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Saint BERNARD - Face à la mort

 

A l'école de SAINT BERNARD -  FACE à la MORT

                      
                      
 Saint Bernard © D.G
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 - St Bernard de Clairvaux - Sermon 26 sur le Cantique des cantiques.

 - En cf. à un article de Sr Elise-Mariette Langelier, moniale cistercienne à l'abbaye d'Echourgnac
  Revue de spiritualité monastique « Collectanea Cisterciensia », 2021- 4

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 Quand nous pensons à la mort (si nous l'envisageons), nos sentiments sont très mêlés. Mort d'un proche ou notre propre mort. Certains l'ignorent, d'autres en ont peur, d'autres encore de spiritualité chrétienne qui croient en la vie éternelle et à la résurrection tentent de l'appréhender de façon plus paisible et même comme un bonheur attendu. Que faut-il en penser ? Que transmettre à une assemblée rassemblée pour des funérailles ?

 A partir du vécu de saint Bernard (1090-1153) et de ses réflexions sur la mort (sermon 26 sur le Cantique des cantiques), nous allons essayer de baliser ce chemin, ce passage et cette espérance.

Ce sermon est en effet un réel partage d'une expérience intime et douloureuse mais aussi celui d'une pensée construite et qui se veut exemplaire.

 Bernard est abbé de la célèbre abbaye de Clairvaux dans l'Aube. Parmi les nombreux moines qui y vivent, se trouve Gérard, frère de Bernard. Or, Gérard meurt à Clairvaux en 1139 et terriblement touché par la perte de son frère, Bernard va écrire un sermon inoubliable qui traduit, d'une façon qui pourrait sembler paradoxale, sa douleur et sa joie.

On peut imaginer qu'à cette époque médiévale, la mort d'un proche était ressentie comme de nos jours, sinon que la foi de l'époque et l'admiration pour les saints soutenaient peut-être davantage les personnes éprouvées.

 Pour Bernard, le temps de la vie sur terre est un temps d'exil, de presque ténèbres car l'homme est loin de Dieu qu'il ne peut voir face à face et il le cherche avec peine. « Que mon exil est long ! » dit Bernard. Notre temps sur terre est un rude labeur et la vision que nous pouvons avoir de Dieu reste voilée. La mort va être une délivrance, en particulier d'un « corps fragile et pesant ».

Bernard , nourri de l'Ancien Testament, compare le corps à une tente de nomade qui protège l'âme mais l'empêche aussi de voir la lumière. Habitation et abri précaires mais qui évoquent aussi le tabernacle, « tente admirable dressée pour Dieu » (Sermon sur Job 5).

Bernard, dont la santé est particulièrement fragile, en mesure toute la précarité et cela l'aide peut-être à envisager la mort comme un soulagement. Mais pour lui, ce qu'il ressent en son corps, traduit une autre réalité. Il apprend par sa maladie et par la mort de son frère, à mettre sa douleur à distance et à se tourner vers la lumière de Dieu. Gérard en fait ne le quitte pas mais le précède.

«  Dieu veuille que je ne t'aie pas perdu, mais plutôt envoyé devant moi ! »

 Les Béatitudes souvent choisies comme lecture par les familles en deuil traduisent cette joie et cette espérance au cœur de la peine. IL y a, il me semble, u ne sorte de choix instinctif vers une consolation même chez des personnes disant leur incroyance ou du moins leurs doutes. Nos morts seraient-ils nos éclaireurs ?

 La mort, selon Bernard, nous fait enfin quitter l'exil et revenir dans notre patrie d'origine comme on revient, ému, dans le lieu de son enfance, de sa naissance. Bernard nous encourage, et s'encourage lui-même dans l'adversité, à une mort joyeuse. « Je veux voir Dieu » intitulait un de ses livres le père carme Marie-Eugène. Voir Dieu est le but ultime des religieux et, normalement, du chrétien.

