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Règle de saint Benoît ch. 62-63-64


REGLE de SAINT BENOÎT - Texte et commentaires

RB Prologue et ch. 1 à 61 : voir archives - rubrique 08

RB 62 - Les prêtres du monastère

Si l’Abbé désire faire ordonner un prêtre ou un diacre pour son monastère, il choisira parmi les siens quelqu’un qui soit digne des fonctions sacerdotales[ Si 45, 15-17 ]. Celui qui aura été ordonné se gardera de l’exaltation et l’orgueil, n’entreprendra rien sans ordre de l’Abbé, se sachant dès lors bien plus assujetti à la discipline régulière. Il ne prendra pas prétexte de son sacerdoce pour oublier l’obéissance à la Règle et sa discipline, mais se bonifiera de plus en plus en Dieu.

Si on transpose cette situation spécialement monastique à la vie « ordinaire », on peut retenir de ce que dit saint Benoît le fait que si quelqu'un reçoit une promotion ou une place plus valorisante, cela ne justifie pas qu'il en tire orgueil. Ayant davantage de responsabilité, il devra être exemplaire pour les personnes qui l'entourent, comme un père ou une mère de famille doivent l'être pour leurs enfants. Cela semble évident mais pas toujours simple à mettre en œuvre. On sait combien le pouvoir peut transformer un homme ou une femme.

« Se bonifier de plus en plus en Dieu » : voilà l'objectif du chrétien pour l'amour de Dieu, pour son bien propre et bien sûr pour ceux qui l'entourent. Une façon aussi de témoigner de l'Esprit qui l'anime.

                      
                    
 
" Il faut reconnaître la variété des appels de Dieu, de ses conduites sur chacun d'entre nous... Il faut respecter silencieusement la vocation que Dieu donne à chacun, et poursuivre avec persévérance la nôtre propre...
Essayons, dans la foi, de nous réveiller dans l'amour que Jésus nous porte et qui nous pénètre à l'intime avec une tendresse indicible. Quelle place restera-t-il alors pour l'orgueil ?
" (p.602-603) *

 

Quant au rang, il gardera toujours celui de son entrée au monastère, sauf lorsqu’il officie à l’autel, et si le choix de la communauté et la volonté de l’Abbé lui assignent une place plus élevée, à cause du mérite de sa vie. Même dans ce cas, il saura qu’il lui faut suivre la règle établie pour les doyens et les autres officiers. S’il refusait de s’y soumettre, qu’il soit considéré non comme prêtre, mais comme rebelle. Et si, après avoir été souvent réprimandé, il ne se corrige pas, on aura recours au témoignage de l’évêque. S’il ne s’amende pas encore par ce moyen, ses fautes devenant manifestes, on le chassera du monastère, au cas toutefois où son obstination soit telle qu’il ait refusé de se soumettre et d’obéir à la Règle.

Saint Benoît cherche à conduire ses moines sur le chemin de la perfection qui ne se satisfait pas de la médiocrité. Il a le souci d'apprécier leurs mérites comme, si nécessaire, de les réprimander ou de les chasser. Peut-être s'inspire-t-il ici en particulier de l'attitude de Jésus en colère, chassant les marchands du temple qui n'est pas un lieu de commerce mais de prière.

Ce passage de la Règle nous invite à toujours plus de rigueur mais aussi de justice dans nos façons d'être et de faire.

«  Quels sont les points les plus difficiles de notre vie ? … C'est surtout la persévérance dans un effort constant pour entrer en Dieu toujours davantage. Un régime de vie humaine est toujours soumis à un idéal plus élevé et vivre cette tension est difficile. Nous serons continuellement tentés, parfois pour des raisons très bonnes, d'écarter, d'oublier cet idéal, qui est Dieu lui-même. Cet appel de Dieu peut revêtir concrètement des formes variées. Il suffit d'être attentifs, de nourrir ce désir, de nous aider mutuellement... » (p.605) *

RB 63. Le rang à garder dans la communauté

Les frères garderont leur rang dans le monastère selon la date de leur entrée en religion, ou selon le mérite de leur vie et la décision de l’Abbé. Celui-ci néanmoins ne troublera pas le troupeau qui lui est confié, ni ne prendra de décision injuste, comme s’il exerçait un pouvoir arbitraire ; mais il songera sans cesse au compte qu’il devra rendre à Dieu de toutes ses décisions et de tous ses actes.

