de voir dans son royaume, celui qui nous a appelés.

Dans ce verset, l'essentiel est dit. Dieu nous appelle à croire en Lui et à mettre en pratique ce que nous enseigne l'Evangile. L'objectif étant d'entrer à la fin de notre parcours sur terre, dans le Royaume de Dieu.

« Sanglés du ceinturon » : langage militaire de l'époque médiévale mais qui souligne malgré tout que la foi est un combat. Cela l'a été pour Jésus et nous le savons bien par expérience, faire gagner le bien sur le mal dans les petites choses comme dans les grandes, est un effort de chaque jour. Mais avec Jésus, nous marchons en quelque sorte en tandem. Et notre « code de la route » est l'Evangile qu'il nous faut lire et relire.
 
                                  
                                    Abbaye de Bricquebec (Manche) - © D.G

PR 22 
Si nous voulons habiter dans l’intérieur de ce royaume, il faut y courir à force de bonnes actions, sinon nous n’y parviendrons jamais.

« Si nous voulons » : notre volonté est en jeu. Benoît insiste à travers sa Règle, sur notre liberté. L’amour de Dieu ne s’imposera pas à nous. Et « il faut y courir à force de… » souligne bien l’effort, l’énergie qu’il sera nécessaire de fournir pour parvenir à ce but. L’engagement dans un amour humain a d’ailleurs les mêmes caractéristiques : c’est un grand bonheur donné mais qui se gagne aussi tout au long de la vie. Les statistiques actuelles sur les divorces et séparations sont bien pessimistes concernant les efforts dont l’homme (la femme)  est capable… Si la grâce de Dieu est la source d’énergie vitale, nos «  bonnes actions » ont aussi toute leur importance. Saint Benoît insiste beaucoup dans sa Règle sur la mise en pratique .

Il ne s’agit pas d’agir en toute hâte, mais d’être conscient que rien ne peut se faire en un jour, qu’il y faudra du temps, de la persévérance. Le temps presse pour nous-mêmes de nous réajuster à Dieu, mais il presse aussi pour nos frères avec lesquels nous sommes appelés à vivre . Et Dieu lui-même, dans son amour, ne nous attend-t-il pas aussi ?

 Une foi qui n'agit pas est vaine.

                       
Vestiges de l'abbaye cistercienne de Cherlieu (Haute-Marne)
© D.G

PR 23
Mais avec le prophète interrogeons le Seigneur en lui disant : « Seigneur qui habitera dans ta demeure et qui aura son repos sur ta montagne sainte ? »
 (Ps 14,1)

Le disciple peut s’interroger légitimement sur les conditions d’accès à un royaume qui lui semble inaccessible telle une haute montagne. Saint Bernard a lui aussi largement développé cette question, cette espérance. Le peuple d’Israël pensait que lui était réservé cette place. Le message de Jésus est tout autre : il s’adresse à tous les hommes. Il n’y met pas de conditions. Simplement, il s’agit de suivre la voie qu’il nous trace et d’adhérer librement à cette façon d’être et de vivre qu’il propose. Porte-paroles (Verbe) de Dieu, nous pouvons faire confiance aux conseils du Seigneur, repris par saint Benoît dans sa Règle.

Le message du Christ a bien cet objectif que nous habitions tous près de Dieu car ce sera, pour nous, retrouver ainsi la raison de la création de l'homme en harmonie parfaite avec son Créateur. Nous pouvons cependant nous efforcer de vivre dès maintenant dans cet esprit et reconnaissons que nous avons du mal à tenir ce cap !

Alors ne lâchons pas la compagnie du Seigneur. Pourquoi ne pas s'associer à un petit groupe de chrétiens qui partage régulièrement la Parole de Dieu ? C'est un bon soutien.

 

                              
  Abbaye de Fontfroide (Aude) © D.G

PR 24-27 
24 - A cette question, frères, écoutons la réponse du Seigneur qui nous montre la route de cette demeure :

25 – C’est celui dont la conduite est sans reproche et qui pratique la justice ;

26 – qui dit la vérité du fond du cœur et n’use pas de sa langue pour tromper ;

27 – qui ne fait du mal à personne et n’admet rien qui fasse tort au prochain. » (Ps 14, 2-3)

On dépasse l’obéissance à des lois, à des commandements pour entrer dans un langage et un comportement d’amour et de justice  envers le prochain . Chaque conseil est souligné par la radicalité du propos : « sans reproche », « du fond du cœur », « à personne », « rien »… L’engagement chrétien est sans compromis. Oui, la montagne peut être, certains jours, difficile à gravir.  Mais faire le bien en toutes choses n’est-il pas un beau projet de vie ? 

