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Dimanche 20 Septembre 2020

Clairvaux - Etat des lieux


CLAIRVAUX – Etat des lieux
Textes de Virginie BIANCHI et de Jean-François LEROUX-DHUYS
Photographies de Pascal STRITT

Ed. Dominique Guéniot, 2011

                  



Voici un très beau livre qui intéressera tout d’abord  l’amateur d’histoire et de monuments historiques, mais aussi toute personne qui aime retrouver les racines de la vie religieuse (ici, celles des cisterciens) et les traces qu’elles laissent. Mais le bonheur de lecture et de contemplation (on peut le dire à juste titre puisque Clairvaux fut le lieu de vie de contemplatifs) tient surtout aux remarquables photographies de Pascal Stritt,  qui au fil des pages illustrent les propos d’historien de Virginie Bianchi et de spécialiste des cisterciens de Jean-François Leroux-Dhuys.

Nous entrons, par ce livre, dans une visite guidée et approfondie de ce haut lieu de Clairvaux où Saint Bernard fonda au XII°sIècle son abbaye, fille de Cîteaux et mère de centaines d’autres abbayes cisterciennes.  Nous découvrons les alentours, longeons les hauts murs, nous nous rendons  dans les cloîtres et au superbe  bâtiment des convers avec son cellier et son dortoir.
Nous croisons aussi des paroles de saint Benoît ou saint Bernard et c’est justice.
…ou celle d’un détenu car ce lieu est évidemment lourd aussi de son histoire pénitentiaire et on franchira des grilles qui mènent aux cellules des prisonniers, au mitard, aux cellules délabrées couvertes de graffitis. Le photographe nous offre des images-choc  du centre de détention (fermé en 2006).

Clairvaux accueille toujours des détenus mais dans des espaces bien sûr, inaccessibles au public.

Après ce parcours livresque passionnant, on ne peut que désirer aller sur le terrain .
Heureusement, après bien des aléas,  les espaces monastiques sont aujourd’hui sauvegardés et avec les auteurs de ce livre et notamment l’Association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux, on souhaite qu’un jour ces illustres bâtiments accueillent un Musée du monachisme cistercien peut-être associé à un Musée de l’enfermement pénitentiaire.
D.G

Extraits.

« Clairvaux abbaye et prison. L’histoire du site est définitivement marquée par son double destin et ses vénérables vestiges témoignent des neuf siècles d’enfermement vécus dans la liberté et la contrainte. Tout oppose les situations humaines des moines et des détenus, mais elles se déroulèrent dans les mêmes murs au cœur d’un même espace clos. » (J.F. Leroux) – p.189

«  Que fait l’or aux portes des églises ? … Ce n’est pas à un moine de juger… mais quand je me tairais, les pauvres, les nus les faméliques se lèveraient pour hurler. » (Saint Bernard) – p.89

«  Les leçons cisterciennes sur la maîtrise du bâtiment prennent la valeur d’un  témoignage capital. » (Léon Pressouyre –Le Rêve cistercien) – p.93

 

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Saint Bernard, dernier Père de l'Eglise - Thomas MERTON

 Saint Bernard, dernier Père de l’Eglise

 Thomas MERTON , moine cistercien

Editions Salvator 2014
137 p.

                    

 En 1953, à l’occasion du 8° centenaire de la mort de saint Bernard, le pape Pie XII , promulgue la célèbre encyclique « Doctor Mellifluus » qui veut rappeler l’apport extraordinaire de la vie et de la pensée de saint Bernard à l’Eglise toute entière.

« Le miel est dans la cire, comme la dévotion dans la lettre… La dévotion est comme un rayon de miel… » . Bernard mérite le titre de « Docteur Melliflue » car de la Parole de Dieu, il sait en faire couler le miel, le meilleur, le  sens spirituel…pas seulement pour lui-même mais pour faire pénétrer en nous cette loi spirituelle qu’est la loi du Christ. » (p.16)

Les supérieurs de Thomas Merton lui demandent alors de commenter cette encyclique dont il va faire  « une superbe méditation sur l’énigme de la sainteté. »(p.10 – Michel Cool)

Jeune moine cistercien américain, né en France, Thomas Merton produit cet essai peu banal, qui paraît dès 1954, commentant un texte papal et réfléchissant sur la vie d’un autre moine. Les éditions Salvator le réédite en cette année 2015, 9° centenaire de la fondation de l’abbaye de Clairvaux dans l’Aube où de nombreuses manifestations et colloques sont prévus tant à Clairvaux qu’à Troyes.

