Règle de saint Benoît - texte et commentaires - ch 54-55-56-57-58-59
Sommaire
- RB 54. Si un moine peut recevoir des lettres ou autre chose
Il n’est pas permis à un moine, sans l’autorisation de l’Abbé, de recevoir ni de ses parents, ni de qui que ce soit, pas même de ses confrères, des lettres, des dons (lit. eulogies : aliments bénits, médailles, reliques ou images qu’on s’offrait, surtout après l’Eucharistie, en témoignage de communion à une même foi), ou de petits cadeaux, et pas plus d’en donner. - RB 55. Les vêtements et les chaussures des frères
- RB 57. Les artisans du monastère
- RB 58. La manière de recevoir les frères
- RB 59. Les fils de nobles ou de pauvres qui sont offerts
RB 54. Si un moine peut recevoir des lettres ou autre chose
Il n’est pas permis à un moine, sans l’autorisation de l’Abbé, de recevoir ni de ses parents, ni de qui que ce soit, pas même de ses confrères, des lettres, des dons (lit. eulogies : aliments bénits, médailles, reliques ou images qu’on s’offrait, surtout après l’Eucharistie, en témoignage de communion à une même foi), ou de petits cadeaux, et pas plus d’en donner.
Si ses parents lui envoient quelque chose, il ne se permettra pas de le recevoir avant que l’Abbé en ait été informé. Si l’Abbé permet qu’on reçoive l’objet, il dépendra de lui de choisir à qui le donner ; et le frère à qui il était envoyé ne s’en attristera pas, de peur de donner prise au diable [ Éph 4, 27 ][ 1 Tm 5, 14 ]. Celui qui oserait en agir autrement sera soumis à la discipline régulière.
On imagine difficilement aujourd'hui de telles exigences et les frustrations que cela peut occasionner tant du coté de celui qui reçoit que de celui qui donne. « Ne rien posséder en propre » fait partie de la Règle. Cela demande un grand dépouillement et au quotidien , un choix de l'essentiel : Dieu et rien d'autre. On relativise de ce fait beaucoup de choses mais au risque aussi de passer à côté de la vie toute simple et de la grâce que sont les petits cadeaux qui font l'amitié.
Il faut sans doute replacer la RB 54 dans le contexte de l'époque et dans la conviction louable de saint Benoît de conduire ses frères exclusivement vers Dieu. Etait-ce inhumain et sans considération pour la psychologie humaine et son équilibre ? Jésus, dans ses relations humaines voyait sans doute les choses plus simplement...
Qu'en tirer pour nos propres vies « mondaines » ? Il faut certainement tendre à se déposséder de beaucoup de choses qui nous encombrent matériellement mais aussi spirituellement. On peut s'attacher parfois à des riens. Posséder peu ouvre à une certaine liberté et à une paix intérieure qui offrent très certainement davantage de disponibilité pour Dieu et pour les autres. Les personnes en fin de vie n'ont plus besoin de grand chose sinon d'aimer et d'être aimées. Non pas tant parce que leur vie s'achève mais parce que l'humilité, la fragilité et notre finitude conduisent à l'essentiel.
« Considérée à la lumière de la Transfiguration, notre vie doit évidemment être marquée d'une grande liberté d'âme et dégagée de tout attachement aux petites choses. Comprenons-le bien : il ne s'agit pas ici de mettre en question l'amour familial ou l'amour fraternel, qui sont bons en eux-mêmes, mais une certaine manière de les vivre qui nous emprisonne. S'il y a une façon de donner et de recevoir qui est expression de la charité vraie, il y en a une autre qui est finalement expression de la recherche de soi : s'attacher à autrui par ses petits cadeaux, se réfugier sous la protection d'autrui en acceptant ses dons. Le risque n'est pas illusoire de manquer de grandeur et de virilité . Demeurons libres de tout et nous aimerons vraiment. » (p.546) *
RB 55. Les vêtements et les chaussures des frères
On donnera aux frères des vêtements en rapport avec les conditions et la température des lieux qu’ils habitent, puisqu’il leur en faut d’avantage dans les régions froides et moins dans les pays chauds. L’Abbé doit prendre ceci en considération. Nous estimons toutefois que, dans les endroits tempérés, une coule et une tunique suffisent pour chaque moine, avec un scapulaire pour le travail .(il s’agit très probablement des même vêtements que portaient les paysans d’alors : la coule était un manteau à large capuchon — cucullus —, la tunique une robe portée communément à Rome et serrée à la taille par une ceinture, tandis que le scapulaire consistait en une longue bande de tissus croisée sur la tunique pour la maintenir près du corps durant le travail manuel) ….