Il faut se rappeler que les communautés à l'époque de saint Benoît étaient plus nombreuses et variée ; il y avait même des enfants.

Chacun sa place donc, fonction tout simplement de sa date d'entrée , exception faite du rang particulier suite à nomination comme prieur par exemple. Pas d'abus de pouvoir chez l'abbé ni d'orgueil suivant la place occupée. Chacun, comme nous tous, est sous le regard de Dieu qu'on ne peut tromper. Ce fonctionnement, plutôt objectif, doit être source de paix.

Tout groupe, religieux ou non, connaît des pressions, des abus de faveur et de privilège. Nous avons à y prendre garde non seulement pour les perturbations que cela peut occasionner mais pour une question de justice et surtout, si là est notre référence, aux yeux de Dieu à qui nous avons promis fidélité.

Dans nos choix, nos décisions, prenons le temps de nous laisser éclairer par la Parole de Dieu et l'Esprit-Saint.

« Forts et faibles, anciens et plus jeunes, forment un édifice vivant qui se tient solidement. A condition toutefois qu'il n'y ait pas seulement juxtaposition, mais union de tous dans la charité... Recevons avec joie cette invitation à sortir de nos petites histoires humaines pour nous placer sur le plan de Dieu. » (p.607.609) 

             
             
Arche de Noé . Chacun sa place !

Les plus jeunes honoreront donc leurs aînés, et les anciens auront de l’affection pour leurs cadets. ...

L’Abbé étant regardé comme tenant la place du Christ, on l’appellera Seigneur (lit. Dominus : équivalent du français  Monsieur , et attribué aux religieux sous sa forme diminutive  Dom ) et Abbé, non par prétention personnelle, mais par honneur et amour du Christ. Qu’il y réfléchisse donc et se rende digne d’un tel honneur....

Saint Benoît développe et précise les relations entre frères, du plus jeune au plus âgé et toujours dans le respect mutuel insistant encore sur la place de chacun toujours en lien avec leur amour du Christ.

«  Ne vivons pas en individus juxtaposés, mais développons la communion entre nous. Ne sommes-nous pas le Corps du Christ ? (p.619)*

RB 64 - L’institution de l’Abbé

Ce chapitre de la RB est important pour les communautés monastiques car l'Abbé est réellement le père qui soutient, accompagne, oriente l'ensemble des frères. Son choix est donc important car c'est lui qui représente le Christ, c'est lui à qui on obéit et qu'on respecte au plus haut point.

' Il aura été élu d’un commun accord, selon la crainte de Dieu, par toute la communauté … Pour l’établir, on aura égard au mérite de la vie et à la sagesse de la doctrine,...

L’Abbé, une fois établi, pensera sans cesse au fardeau qu’il a reçu, et à celui auquel il devra rendre compte de son administration. Qu’il sache bien qu’il lui faut plutôt songer à être utile qu’à être le maître. Il doit donc être docte dans la loi divine,... Qu’il soit chaste, sobre, miséricordieux ; qu’il fasse toujours prévaloir la miséricorde sur la justice, afin d’obtenir pour lui-même un traitement semblable. Qu’il haïsse les vices, mais qu’il aime les frères...

Qu’il agisse avec prudence et sans excès, de crainte qu’en voulant trop racler la rouille le vase ne se brise. Qu’il ait constamment devant les yeux sa propre fragilité et qu’il se souvienne qu’il ne faut pas briser le roseau fléchi[ Is 42, 3 ]...Qu’il s’efforce à se faire aimer plutôt qu’à se faire craindre...