« Un point commun unit les deux moines cisterciens pourtant si distants l’un de l’autre par l’histoire et la culture : c’est leur expérience commune de l’épreuve à concilier vocation contemplative et action temporelle… L’un et l’autre en ont fait leur combat spirituel… L’art du biographe n’est-il pas de se reflèter quelque peu dans le personnage qu’il décrit comme un jeu de miroir ? » (p.9-  Michel Cool)

                                      
      Eglise de Bouxières sous Froidmont (54) -
      Saint Bernard
( photo ne figurant pas dans le livre)
        
© Denyse Guerber 

Thomas Merton, dans cette biographie, va s’attacher davantage à l’esprit de saint Bernard qu’aux faits eux-mêmes

-         L’homme et le saint

C’est l’époque de la toute-puissance de l’abbaye de Cluny qui aurait pu peut-être convenir à un personnage tel que Bernard « mais il sentait obscurément qu’il était appelé à une grandeur qui dépasse la puissance. » (p.23)

« Sa réputation de mystique et d’ascète… fit qu’il devint, sans pouvoir l’éviter un grand homme d’Eglise, défenseur de l’autorité, de la loi, de la papauté, représentant de Dieu dans les affaires politiques et prêcheur de croisades. » (p.24)

« La grâce de Dieu, qui possèdait totalement cet homme frêle, mettait en feu les cœurs de ceux qui l’entendaient parler. » (p.26)

D’ailleurs son entrée à Cîteaux, en 1113, accompagné d’une trentaine de frères, remis sur pied l’abbaye en difficulté.

  Le témoignage des écrits.

«  Ses écrits les plus nombreux sont ses sermons, bien que les plus connus soient sans doute ses lettres. » (p.53)

Notamment « De la Considération » lettre célèbre (et toujours d’actualité pour qui a quelques responsabilités)  écrite à Eugène III, un de ses frères de Clairvaux devenu pape.

Ses écrits nous « transmettent une doctrine précise et cohérente » mais s’appuyant toujours sur l’expérience. Et c’est sans doute ce qui la rend si captivante, même si la lecture en est parfois un peu ardue.

« Elle nous dit comment discerner les visites du Verbe à l’âme, comment répondre à l’action de cet Esprit-Saint(p.55)

Son Traité sur les degrés de l’humilité (1119) est en lien étroit avec la Règle de saint Benoît qu’il avait en haute estime.

Le Traité Sur l’Amour de Dieu ( 1126-1127) souligne combien cet amour est puissant, insaisissable et qu’il n’a d’autre raison d’être que d’aimer Dieu, non pour nous-mêmes mais pour Dieu lui-même. « Aussi longtemps que l’homme n’aime point Dieu, il n’a pas commencé à vivre. » (p.59). « J’aime parce que j’aime ; j’aime pour aimer » écrit saint Bernard.

 Notre vie sur terre s’efforce de restaurer l’image divine que Dieu a mis en nous. Pour saint Bernard, " nous ne serons pleinement libres qu’au ciel. " (p.61)

 Les plus beaux textes de saint Bernard sont ses Sermons sur le Cantique. Tissé des textes bibliques (passionnante lecture qui nous renvoie sans cesse à la Parole de Dieu) ,  Bernard nous donne de son commentaire du Cantique des cantiques à la fois une lecture approfondie, mystique mais aussi toute orientée vers le vécu. Il se laisse emporter par mille digressions dont il s’excuse sans cesse , mais comment se limiter quand on a l’âme de saint Bernard dont l’amour pour Dieu est précisément «sans limites ».

 Les pages 83 à 108 sont les notes de Thomas Merton sur l’encyclique dont le texte intégral conclut l’ouvrage édité par les Editions Salvator.