Les moines ne se mettront en peine ni de la couleur ni de la grossièreté de ces divers objets(la couleur noire, distinctive aujourd’hui des moines bénédictins, était considérée à l’époque comme une marque de luxe), mais se contenteront de ce qu’on pourra trouver dans le pays qu’ils habitent, ou se procurer à vil prix...
Quand on en recevra de neufs, on rendra toujours en même temps les vieux qui seront déposés au vestiaire pour les pauvres. ..Tout ce qui serait en plus est superflu et doit être retranché. ...
Comme garniture des lits, il suffira d’une paillasse, d’un drap, d’une couverture et d’un oreiller...
Cependant, l’Abbé doit toujours prendre en considération cette sentence des Actes des Apôtres : On donnait à chacun selon ses besoins.[ Ac 4, 35 ] L’Abbé aura donc égard aux besoins des faibles et non à la mauvaise volonté des envieux. Il se souviendra, en toutes ses décisions, que Dieu lui en tiendra compte.
On peut s'étonner de l'importance de ce chapitre très détaillé par Benoît. Est-ce un point sensible ? Ou simplement que l'apparence peut révéler l'intériorité.
Ce qui est sûr est que les moines ne tireront aucun orgueil de leurs vêtements réduits au minimum et au plus simple. En tout, le moine recherche une grande simplicité et un détachement des choses matérielles. Une autre approche était faite au 12°s., par les bénédictins des lieux de célébrations souvent fastueux tout à l'honneur de Dieu. Ce qui leur fut reproché par saint Bernard er les cisterciens qui adoptèrent des bâtiments beaucoup plus sobres.
Nous pourrions nous aussi faire l'inventaire de nos biens et nous contenter de l'essentiel. Mais comme le précise saint Benoît, « donner à chacun selon ses besoins ». Ce qui évite très certainement trop de frustrations inutiles. Il est important que notre foi s'implique dans tous les recoins de nos vies . « Tout est lié », a rappelé le pape François.
« L'Eglise approuve différentes façons de pratiquer la pauvreté religieuse ; mais le fond est toujours le même. La pauvreté réside au fond du cœur ; c'est pourquoi elle est très difficile. Si nous voulons trouver Dieu, il faut briser tous les obstacles, extraire à tout prix le vice de la propriété. Avoir le coeur libre. » (p.549) *
RB 56. La table de l’Abbé
L’Abbé prendra toujours ses repas avec les hôtes et les pèlerins. Lorsque les hôtes seront moins nombreux, il pourra appeler à sa table ceux des frères qu’il voudra. Il laissera néanmoins toujours avec les frères un ou deux anciens, pour le maintien de la discipline.
Ce chapitre de la RB n'est plus appliqué actuellement, l'astreinte serait trop grande et on peut même s'étonner que ce partage de la table avec l'abbé ait été la norme.
Cependant la représentation de la Cène figure parfois dans les réfectoires et ce n'est pas surprenant. N'est-ce pas le Repas partagé par excellence ? « Tout repas porte la marque de ce rassemblement dans le Christ et avec Lui. » *
Ce qu'on peut souligner aussi, c'est que si l'abbé ne partage qu'exceptionnellement la table des hôtes, ce sont souvent des moines ou moniales qui en assurent le service. C'est un beau témoignage de l'homme serviteur..
Quant à la discipline, il s'agit surtout de garder en tous lieux et dans toute action une certaine façon d'être et de vivre à la ressemblance de notre Maître, Jésus-Christ. Et ce n'est pas réservé à la vie monastique !
RB 57. Les artisans du monastère
S’il y a des artisans dans le monastère, ceux-ci exerceront leur métier en toute humilité, si l’Abbé le permet. Si l’un d’eux venait à s’enorgueillir de ce qu’il sait faire, parce qu’il semble procurer un avantage au monastère, on lui retirera l’exercice de son métier et il ne s’en occupera plus, à moins qu’il ne s’humilie et que l’Abbé ne le lui commande .