 Bernard dans un premier temps se désole de la perte de son frère bien-aimé : perte dans son affection mais aussi dans sa collaboration au sein du monastère. Il témoigne de sa douleur qu'il ne nie pas et « qui lui dévore les entrailles ». « Tu m'as abandonné ! »

 Quelle est donc notre peine ? Celle pour ce défunt qui part vers un autre monde encore insaisissable, ou la nôtre face à l'abandon, le manque soudain qu'il va falloir reconvertir en une autre présence ?

 Bernard pleure. Jésus lui aussi a pleuré à la mort de son ami Lazare. Et cela rassure Bernard. Les larmes sont un bien d'ailleurs valorisé par les Pères de l'Eglise, signes d'amour, d'affection, de compassion. Mais elles ne sont en rien en opposition avec la joie espérée au-delà de la mort.

 Le dilemme de Bernard abbé, donc guide de ses frères, est de ne pas trop manifester sa peine qui pourrait passer pour de la faiblesse.

 On connaît l'expression dans nos familles : « Un garçon, çà ne pleure pas ». Et on peut remarquer aussi que lors de funérailles, les larmes viennent davantage aux yeux des plus jeunes et beaucoup moins à ceux des adultes.

 De même, un moine de par sa foi, se doit d'être serein. D'ailleurs à l'enterrement de son frère, Bernard ne pleurera pas... alors que les autres pleurent. Il s'est « toujours imposé de ne pas donner libre cours au flot des larmes, malgré la violence de [son] trouble et de [son] chagrin ».

Bernard, grand saint s'il en est, reconnaît que sa souffrance est bien là, malgré son espérance. Il la justifie et ne veut pas qu'on la lui reproche. Mais il évoque aussi une certaine « mesure », qualité encouragée à tous niveaux, par saint Benoît. On doit rester maître de sa peine afin de la dépasser pour un plus grand bien. Les cisterciens aiment ce qui est ordonné, maîtrisé.

 J'ai souvent été frappée voir dérangée, notamment lors de cérémonies religieuses, de l'impassibilité monastique comme si les moines étaient déjà dans un autre monde. Cela rejoint sans doute l'idée de clôture, même si aujourd'hui, elle est devenue très relative. Mais j'aime aussi voir les larmes des familles en deuil qui témoignent d'un amour, d'une affection. 

 Il est clair que Bernard souffre de la séparation mais il s'en veut aussi de ne pas être tout à la joie de savoir que Gérard est entré dans la joie et la paix. Il va même plus loin : il envie le sort de son frère et trouve Gérard désormais bien plus vivant que lui ! « C'est sur moi que je pleure … me voici seul à rester. »

 Pourquoi ne pas le dire ? « Que serai-je sans toi ? » chante Jean Ferrat. Le couple amputé d'un conjoint connaît effectivement une sorte de mort qui peut même être parfois fatale à l'autre.

 Toujours selon saint Bernard, mais c'est aussi la foi de l'Eglise, à la mort, l'âme se sépare du corps mais va renaître (ressusciter) en présence de Dieu en attendant la résurrection des corps. On comprend mieux le lien à faire avec la mort et la résurrection de Jésus.

 Dans ce sermon 26, Bernard souligne donc cet enjeu : défiance ou confiance ? Les pleurs sont-ils absence de foi, signe de doute voire d'incroyance ? Le peuple d'Israël lui aussi a murmuré dans le désert face à la famine, la chaleur et l'apparente absence de Dieu...

 J'ai souvent entendu aussi cette plainte : « Comment Dieu peut-il permettre une chose pareille ? »  (décès d'un enfant par exemple)

 Ce sermon magnifique de saint Bernard , écrit dans la douleur de la perte de son frère, peut nous réconcilier avec une souffrance et des larmes bien légitimes. Mais il nous invite à nous tourner aussi vers le désir de voir Dieu et de vivre en Lui pour celui qui nous quitte et aussi pour nous-même dans un avenir plus ou moins proche. L'expérience du deuil est une expérience d'amour.

 DG

02.2022

Denyse dans 05 - Saint BERNARD de CLAIRVAUX - Face à la mort - Le traité de l'amour de Dieu- La grâce et le libre arbitre - Lu 427 fois - Version imprimable
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