«  L’encyclique présente saint Bernard comme Père et Docteur de l’Eglise…Elle rappelle que la doctrine du saint est une des sources les plus pures et les plus authentiques de la tradition catholique. » (p.84)

« Pour saint Bernard, l’amour, la ressemblance à Dieu qui nous rend sages comme il est sage, est plus qu’un simple désir de Dieu. La sagesse de l’amour est imprimée en nous par le désir qu’a Dieu de nous. » (p.88)

« Le savoir et l’amour sont  deux éléments essentiels à la vraie sagesse. » (p.90)

« C’est la charité, c’est l’amour de Dieu et des frères qui font du cistercien un vrai moine ; sans cela il n’est pas moine quand bien même il accomplirait à la perfection tout le reste. » (p.100)

 - Encyclique Doctor Mellifluus (p.109-133)

«  Cette haute doctrine mystique du Docteur de Clairvaux, qui dépasse tous les désirs humains et peut les combler, semble à notre époque être négligée et sacrifiée ou être oubliée de beaucoup qui, écartelés par les soins et les affaires  quotidiennes, ne cherchent et ne désirent rien d’autre que ce qui est utile et productif pour cette vie mortelle… C’est pourquoi nous pensons que ces pages du Docteur Melliflue doivent être méditées d’un esprit attentif… » (p.118)

« L’extrême douceur d’une telle méditation [ ne tient pas Bernard ] « enfermé dans les murs de sa cellule ‘qui est douce quand on y demeure’, mais partout où la cause de Dieu et de l’Eglise est en jeu, il accourt en hâte avec sa sagesse, sa parole et son activité… Il est à craindre, si la lumière de l’Evangile peu à peu diminue et faiblit dans les âmes, ou ce qui est pire, si elle est entièrement rejetée, que les bases mêmes de la société civile et domestique ne s’écroulent, à tel point que surviennent des temps pires encore et plus malheureux »
Pie XII

 Pour conclure cette nouvelle édition de 2014, on aurait pu souhaiter que la bibliographie qui s’arrête à 1954 soit complètée par quelques ouvrages sur saint Bernard, fondamentaux et plus actuels. Mais il est vrai qu’il est maintenant facile de trouver ces références ailleurs. Les ouvrages sur le sujet sont nombreux mais d’inégale qualité ou d’approches différentes. Mais ce petit livre tenait à être fidèle à l’original et c’est déjà une belle approche.

Pour se faire une idée plus juste, le mieux est évidemment de lire quelques textes bien choisis de saint Bernard. L’exercice n’est pas facile mais il est délicieux. Le bonheur, même là, se gagne par un certain effort.

Pour un premier florilège, on peut s’aider du livre « Entretiens », Saint Bernard de Clairvaux, un  homme d’aujourd’hui -  ( paru récemment aux Ed. du Signe en lien avec l'association Arccis qui a son siège à l'abbaye de Cîteaux )

On pourra le complèter par six livres assez différents dans leur approche (avis  personnel) :

-         Bernard de Clairvaux – Jean Leclercq (Ed.Desclée, 1989)

-         Les Moines blancs – Histoire de l’ordre de Cîteaux  - Marcel Pacaut (Ed. Fayard 1993)

-    Saint Bernard de Clairvaux – Pierre Aubé (Ed. Fayard 2003)

-         Sur les pas de Bernard de Clairvaux et des Cisterciens – Julien Frizot et Thierry Perrin (Ed. Ouest-France, 2006) – Belle iconographie.

-         L’Amour des lettres et le désir de Dieu – Jean Leclerc (Ed. du Cerf, 1956) est aussi une lecture  incontournable pour qui s’intéresse aux textes écrits à l’époque de saint Bernard. Plus difficile, mais passionnant.
 
                                           
- Bernard de Clairvaux - Introduction générale aux complètes - Histoire, mentalités, spiritualité - Ed du    Cerf, 2010 - Sources chrétiennes n°380
Pour les courageux, qui ont du temps... mais ils ne seront pas déçus.