Si l’on doit vendre des ouvrages de ces artisans, ceux par les mains desquels ces objets doivent passer se garderont bien de commettre aucune fraude. Ils se souviendront toujours d’Ananie et de Saphire (ce couple, après avoir vendu une propriété pour en faire don à l’Église, décida de conserver — en la dissimulant — une partie de l’argent ; ce qui leur fit perdre la vie en face des Apôtres) [ Ac 5, 1-11 ], de peur que la mort que ceux-ci subirent dans leur corps ne les éprouve dans leur âme, eux et tous ceux qui frauderaient avec les biens du monastère.
On veillera à ce que le mal de l’avarice ne se glisse pas dans les prix. Au contraire, on vendra toujours un peu moins cher que les séculiers, afin qu’en tout Dieu soit glorifié [ 1 P 4, 11 ].
Les moines et moniales qui suivent la Règle de saint Benoît, et en particulier les cisterciens, sont très attachés au travail manuel. Cela leur assure leur subsistance mais surtout cela fait partie de leur équilibre de vie Ora et labora (Prie et travaille). Les visiteurs de monastères apprécient d'ailleurs beaucoup la qualité des produits monastiques.
Mais saint Benoît rappelle à ses frères que ce travail ne doit pas être l'occasion d'orgueil, auquel cas l'abbé demandera à ce moine trop fier de changer de fonction.
Avec le temps, les choses ont heureusement évolué même si l'humilité elle, est toujours de mise. On reconnaît les talents d'un moine ingénieur ou d'une moniale peintre d'icônes, ceux d'un gestionnaire ou d'un hôtelier. Et c'est bon pour tout le monde.
On voit aujourd'hui parmi les hommes et les femmes des reconversions professionnelles spectaculaires afin de vivre vraiment en fonction de ses aptitudes et ses désirs mais aussi en vue d'un mode de vie plus serein ou plus utile.
Nous sentons-nous à notre place là où nous sommes ? Pouvons-nous améliorer nos journées afin qu'elles soient plus équilibrées, porteuses de sens et pourquoi pas plus en harmonie avec l'Evangile ?
" C'est dans l'exercice de son métier que Dieu initie l'homme au mystère de la création active. Aimer son métier, être compétent est donc indispensable. Mais... nous devons être suffisamment détachés des choses pour les respecter au lieu de les exploiter, et de nos activités elles-mêmes afin qu'elles ne deviennent point esclavage... Le travail doit s'exercer en toute humilité... et être au service de la gloire de Dieu." (p.562) *
RB 58. La manière de recevoir les frères
Lorsque quelqu’un se présente pour embrasser la vie religieuse, on ne doit pas facilement lui accorder l’entrée ; mais on fera ce que dit l’Apôtre : Éprouvez les esprits pour voir s’ils sont de Dieu.[ 1 Jn 4, 1 ] Si un nouveau venu persévère à frapper à la porte, et si après quatre ou cinq jours on reconnaît qu’il est patient à supporter les rebuffades et les difficultés mises à son admission, et qu’il persiste dans sa demande, on consentira à le faire entrer et à le loger quelques jours à l’hôtellerie. Ensuite, il passera au logement des novices, où ceux-ci méditent, mangent et dorment (c’est le noviciat : bâtiment ou quartier du monastère dédié à la formation des jeunes moines).
Accueil bien rude de ce jeune , sûrement enthousiaste, qui se sent appelé à la vie monastique. Mais qui le met d'emblée à l'épreuve : obéissance, humilité, renoncement qui sont des valeurs de cette vie, et l'interroge sur ses profondes motivations : tout pour Dieu ? On peut penser aussi qu'aujourd'hui, il y a aussi de la bienveillance de la part des frères et soeurs, même si à l'époque de saint Benoît elle se manifestait plutôt dans la rudesse.
N'est-ce pas ce qui se pratique aussi dans certaines catégories professionnelles comme l'armée où l'aspirant, dans les premiers jours et premiers mois, est testé sur son courage et son endurance ? Ce qui l'attend nécessite obéissance et force de caractère. La Règle compare d'ailleurs la communauté monastique à une armée de combattants.
Combattants, nous le sommes tous plus ou moins face aux épreuves de la vie. Notre foi en Jésus, l'action de l'Esprit-Saint seront notre force dans notre faiblesse, comme le disait saint Paul.