                               
                
  Abbaye de Fontfroide (Aude) © D.G   

 
PR 28

  Quand le diable lui suggère quelque mauvais dessein, il le rejette, lui et sa suggestion, loin des regards de son cœur, il le réduit à rien et, saisissant à peine nées les pensées diaboliques, il les brise contre le Christ.

 Chaque mot de ce verset est très fort, très significatif et souligne bien le combat qui se joue entre le diable et nous. La rectification relativement récente du Notre Père , « ne nous laisse pas entrer en tentation » reprend bien cette idée. Il n’y a aucun péché , ni aucune honte à être tenté. Jésus lui-même l’a été au désert, au Jardin des Oliviers. Notre vie humaine est ainsi faite que nous avons sans cesse à faire des choix pas seulement entre le bien et le mal mais aussi entre le bon et le meilleur. Cela peut toucher de petites choses (le jeûne par exemple) mais qui ne fait pas d’efforts sur de petites choses n’en fera sûrement pas sur de plus grandes. Mais il y a aussi des choix cruciaux, déterminants pour notre vie ou pour celles de nos frères. Comme conseille Benoît, nous devons rejeter « loin des regards de [notre] cœur » ,tout ce qui est incompatible avec l’amour de Dieu que nous proclamons.  Le « diable », quelque soit la façon dont nous nous le représentons, est habile, les tentations parfois si fortes que nous y cédons. D’ailleurs Benoît dit de ne pas les laisser nous envahir, il faut « les saisir à peine nées », comme la mauvaise herbe.

Relire sa vie régulièrement à la lumière de la Parole va nous aider à nous recentrer sur Dieu, à prendre conscience de nos dérives, à briser contre le roc qu’est le Christ tout ce qui nous empêche d’être bons, d’être enfants de Dieu. Il nous suffit de le vouloir du fond du cœur et la grâce de Dieu fera le reste.  

Essayez et vous verrez !   

                             
  Abbaye de Fontenay (Côte d'Or)    - © D.G   

  PR 29-31

 Il est de ceux qui, craignant le Seigneur, ne s’enorgueillissent pas de leur bonne conduite et qui, estimant que le bien même qui se trouve en eux n’est pas en leur pouvoir et vient de Dieu, glorifient le Seigneur agissant en eux et disent avec le prophète : «  Ce n’est pas nous Seigneur, ce n’est pas nous, mais à ton nom qu’il faut donner la gloire. » (Ps 113)  L’apôtre Paul non plus ne s’attribuait rien à lui-même de sa prédication et disait : « C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis. » (1Co 15,10) Et il disait encore : « Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. » (2Co 10,17)

Au chapitre 7 de sa Règle, saint Benoît va développer une des qualités majeures qu’il attend de ses moines : l’humilité. Dans ce verset 29 du Prologue les bases sont déjà posées.

Dans ces quelques lignes, saint Benoît rappelle que nous n'avons pas à nous glorifier , à être fiers, de ce que nous pouvons faire de bien. Il est assez naturel d'être contents de soi quand on a fait ce qu'il faut pour bien agir. Alors contents ? Oui. Mais si nous sommes parvenus à faire le bien , c'est parce qu'en nous, Dieu nous assiste et même initie nos actions. Il peut même arriver parfois d'être dépassé par ses propres paroles ou gestes comme si quelqu'un agissait à notre place, et bien mieux que nous.

Ce qui est important pour le chrétien, c'est de garder confiance en cette présence intime et agissante de Dieu en nous. En avoir conscience, ce n'est pas tant faire preuve d'humilité que d'accepter ce partenariat insolite et divin.

Nous connaissons l'expression : Dieu ne fera rien sans nous. On est d'accord. Mais que serions-nous sans Lui ?

Réjouissons-nous de faire le bien et de le devoir à la grâce de Dieu !

              
  Abbaye de Fontenay (Côte d'Or) © D.G
 

PR 33-34

33- Le Seigneur dit aussi dans l’Evangile (Mt 7,24-25) : « Celui qui écoute mes paroles et les accomplit, je le comparerai à un homme sage qui a bâti sa maison sur le roc ;

34 - les torrents sont venusles vents ont soufflé et se sont rués sur cette maison ; mais elle n’est pas tombée, car elle était fondée sur le roc.