DG

© Denyse Guerber



 

 

Mise à jour : Mercredi 2 Octobre 2024, 15:56
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Mardi 17 Mars 2020

Le chrétien dans la désorientation du monde

 LIENS CISTERCIENS n°38/ mars 2020

                           

Dans la revue de ce trimestre, un article a retenu notre attention :

« Le chrétien dans la désorientation du monde »,

d'après une conférence (2018) de Dom Mauro-Guiseppe LEPORI, abbé général de l'Ordre Cistercien.

Notre monde est en effet plus que jamais désorienté. Le temps de crise actuel dû au coronavirus en est une preuve parmi bien d'autres.

Etre désorienté, c'est ne plus savoir où on va ni même peut-être pourquoi on est là. Dom Mauro ose avancer que nos guides eux-mêmes s'intéressent davantage « à la progression de leur propre pouvoir » plutôt « qu'au progrès du peuple. » Ne nous laissons donc pas manipuler, ni tromper par des satisfactions immédiates.

« Restez éveillés et priez en tout temps ainsi vous aurez la force d'échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l'homme. » (Lc 21, 34-36)

Donner un sens à sa vie ne doit pas reposer sur la crainte du jugement dernier, mais doit impacter toute notre vie.

« Le Christ est le destin de l'univers .» Notre rencontre avec lui coïncide avec notre engagement auprès des plus pauvres  et nous invite à considérer aussi les nouveaux besoins et nouvelles pauvretés. Ce n'est évidemment « pas seulement une loi à observer , mais une réalité à reconnaître »

Notre charité doit être à l'oeuvre dans l'instant présent mais aide à constituer aussi l'orientation même de l'Eglise vers son ultime destin. Quelle responsabilité !

Nous avons à vivre à l'image du Christ que Dieu a envoyé dans le monde, non pour le juger mais pour que, par lui, le monde soit sauvé (Jn3,16-17). Le chrétien est « la mémoire vive et reconnaissante du salut de tous. »

Cela ne suppose évidemment pas de nous mettre en avant, mais par notre témoignage d'être le Christ qui « aime au-delà de toute mesure ».

« Le Christ nous donne la puissance de la foi » mais elle est confiée aussi à notre liberté et donc à nos fragilités. « Le Christ , quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc18,8)

Jésus s'est-il demandé, au moment de sa Passion : est-ce que cela a servi que je vienne, que j'annonce l'Evangile, que je sois mort et ressuscité pour sauver le monde ?

Sans une foi active, nous découvrirons à terme que nous avons « avancé vers le néant, vers un échec final. »

« Notre foi mendie sans cesse pour que le monde s'ouvre à cette nouveauté, à cette justice, à ce bien pour tous, que Dieu seul peut donner. Ce bien, c'est Dieu lui-même, c'est son amour, sa présence, le don de son Esprit, le don de son Fils, le don de l'Eglise. »

Vivre notre foi c'est permettre « à la réalité accomplie du Ciel de se manifester sur la terre, de transfigurer la terre, de descendre sur la terre pour la sanctifier, la remplir de beauté, de sainteté, de la sainteté et de la gloire de Dieu. »

« Saint Benoît a transfiguré l'Europe de cette manière : avec des hommes et des femmes qui, vivant tout l'humain au service de Dieu, dans une obéissance qui demande dans chaque geste, dans chaque œuvre, dans chaque instant de la vie, que la volonté du Père se fasse sur la terre comme au Ciel, ont permis à Dieu d'exprimer sur la terre la réalité pleine et accomplie du Ciel...

Jésus le premier, « se faisant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la Croix (Ph 2,8), a rempli la terre de Ciel, de réalité accomplie selon la volonté et l'amour du Père. »

DG

Mise à jour : Jeudi 16 Mars 2023, 13:13
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Mercredi 16 Octobre 2019

L'Amitié à l'épreuve de la diversité

 L’Amitié à l’épreuve de la diversité

Pierre le Vénérable – Bernard de Clairvaux

Correspondance

 Saint-Léger Editions, 2019

302 p.
                              

 

Ce livre est intéressant à plus d’un titre.

Avoir accès à la correspondance de saint Bernard de Clairvaux , c’est entrer dans son cœur un peu plus loin que par ses Sermons, c’est mieux le connaître dans ses états d’âme confrontés à des réalités qui le touchent de près, c’est être touchés par cette proximité.