Qu’il ne soit ni turbulent, ni inquiet ; qu’il ne soit ni excessif, ni opiniâtre ; qu’il ne soit ni jaloux, ni trop soupçonneux ; autrement, il n’aura jamais de repos.

Qu’il soit prévoyant et circonspect dans ses commandements ; et, qu’il s’agisse d’œuvrer aux choses de Dieu comme à celles du monde, qu’il use de discernement et de modération, se rappelant la discrétion du saint patriarche Jacob, qui disait :  Si je fatigue mes troupeaux en les faisant trop marcher, ils périront tous en un jour.[ Gn 33, 13 ] ...

Qu’il tempère tellement toutes choses que les forts désirent faire davantage et que les faibles ne se dérobent pas." *

Sont donc énumérées ici les qualités que devraient avoir un chef, un père, un patron d'entreprise, un curé, un évêque, un maire, un président de la République, un responsable d'équipe … et chacun de nous dans nos relations avec nos frères et sœurs. De quoi méditer.

                          

 

RB 65 - Le prieur du monastère

Il arrive assez souvent que l'établissement du prieur occasionne de graves scandales dans les monastères. C’est ce qui arrive lorsque quelques-uns, enflés d’un méchant esprit d’orgueil, et s’imaginant être de seconds Abbés, s’arrogent un pouvoir tyrannique, entretiennent des scandales et causent des dissensions dans la communauté. Cela se produit surtout dans ces lieux où le prieur est établi par le même évêque ou par les mêmes Abbés qui ont institué l’Abbé...

De là surgissent des jalousies, des conflits, des détractions, des rivalités, des dissensions, des désordres : car, lorsque l’Abbé et le prieur sont ainsi divisés de sentiment, il est impossible que leurs âmes ne se trouvent pas en péril d’une telle discorde. De même, ceux qui sont sous leur conduite, prenant parti pour l’un ou pour l’autre, vont à leur perte. De ce péril sont responsables au premier chef ceux qui se sont faits les auteurs d’un pareil dérèglement.

La position d'un second n'est pas toujours facile et il est évidemment souhaitable que l' accord soit bon entre celui qui est à la tête et son second (prieur, premier ministre, adjoint...). Même si la responsabilité peut être grande, l'humilité reste une valeur sûre. Vigilance, discernement et se souvenir qu'on est serviteur. Le Christ se voyait comme tel, très peu soucieux de lui-même et toujours tourné vers l'autre. C'est le meilleur chemin.

«  Pages très humaines, qui nous rappellent que nous sommes des pécheurs...Nous demeurons tous des hommes très fragiles. Jésus a connu ces passions très humaines autour de lui, orgueil, jalousie qui lui ont fermé le cœur des Pharisiens. Nous avons beaucoup à faire pour purifier, apaiser notre cœur. Et même si nous avons un tempérament paisible, ce n'est pas forcément la paix de l'Evangile. Nous avons beaucoup à apprendre pour devenir de vrais serviteurs de Jésus, des fils de Dieu. Nous constatons aussi la puissance de la grâce dans notre cœur, à certaines heures : une grande liberté d'âme. Autant de raisons de nous confier à la grâce de Dieu. » (p.632)*

   
croix arménienne

C’est pourquoi nous avons constaté qu’il est avantageux, pour conserver la paix et la charité, que l’Abbé soit l’unique arbitre de la façon de gouverner son monastère. Et si faire se peut, comme nous l’avons déjà établi, que tout le service du monastère soit assuré par des doyens, selon que l’Abbé l’aura disposé : la charge étant ainsi partagée entre plusieurs, un seul n’aura pas à s’enorgueillir.

Que si, cependant, le lieu le requiert, ou si la communauté le demande pour de bonnes raisons et avec humilité, et que l’Abbé juge à propos, il choisira qui il voudra après avoir pris conseil des frères craignant Dieu, et l’établira lui-même pour prieur.