La sagesse... Voilà sans doute une des qualités primordiales à laquelle nous invite l'Evangile. Quand on le parcourt et le médite, on s'aperçoit que le message de Jésus repose sur une grande sagesse. Que ses exemples soient pris dans la nature, dans des rencontres, à travers des paraboles ils reposent sur le bon sens. Ils n'ont, en soi, rien de révolutionnaires. Bâtir, par exemple, sa maison sur un terrain solide, devrait aller de soi, et lu au second degré, bâtir sa vie sur des valeurs sûres, honnêtes et fraternelles rend la vie bien plus belle. Non sans effort.

Mais nous connaissons aussi nos tentations et nos dérives et la sagesse n'est pas toujours privilégiée. Les désastres actuels découverts dans la vie de l'Eglise nous invitent à une grande humilité et à une conversion profonde. Voilà « les torrents et les vents » qui la font chavirer.

Fonder nos vies sur le roc, c'est nous appuyer constamment sur la Parole de Dieu et sa sagesse. Notre boussole, c'est l'Evangile !

C'est ce que nous rappelle aujourd'hui le Christ par la voix de saint Benoît.

                        
 Abbaye de FONTENAY (Côte d'Or) - Moine lisant  © D.G -

PR 35

35 – Finalement, le Seigneur attend de nous que, chaque jour, nous répondions par des actes à ses saintes leçons.

Une foi qui n'agit pas est une foi morte...

Quelque soit notre vocation, active ou contemplative, notre source chrétienne est la Parole de Dieu dans la Bible, dans les Evangiles. Notre vie se réfère au message du Christ. Il nous faut donc, de façon incontournable, lire les textes bibliques.

Un ami qui ne lirait pas les lettres de son ami , qui ne chercherait pas à toujours mieux le connaître est-il un véritable ami ?

Cette base, ce roc posés, il s'agit d'en vivre au quotidien avec ses proches, avec ceux qu'on aime ou non, avec ceux que les occasions nous font rencontrer, en répondant aux appels qui nous sont faits, aux mains tendues. Ce n'est pas si compliqué, un peu exigeant parfois. Il faut surtout être attentifs à ce qui nous entoure et habité par la Parole de Dieu. Une parole par jour peut suffire ; cela en fait tout de même 365 en une année...

Au 17°s., saint François de Sales dont on fête le 400° anniversaire de la mort, et qui est reconnu pour ses qualités d'accompagnateur spirituel pensait que le chrétien qui a conscience de l'amour de Dieu devait avoir une forte vie spirituelle et un engagement sur son lieu de vie. Se contenter d'obéir à quelques préceptes n'a pour lui aucun sens.

Comme dit Benoît : « Le Seigneur nous attend... »


                      
                   Abbaye de Noirlac - © D.G  

PR 36-37-38

36 – Aussi est-ce pour la correction de nos vices que les jours de cette vie nous sont concédés comme un sursis ;

37 L’Apôtre le dit : «  Ne sais-tu pas que Dieu patiente afin de t’amener à la pénitence ? » (Rm2,4)

38 – Car, dans sa bonté, le Seigneur dit : «  Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. » (Ez 18,23 ; 33,11)

Le v.36 ne nous donne pas une vision très épanouissante d'une vie qui serait menacée, polluée, pas bien belle. Doit-on sans cesse avoir le nez sur nos fragilités et nos ombres ? Cette façon de voir fut certainement un travers de l'Eglise à certaines périodes où la culpabilité primait sur l'amour de Dieu et du prochain. On en reste marqué.
Cependant, comment grandir dans la foi sans cette prise de conscience et les efforts qu'elle suppose ?

« T’amener à la pénitence… » : c’est prendre conscience peu à peu de nos faiblesses, de nos erreurs en vue de les corriger pour consolider nos vies dans une juste et solide direction. C’est bien ce que tous les parents responsables font dans l’éducation de leurs enfants.

A plus forte raison, Dieu Notre Père nous enseigne par Jésus, la route à suivre, les terrains à désherber, les champs à semer. C’est vrai que nous allons éprouver là, au début, une certaine contrainte. Il est difficile de changer nos habitudes, les mauvaises comme les bonnes. Dieu va nous demander parfois de faire table rase pour nous reconstruire. Voilà la conversion.

Dieu ne veut en aucun cas nous écraser mais au contraire, « dans sa bonté » que nos vies s’épanouissent pleinement.

Alors « veux-tu être heureux ? »

                                   
        Abbaye cistercienne de La Fille-Dieu (Romont -Suisse) © D.G  

PR 39-41

39 -  Quand nous avons interrogé le Seigneur, frères, pour lui demander qui habitera dans sa demeure, nous avons entendu les préceptes à observer pour y habiter ; encore nous faut-il remplir cette obligation.