« Les trois critères de saint Benoît ne sont autres que l'imitation de Jésus : Il est venu pour servir. Nous aussi nous sommes venus pour servir jusqu'à ce grand service de notre vie quotidienne. C'est là le grand signe de la vérité de notre effort de conversion. » (p.569) *
On désignera pour lui un ancien qui soit apte à gagner les âmes et qui le surveillera avec le plus grand soin (ce moine « doté d’esprit » porte communément le nom de maître des novices). Il examinera avec sollicitude s’il cherche vraiment Dieu, s’il est attentif à l’Œuvre de Dieu, à l’obéissance et aux humiliations. On lui fera connaître toutes les choses dures et âpres par lesquelles on va à Dieu.
Le parcours d'un homme qu'on qualifie de novice, qu'il soit moine ou pas, est généralement un temps d'épreuve, d'apprentissage, d'obéissance aux anciens. Mais les qualités exigées de ceux-ci doivent être aussi à la hauteur de cette tâche d'accompagnement. Il y a eu bien des dérives et abus de pouvoir.
Si nous est confiée une telle mission, petite ou grande, veillons à être à l'écoute, bienveillant, pédagogue, fraternel, humble aussi. Le « novice » a lui aussi ses qualités et particularités qui doivent être respectées.
Vivre parmi les hommes n'est pas chose facile mais la recherche de Dieu ne l'est pas non plus.
C'est bien connu : on aura besoin de frères pour nous aider et nous relever.
« Tant de choses tendent à faire obstacle à la vie de Dieu en nous. Nous avons à lutter ; et quand nous lutterions toute notre vie, cela ne servirait de rien si Dieu, dans sa tendresse, n'était pas toujours Celui qui nous aime le premier. Croire à l'amour premier de Dieu. Alors, confiants en la grâce de Dieu qui accomplit tout en nous, nous pouvons aller de l'avant. » (p.570) *
S’il promet de persévérer dans sa stabilité, après deux mois, on lui lira cette Règle en entier, puis on lui dira : Voici la loi sous laquelle tu veux combattre. Si tu peux l’observer, entre ; mais si tu ne le peux pas, tu es libre de te retirer. S’il persiste, on le reconduira au noviciat, et l’on continuera de l’éprouver en toute patience.
Comme nous le voyons depuis plusieurs semaines , la Règle de saint Benoît est le code de vie du moine /moniale. Le (la) novice doit en prendre connaissance avec soin et accepter d'y obéir. Pas d'illusion : ce sera bien un combat , mais un combat dans la liberté .
Quand nous nous engageons dans le mariage ou une association, nous le faisons aussi librement tout en sachant qu'il y aura des contraintes, des épreuves, des joies bien sûr et que cela en vaut la peine. On a confiance et on sait aussi que Dieu est avec nous.
« Ce qui dépasse les forces humaines devient possible pour celui qui a mis en Dieu et dans le Christ Jésus son espérance...(p.573)... Vivre profondément sa vie chrétienne, c'est avoir ce Jugement de Dieu présent, non pas comme un spectre qui effraie et paralyse, mais comme une Présence qui sans cesse sollicite et donne ce qu'elle promet. » (p.576) *
Dans cette démarche d'espérance et de persévérance dans la foi, voici une prière de l'abbé Pierre :
(Cette prière a été mise sur ce site avant les récentes révélations sur "la face cachée de l'abbé Pierre". Des erreurs graves, il y en a eu sans doute, c'est à la justice de faire son oeuvre. Mais ne noircissons pas un homme au-delà de sa réalité et n'oublions pas tout le bien qu'il a fait).
Je continuerai à croire, même si tout le monde perd espoir. Je continuerai à aimer, même si les autres distillent la haine. Je continuerai à construire, même si les autres détruisent.
Je continuerai à parler de paix, même au milieu d’une guerre. Je continuerai à illuminer, même au milieu de l’obscurité.
Je continuerai à semer, même si les autres piétinent la récolte. Et je continuerai à crier, même si les autres se taisent.
Et je dessinerai des sourires sur des visages en larmes.
Et j’apporterai le soulagement, quand on verra la douleur.
Et j’offrirai des motifs de joie là où il n’y a que tristesse. J’inviterai à marcher celui qui a décidé de s’arrêter…
Et je tendrai les bras à ceux qui se sentent épuisés.