Et que cette correspondance du 12ième siècle concerne deux amis, l’abbé bénédictin de Cluny, Pierre le Vénérable et l’abbé cistercien de Clairvaux , le grand saint Bernard, face à leurs conflits, est tout de même assez extraordinaire.

Est soulevée dans ces lettres la rivalité entre les deux abbayes ; c’est à qui applique le mieux la Règle objet de leurs divergences qui mettent effectivement leur « amitié à l’épreuve de [leur] diversité ». Pierre va se défendre mot à mot du bon usage que ses moines font de la Règle de saint Benoît, nous instruisant ainsi de leurs pratiques.

Autre sujet, parmi d’autres, de discorde : la nomination d’un évêque au diocèse de Langres qui n’échappe pas aux manipulations politiciennes et de pouvoir : c’est d’abord un moine de Cluny qui est envisagé puis un moine de Clairvaux…

Ces duels blessent leur amitié, la mettent en cause. L’amitié de Pierre pour Bernard souffre, doute mais tient bon. Les paroles échangées sont fortes, même si Bernard garde un peu ses distances.

La vie monastique de saint Bernard, on le sait, n’est pas dans les nuages et on aime le voir, ici, confronté à ses forces et ses faiblesses. Comme nous tous.

 On apprécie aussi l’introduction (70 p.) ainsi que les présentations de chaque lettre,  par le Père Christophe Vuillaume, osb, qui resitue le contexte de l’époque et les caractères de Pierre et Bernard.

Cela éclaire bien notre lecture de ces lettres passionnées et passionnantes.

 DG

Extraits.

 (Pierre à Bernard)

-          Est-ce se croire et se proclamer le dernier de rabaisser ce que font les autres, de s’exalter, de mépriser les autres, de se prendre pour quelqu’un, alors que l’Ecriture prescrit, dîtes : « Nous sommes des serviteurs inutiles » (Lc17,10)  - p.85

-          Vous vous montrez dans ce costume de couleur insolite et pour vous distinguer de tous les moines du monde, vous vous affichez en  habit blanc au milieu des habits noirs. (p.85)

-          Mon âme s’est attachée à toi et ne peut plus s’arracher à l’affection que je te porte… Plût à Dieu qu’elle demeure aussi en toi, cette amitié que le Christ a fait naître…(p.174)

 (Bernard à Pierre)

-   Quel honneur pour moi d’avoir non seulement une place dans ta mémoire, mais aussi dans ton cœur ; Je me glorifie d’avoir ce privilège d’être aimé de toi. Je me nourris aux abondantes délicatesses de ton cœur. Mais plus encore je me glorifie dans les tribulations (Rm5,3), si je suis digne de souffrir ainsi pour l’Eglise…Car pour avoir été ensemble à la peine, nous le serons dans la consolation (2 Co1,7).

Mise à jour : Jeudi 16 Mars 2023, 13:14
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Dimanche 24 Septembre 2017

Saint Benoît

Un livre + un CD

  Saint  Benoît

Jacques de GUILLEBON

 Coll. Les grandes figures de la spiritualité chrétienne
 Livre +  CD (textes lus par Michael Lonsdale)

Ed. Presses de la Renaissance, 2016
133 p. – 9,95 €

            

 Ce livre sur saint Benoît (vers 480-vers 543) s’inscrit dans une nouvelle et intéressante collection, proposée par Le Figaro, de 40 grands noms de la spiritualité chrétienne.

 Belle couverture solide et attrayante représentant un portrait du saint. Chaque livre se décompose en quatre grandes parties : la vie, le message, l’héritage, les textes emblématiques auxquelles s’ajoutent quelques annexes utiles (bibliographe, dates, abécédaire…). A ce livre est associé un CD  de textes lus par Michael Lonsdale qui prête sa voix profonde et posée, aidant le lecteur dans sa découverte de la foi de ces hommes connus pour la force de leur foi.

 De lecture aisée, agrémentée de photographies en couleur, ce livre résume plutôt bien la vie (avec son incontournable « légende dorée »)  et la spiritualité de saint Benoît. Après la vie retracée, quelques pages soulignent la dimension prophétique du message de Benoît et l’importance de sa célèbre Règle dont l’usage s’est généralisé dès le 9°siècle et jusqu’à aujourd’hui dans les monastères bénédictins et cisterciens.