40 - Préparons donc nos cœurs et nos corps à mener le combat de la sainte obéissance aux commandements ;

41 - et pour ce qui est impossible à notre nature, prions le Seigneur de bien vouloir nous venir en aide par sa grâce.  

Les disciples eux-mêmes  avaient un jour demandé à Jésus comment suivre ce chemin qu'ils ne connaissaient pas. Saint Benoît rappelle à ses frères que pour cela il faut  accepter ce que Jésus nous propose : foi, espérance, charité, être humble et fraternel... Il parle d'obligation. Mais il ne faut pas voir cela comme un ordre mais comme une nécessité pour parvenir au but poursuivi.

Il est intéressant de souligner l’association indispensable entre notre cœur et notre corps. Pour agir en vérité, il est nécessaire d’adhérer vraiment , du fond du cœur, à ce parcours exigeant. La nécessité d’ « obéir » peut sembler contraignante de nos jours où la liberté s’impose. Mais cette « sainte obéissance » (seul endroit de la Règle où l’obéissance est sainte) doit être mieux comprise comme un désir de tout mettre en œuvre pour répondre à l’amour de Dieu. Oui, il va peut-être falloir lutter contre notre propre volonté. Oui, il va falloir faire face à nos limites. Mais Benoît le dit bien , la lutte devient parfois impossible, « car je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire en l’être faible que je suis. Certes le bien existe en moi, mais non la capacité de l’accomplir. En effet, je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas. »  (Rm 7, 18-19)

Et avec humilité, il nous faut donc demander l’aide de Dieu. Donc prier et croire en la grâce.

                                    

 Abbaye cistercienne de La Fille-Dieu (Romont -Suisse) © D.G  

 PR 42-44

 42 – Si nous voulons échapper aux peines de l’enfer et parvenir à la vie éternelle

43 – tant que nous sommes encore dans le corps et que nous pouvons ainsi à la lumière de cette vie accomplir tout cela,

44 – il nous faut courir et faire maintenant ce qui nous profitera pour l’éternité.

La question se pose pour nous de savoir si nous croyons à l'enfer et à la vie éternelle.

Voilà deux lieux à propos desquels nous imaginons beaucoup mais savons peu de chose.

La vie éternelle est un état plutôt qu'un lieu, même si nous nous le représentons comme le paradis (celui d'Adam et Eve ?). Pour saint Benoît, comme pour Jésus, la vie éternelle se prépare sur terre en suivant le message des Evangiles. Notre vie terrestre nous initie à la vie fraternelle comme nous la vivrons à la perfection près de Dieu. Cette préparation est indispensable et urgente. Ne tardons plus à recentrer notre vie sur le Christ.

Voulons-nous parvenir à la vie éternelle ? Répondre à cette question oriente notre vie soit vers le néant soit vers un monde de béatitudes.

                         
  Abbaye d'Orval (Belgique)  © D.G 

PR 45

45 – Voilà pourquoi nous allons fonder une école du service du Seigneur.

Après avoir énoncé ce qui peut donner sens à la vie (se recentrer sur le Christ), saint Benoît souligne la raison d'être d'une communauté qui a les mêmes valeurs, les mêmes objectifs et souhaite avancer avec des frères en s'aidant mutuellement. Et toute communauté connaît aussi, au-delà de ces points communs, la diversité des personnes. Une école suppose aussi un (ou des) maître(s) d'où l'importance du rôle de l'abbé.

Qui accepterait de partir en mer sur un bateau sans capitaine ?

De même un capitaine ne navigue pas sans carte ni boussole. Pour les moines, la Règle de saint Benoît est un bel outil pour avancer et chacun se considère comme un modeste apprenti.

L'Eglise insiste souvent sur la formation des responsables et animateurs. C'est en effet essentiel pour ne pas s'enfermer dans nos propres convictions et pour se confronter à d'autres expériences et d'autres points de vue. On ne rappellera jamais assez que l'unité de l'Eglise se construit à travers une grande diversité qui est à respecter.

Laissons-nous instruire par les autres, par leurs témoignages. « Ecoute » dit saint Benoît. Veillons sur le bon choix de nos accompagnateurs. On ne peut en effet, aujourd'hui, ignorer les dérives et les désastres dûs à de mauvais maîtres.

Mais notre premier maître est d'abord le Christ.

« Le Seigneur est mon berger
   je ne manque de rien....

   Il me conduit par le juste chemin...
   Même si je marche dans un ravin d'ombre et de mort
   Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi. »

Ps 23                        
                     
                  Abbaye d'Orval (Belgique) - © D.G 

PR 46-47-48

46 - En l’organisant, nous espérons n’y rien établir de rigoureux, ni rien de pesant.