Au bout de six mois, on lui lira encore la Règle, afin qu’il sache bien à quoi il s’engage. S’il persévère, après quatre autres mois, on lui lira à nouveau cette même Règle. Et si après mûre délibération, il promet de la garder en tous points et d’observer tout ce qui y est commandé, alors il sera reçu dans la communauté ; mais qu’il sache aussi qu’en vertu de la loi portée par la Règle il ne lui sera plus permis de quitter le monastère à partir de ce jour, ni de secouer le joug de cette Règle, qu’après une aussi longue délibération il était à même de refuser ou d’accepter.
On ne peut être plus clair sur le processus de choix d'un engagement. Etre bien informé. Prendre son temps avant de s'engager. S'estimer capable d'observer en tous points les conditions de l'engagement et se sentir vraiment libre de choisir.
L'engagement dans le mariage ou en religion, celui d'assurer une responsabilité dans un groupe ou de donner naissance à un enfant, tenir une simple promesse requièrent les mêmes conditions. Faire ce qu'on a promis et tenir dans la durée.
La persévérance et l'espérance dans la foi sont une adhésion totale au Christ, consciente, réfléchie et libre. Humble aussi car tout vient de Dieu.
« Savoir donner son temps pour accueillir et écouter... Donner son temps, c'est accueillir le programme de Dieu à la place du nôtre. » (p.578)*
Avant d’être reçu, il promettra devant tous, dans l’oratoire, stabilité, vie religieuse et obéissance, en présence de Dieu et de ses Saints(ce sont les vœux monastiques : la stabilité se rapporte à une communauté et à un lieu, qui lie pour la vie — sauf cas exceptionnel — un moine à un monastère particulier ; et la vie religieuse désigne une conversion aux mœurs du moine et à son mode de vie particulier) ; afin que si un jour il faisait autrement, il serait condamné par Celui dont il se serait joué.
Une promesse, un engagement ne concerne pas que nous-même. On s'engage généralement devant une ou des autres personnes qui comptent sur nous, vis-à-vis d'un projet commun en faveur duquel on prend une responsabilité. Dans le cas des moines et moniales, l'engagement se fait dans une communauté et surtout devant Dieu.
La part que nous prenons dans la vie de notre famille, notre communauté, notre Eglise ou le monde peut sembler dérisoire, mais dans un équilibre chacun a sa part souvent plus qu'il ne le pense.
.Il fera de cette promesse une charte au nom des Saints dont les reliques sont en ce lieu (cette demande écrite — ou pétition — est présentée par le moine à la communauté lors d’une cérémonie de profession monastique), et de l’Abbé présent. Il écrira cette charte de sa propre main ; ou s’il est illettré, un autre prié par lui l’écrira. Le novice lui-même la signera, puis il la placera de sa propre main sur l’autel. Lorsqu’il l’y aura déposée, il entonnera aussitôt ce verset : Reçois-moi, Seigneur, selon ta parole, et je vivrai ; et ne me confonds pas dans mon attente[ Ps 118, 116 ]. Toute la communauté répétera trois fois ce verset, en y ajoutant le Gloria. Le frère novice se prosternera ensuite aux pieds de chacun des frères, leur demandant de prier pour lui. À dater de ce jour, on le tiendra pour membre de la communauté.
La promesse est faite, l'acte est signé au vu de tous, comme certains contrats en entreprise , entre époux ou entre pays. C'est écrit et incontestable. On ne peut pas dire que les choses sont prises à la légère ! Mais le moine a malgré tout bien besoin de l'appui et de la prière de ses frères . Comme une construction solide, c'est un ciment qui les lie. On sait combien une fissure dans un mur est inquiétante pour la maison toute entière.
Nous sommes le Corps du Christ. Alors soyons conscients que le moindre petit élément de ce Corps que je suis a son rôle à jouer dans la vie de l'Eglise. Nous sommes solidaires.
« Nous ne sommes pas juxtaposés au hasard mais réunis par un dessein providentiel de Dieu et la mesure de notre correspondance à ce dessein de Dieu par une vie de charité fraternelle sans ombres est la mesure de notre union authentique à Dieu. » (p.580)*
S’il possède quelques biens, il devra préalablement ou les distribuer aux pauvres, ou les conférer par une donation solennelle au monastère, sans rien se réserver du tout ; car il sait, dès cet instant, ne plus même pouvoir disposer de son propre corps.
Le moine pousse à l'extrême l'idée de dépouillement et de pauvreté pour ne dépendre que de Dieu.