Un chef donc mais entouré d'une petite équipe qui peut être de bon conseil et atténuer éventuellement l'autorité et la solitude du chef. C'est bien pensé.

Puis vient la possibilité d'un prieur, le « second » de l'abbé qui peut , en particulier, le remplacer en cas d'absence. Si le prieur garde comme il est souhaitable, son libre arbitre , sa présence et sa personnalité différente de l'abbé, peuvent favoriser un bon gouvernement.

Dans une famille, la présence du couple parental est préférable au parent isolé...

«  Ce dont le monde a besoin, ce n'est pas de notre anxiété, mais du rayonnement de notre espérance surnaturelle, génératrice de tous les dévouements au service du prochain. C'est elle qui fait les grandes œuvres dans l'Eglise, c'est elle qui fait les martyrs. Etre témoins de paix. » (p.636)

                
croix copte
  
   
Ce prieur néanmoins devra exécuter avec révérence ce qui lui aura été enjoint par son Abbé, sans rien faire qui soit contraire à sa volonté ou à ses ordres. Car, plus il est élevé au-dessus des autres, plus il doit soigneusement observer les préceptes de la Règle.

Que si ce prieur venait à être reconnu vicieux, enflé d’orgueil, ou méprisant envers la sainte Règle, on l’en reprendra jusqu’à quatre fois. S’il ne s’amende pas, on lui fera subir la correction de la discipline régulière. Si par ces moyens il ne se corrigeait pas encore, on le déposera de son rang de prieur et on mettra en sa place un autre qui en soit digne. Que si, par la suite, il ne se montrait pas tranquille et obéissant dans la communauté, on le chasserait du monastère.

Prieur ou personne ayant une certaine autorité, un certain pouvoir et qui en abuse …. On parle aujourd'hui avec émotion et grande peine de l'abbé Pierre. Saint Benoît , en son temps, n'ignorait pas non plus de quoi l'homme est capable. Et on mesure combien « l'honorabilité » apparente d'une personne peut être traumatisante pour ceux et celles qui l'estimaient et s'aperçoivent soudain de son côté sombre. « Correction... déposer de son rang... on le chassera » . L'épreuve est rude pour tous.

                

" Ne pas effacer d’un trait le bien que l’abbé Pierre a fait, tout en osant regarder en face le mal
dont
[les] témoignages se font l’écho, c’est aussi, pour nous, l’occasion de grandir en liberté,
loin de toute tentation d’idolâtrie, pour affronter avec maturité la complexité de notre monde
et être des témoins crédibles de l’Évangile. "  
La Croix – 9.09.24

« Combattre le mal, mais aimer tous ses frères. Accepter de faire partie d'un ensemble qui a ses difformités, ses imperfections de tous genres. C'est de cette unité d'hommes imparfaits dont la vie est une lutte et pas toujours une victoire, que monte continuellement vers Dieu la louange parfaite qui est celle de son propre Fils. Ne nous étonnons ps des fautes, des déficiences rencontrées. Prions de ne pas tomber dans le péché de juger les autres ey aidons-nous mutuellement à être fidèles.» (p.637-638) *

Que l’Abbé toutefois songe qu’il doit rendre compte à Dieu de toutes ses décisions, de crainte que la flamme de l’envie ou de la jalousie ne vienne a brûler son âme.

Gardons-nous de jugements trop radicaux. Nous connaissons aussi nos faiblesses et nos fautes. Ne méprisons pas une famille, une communauté, l'Eglise toute entière parce que les fautes de quelques-uns apparaissent au grand jour. Pauvre abbé, pauvres victimes. Prions pour eux. Que justice soit faite mais qu'elle exige de nous une plus grande fidélité à Dieu. 


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  * Cf. Texte et commentaires de la Règle dans  « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023


 


 


 


Mise à jour : Mardi 10 Septembre 2024, 13:03
Denyse dans 03 - REGLE de SAINT BENOÎT (suite du prologue) - ch.62-64 - Lu 120 fois - Version imprimable
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