47 -  Pourtant s’il s’y présentait un peu de contrainte, dictée par un juste motif, pour corriger les vices et sauvegarder la charité,

48 - n’allons pas épouvantés, fuir aussitôt le chemin du salut dont l’entrée est forcément étroite ;

 Le terme d’ « école » a souvent été souligné dans les commentaires de la Règle. Il traduit en effet la qualité de celui qui s’engage à la suite du Christ, comme étant un apprenti, tel l’écolier qui, en classe, avec l’aide d’enseignants, va apprendre à écouter, à lire, à comprendre, à respecter, à corriger ses erreurs.

Très respectueux de ses frères, Benoît ne voit pas dans cette école, une méthode trop rude. Même s'il compare parfois sa communauté à une armée, les principes sont tout autre. Le parcours pourra être parfois difficile et même contraignant, mais aussi heureusement parfois gratifiant. On voit les progrès, la joie de découvrir et de grandir. La Règle de saint Benoît est un bon outil éprouvé depuis des siècles. Ceux qui la connaissent bien, aiment cette règle soufflée à Benoît par l’Esprit, mais qui est aussi pour eux un cadre, une sécurité, un appui.

Comme dans toute croissance, soyons patients et persévérants, ne baissons pas trop vite les bras. Nous savons que les chemins les plus beaux ne sont pas les plus faciles. C'est peut-être ce qui en fait leur charme. Pensons aux alpinistes. Les moins aguerris pleurent parfois d'épuisement à quelques mètres du sommet mais ils iront jusqu'en haut !

N'oublions pas, de remettre tout cela entre les mains du Christ. Notre force est en Lui et laissons notre cœur se dilater à l’écoute de la Parole qui peut conduire  et éclairer nos vies.

                  

                              

                                     Abbaye de Tamié (Savoie) 
 © D.G 

PR 49

49 - car avec le progrès de la conduite et de la foi, le cœur se dilate et c’est dans une ineffable douceur d’amour que l’on court sur le chemin des commandements de Dieu

Après avoir évoqué les incontournables efforts nécessaires pour espérer progresser dans la foi et dans nos pratiques, saint Benoît exprime clairement la joie qui en résulte et la douceur qu'on peut éprouver de s'approcher un peu de Dieu . On va effectivement allonger le pas, courir même car on voit plus clair dans sa vie, celle-ci étant de mieux en mieux balisée et orientée.

Les commandements de Dieu évoquent bien sûr la Loi mais que l'amour (Jésus) accomplit. C'est en aimant nos frères que nous portons et découvrons tout à la fois l'amour de Dieu.

Face au désastre causé par le séisme en Turquie et Syrie, les manifestations mondiales de solidarité sont une consolation pour les victimes et pour nous une espérance.

Que la part de l'homme poussé à la guerre et au mal s'amenuise laissant toujours plus de part à la fraternité et au bien. Voilà le grand désir de Dieu, notre Père.

            
  Abbaye cistercienne de SCOURMONT (Belgique) -  © D.G 

PR 50 
50 – 
Ainsi, ne nous écartant jamais de son autorité et persévérant dans son enseignement au monastère jusqu’à la mort, nous participerons par la patience aux souffrances du Christ pour obtenir d’être associés aussi à son règne. Amen.

Nous arrivons au terme de ce prologue où saint Benoît nous propose les pistes essentielles pour avancer dans la foi.
Il est clair que notre chemin sur terre sera jusqu’à notre mort une recherche, une quête de Dieu. Cela demande obéissance à sa volonté, une écoute persévérante et patiente de sa Parole. Notre participation aux souffrances du Christ est bien de vivre au cœur d’un monde constamment déchiré, en guerre, face à la pauvreté, la solitude de tant d’hommes, de femmes, d’enfants. Face à une Eglise en souffrance. Face aussi à notre propre impuissance, à nos infidélités. Nous pouvons un peu comprendre la souffrance du Christ dont le message est si mal reçu. Mais nous pouvons voir aussi quel bonheur et quelle lumière il apporte. Ne baissons pas les bras, ne laissons pas nos cœurs dépérir.

                                            

   

Comme y insiste le pape François, l’Eglise n’est certainement pas un modèle de sainteté mais elle peut être un témoin de la charité, de l’amour aux plus pauvres d’entre nous. Elle peut être un moteur dans la sauvegarde de la création. Même à travers nos faiblesses, elle peut témoigner de sa foi en un Dieu qui aime l’homme et l’invite au vrai bonheur.

 DG

 

 

Mise à jour : Lundi 12 Février 2024, 12:53
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