C'est son choix comme dans le mariage on s'engage à une union pour toute la vie et à être solidaires l'un de l'autre quoiqu'il arrive. Les nombreux divorces montrent combien ce n'est pas un engagement facile. Mais la facilité n'est pas la compagne de l'enthousiasme, de la persévérance et de la joie.
On le dépouillera donc immédiatement, dans l’oratoire, des habits personnels dont il était vêtu, et on le revêtira d’habits appartenant au monastère (il n’y avait donc de changement d’habit qu’à la profession ; de là vient que celui-ci fut longtemps considéré comme le symbole même de cet engagement : l’habit fait le moine). Les vêtements qu’il aura quittés seront déposés au vestiaire, pour y être conservés, afin que, si un jour, à l’instigation du diable, il se décidait — pourvu que non ! — à sortir du monastère, on puisse alors lui ôter les habits du monastère, et le chasser. On ne lui rendra pas néanmoins sa charte que l’Abbé a prise jadis sur l’autel, mais on la gardera dans le monastère.
Les moines/moniales sont généralement très attachés à leur habit monastique. Ce vêtement reçu lors de leur profession est le signe de leur engagement, de leur particularité ; chaque élément de l'habit étant lui-même porteur de symbole.
Le militaire qui quitte l'armée rend son arme, le moine qui quitte son monastère rend son habit.
« Chercher Dieu. Nous ne le connaissons pas encore assez. Connaître Dieu, ne pas nous lasser de Le chercher, de le mettre au plus intime de nos journées. » (p.581) *
Abbaye de Fonfroide © D.G
RB 59. Les fils de nobles ou de pauvres qui sont offerts
Lorsque quelqu’un de noble veut offrir son fils à Dieu dans le monastère, si l’enfant est en bas âge, ses parents feront eux-mêmes la demande écrite dont nous avons parlé (RB 58 ). Ils envelopperont cette charte et la main de l’enfant, avec l’oblation (l’offrande du pain et du vin faite lors de l’Eucharistie), dans la nappe de l’autel, et ils l’offriront ainsi.
Quant à leurs biens, ils promettront sous serment, dans la charte qu’ils présentent, de ne jamais rien lui en donner, et de ne lui fournir aucun moyen d’y avoir part, ni par eux-mêmes, ni par une personne interposée, ni d’aucune autre manière ; ou bien, s’ils ne veulent pas agir ainsi, et qu’ils veuillent cependant offrir quelque chose en aumône au monastère pour leur mérite, ils en feront don à la communauté, s’en réservant l’usufruit s’il leur plaît. Par ce moyen, on fermera toute issue, si bien qu’il ne restera plus à l’enfant rien à en attendre, ce qui ne servirait — pourvu que non ! — qu’à le tromper et à le perdre, ainsi que nous l’avons appris par expérience.
Ceux qui sont plus pauvres agiront de la même manière. Quant à ceux qui n’ont rien du tout, ils feront simplement leur charte et offriront leur fils, avec l’oblation, en présence de témoins.
On peut retenir un mot important : offrir. C'est un cadeau à quelqu'un qu'on aime. On peut évidemment être choqué par les usages à l'époque de Benoît. Donner un fils au monastère pouvait être un bien comme un mal pour l'enfant ou une démarche intéressée pour les parents. Il n'y a pas si longtemps , des jeunes entraient au séminaire afin de leur permettre une scolarité et un avenir qu'ils ne pouvaient espérer autrement étant donnés leurs moyens.
Mais ce sur quoi saint Benoît insiste, c'est sur un don sans réserve.
Donnons sans arrière-pensée, sans calcul . Dieu lui-même s'est donné à nous.
« Nous avons chaque jour à lâcher...notre esprit de propriété, notre volonté tenace de demeurer ce que nous voulons être, au lieu d'accepter d'accepter d'être ce que nous sommes véritablement dans la pensée de Dieu, libres de la même liberté dont Lui-même nous aime. Puissions-nous entrer dans cette liberté des enfants de Dieu, à l'exemple de Marie, celle qui a accueilli sans réserve la grâce divine. » (p.586)*
Abbaye de Sept-Fons (Allier)
* Cf. Texte et commentaires de la Règle dans « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023 Traduit en français par Germain Morin de l’abbaye de Maredsous1944 - Révisé sur la traduction de Philibert Schmitz de la même abbaye , 202
Mise à jour : Mardi 30 Juillet 2024, 12:57
Denyse
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