Une journée dans une vie, une vie dans une journée
Une Journée dans une vie, une vie dans une journée
Des ascètes et des moines aujourd’hui
Sous la direction de Adeline HERROU
Puf, 2019 – 435 p.
Adeline Herrou est ethnologue et sinologue, chercheur au CNRS, rattachée au Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative. Elle est spécialiste de la société chinoise actuelle.
Il s’agit d’un ouvrage collectif consacré à la vie ascétique et monacale à travers le monde. Des ethnologues décrivent les pratiques et les préoccupations d'hommes et de femmes vivant des expériences religieuses hors du commun pour atteindre des degrés de connaissance du sacré supérieurs : lama de l'Himalaya, moine Shao Lin, carmélite française, bouddhiste ou encore ascète du Bengale.
Le titre, un peu banal, devient explicite à la lecture de ce livre. L’auteur(e), diffèrent pour chaque chapitre, a eu la particularité de vivre plusieurs jours, voire davantage, en immersion complète dans un monastère dont il nous relate dans les moindres détails le déroulement d’une journée : le cadre, les rites, les rencontres mais aussi les motivations de ces vies extrêmes.
Dans une journée bien remplie, les activités sont multiples, à la mesure de chacun. Et comme dans bien des vies monastiques, les jours reviennent identiques avec une certaine monotonie. Mais c’est la vie spirituelle, moins visible, qui évolue surtout, confrontée aux doutes, aux joies et tendue vers son dieu qui est tout pour elle.
Les ethnologues s’intéressent en particulier à des monastères d’Extrême-Orient dont le mode de vie peut nous être déconcertant mais dont les valeurs essentielles sont assez communes finalement avec celles de nos monastères occidentaux : vocation, temps de probation, prière intense, travail, vie fraternelle mais aussi accueil de laïcs ou de simples touristes. Des notes en bas de page, toujours intéressantes, nous aident à mieux comprendre l’esprit des lieux et des gens ou nous oriente vers une bibliographie complémentaire.
Le dépaysement est là et rend ce livre particulièrement attrayant, faisant découvrir de près des rites peu connus. Le texte se veut descriptif et tout à fait objectif mais non pas technique et froid. Avec l’auteur, le lecteur observe ce qui se passe et participe à sa façon à de belles rencontres.
DG
Extraits
- Sathou Niaï Khamchane (Laos) par Catherine Choron-Baix - p.111 et sv.
“ Informé de nos intentions, le vénérable nous donne toutes les facilités du tournage au sein de son monastère, à l’abri des regards, très conscient des enjeux de notre entreprise : il s’agit pour nous de recueillir les images des savoirs et savoir-faire attachés aux anciens arts de cour aujourd’hui en perdition, question qui le préoccupe depuis toujours et qu’il sait être très sensible dans le nouveau contexte politique…
Ascète lettré, respectueux du dhamma (enseignement du Bouddha), et des règles monastiques, il multiplie les interventions au profit de la collectivité, partageant son temps entre sa voie personnelle de salut et ses missions auprès des laïcs… Chaque jour à l’aube, lorsque retentit le tambour de la pagode, signal de lever pour les habitants du quartier, il procède à ses ablutions puis accomplit l’office matinal dans le sanctuaire de vat Saen Sukharam. Il prend ensuite la tête de la procession qui arpente les rues alentour pour la quête de nourriture journalière des moines, avant de s’adonner à l’étude de textes et à la méditation jusqu’au dernier repas des religieux pour la journée, avant midi. »
- Mahadevnath (Népal) par Véronique Bouillier – p.199 et sv.
« Il est minuit et la journée va commencer. Déjà résonnent les premiers battements de tambour… grosses timbales aux caisses en laiton et en poterie, dont les vibrations sourdes et puissantes rythment la vie rituelle du monastère… Mahadevnath, le pir, puisque c’est ainsi qu’on appelle le chef du monastère, se lève … Il ajuste ses vêtements… s’incline brièvement devant les statues des divinités et descend le petit escalier pour rejoindre le jardin… Il lui faut avant de commencer sa journée, avant tout hommage aux dieux, se laver, purifier son corps. Ce bain est particulièrement complexe et élaboré et suppose différentes onctions du corps toutes accompagnées de mantra ou formules consacrées spécifiques… »
- Le quotidien d’une bouddhiste sud-coréenne , par Florence Galmiche – p.337 et sv.
« Dans un coin de la salle, à côté de l’autel, une jeune laïque dispose un tapis de prière ainsi qu’un livre énumérant les dix mille noms du Bouddha. Elle s’engage dans une série de prosternations : mains jointes, elle s’agenouille, pose ses deux mains, puis son front à terre, retourne ses paumes vers le haut puis, joignant à nouveau les mains, se relève rapidement avant de recommencer, sur un rythme régulier. La veille, elle a déjà accompli mille prosternations et il lui en reste encore deux milles à réaliser : elle envisage de devenir moniale et avant de prendre une décision ferme, elle est venue prier intensivement au monastère. »
Denyse
dans 01 - LIVRES - REVUES - Résumés, extraits...2016-2024
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