 C’est un bon premier contact audio-visuel qui donne envie d’en savoir plus sur saint Benoît mais aussi sur d’autres grandes figures de la spiritualité chrétienne tels saint François, saint Augustin,  Mère Teresa, Luther, Jean XXIII, Marthe Robin … Reviendraient-ils au goût du jour ? Voilà une bonne nouvelle.

 Extraits

 "Comment le jeune homme, voire l’adolescent, qu’il est peut-il manifester une telle force de caractère … qu’il décide de tout quitter et de gagner des lieux retirés, où nulle gloire ni richesse ni grandeur ne l’attendent plus ? Bien malin qui saura en donner les causes chez un Benoît que les sources trop rares ne nous dépeignent guère dans sa psychologie. On a le sentiment d’une force supérieure, soit de caractère propre, soit venue de plus loin, soit plus certainement des deux conjointes, qui le meut. Le cas n’est pas exceptionnel parmi les grands saints chrétiens, depuis les pères du désert à la suite d’Antoine et de Pacôme, et on le verra se répéter chez d’autres admirables fondateurs, comme saint Bernard et saint François." (p.15-16)

 «  Ecoute ô mon fils, l’enseignement du maître, ouvre l’oreille de ton cœur… Avant tout, quand tu commences à faire quelque chose de bien, supplie le Seigneur, par une très ardente prière, de conduire lui-même cette action jusqu’au bout»
 Prologue de la Règle de saint Benoît

 DG
13.09.2017

Mise à jour : Jeudi 16 Mars 2023, 13:14
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Vendredi 16 Décembre 2016

Sagesse cistercienne

 Sagesse cistercienne

 900 ans de fécondité spirituelle

 Dom Olivier QUENARDEL
 Abbé de Cîteaux

Ed. Médiaspaul 2016
219 p.

                               


Dom Olivier Quenardel est entré à l’abbaye de Cîteaux en 1967 et il en est le Père Abbé depuis 1993.

Ce livre rassemble des conférences et articles récents abordant sous diffèrents angles un « thème commun, celui de la "sagesse cistercienne" , autre nom de la flamme qui habitait [les] saints fondateurs de Cîteaux. »

 Y trouverons-nous des règles de sagesse adaptables à nos vies quotidiennes ? Sans doute pas au sens où nous l’entendons habituellement car cette « sagesse » est plutôt folie aux yeux des hommes.  Mais comme toutes les spiritualités chrétiennes, cette sagesse nous ramène à l’essentiel : l’amour de Dieu. Ensuite, chacun tente de répondre à l’appel qui est le sien.

Cette sagesse n’est pas innée, même si elle tient de la grâce de Dieu. Elle demande un apprentissage qui est, en particulier, celui de la lecture de la Parole de Dieu qui va (r)éveiller le désir de chercher vraiment Dieu, « de goûter comme le Seigneur est bon , et de répandre par toute [la] vie la bonne odeur du Christ. » (p.17)

L’auteur nous présente en quelques pages très claires et instructives le monde cistercien français de 1850 à nos jours avec ses bas et ses hauts, les difficultés mettant chacun à l’épreuve de sa foi et bien souvent la faisant se raffermir. L’entraide monastique, bien développée aujourd’hui, en est un fruit face aux difficultés nouvelles. Dom Olivier souligne en particulier l’intérêt de la mixité des rencontres intermonastiques, encore  inconcevables au début du XX° siècle.

L’élan missionnaire se ralentit mais par contre la RGM (Réunion Générale Mixte) reconnaît « depuis 2002, l’existence d’une expression laïque du charisme cistercien dans ce que vivent aujourd’hui les groupes de laïcs rattachés à plusieurs des monastères de l’Ordre ». On peut même préciser, et cela ce n’est pas l’auteur qui le dit, que le premier groupe de laïcs cisterciens en responsabilité s’était constitué de façon spontanée avec les trois branches de l’ordre : ordre cistercien, ocso et bernardines. Une belle unité pleine de promesses que Dom Bernardo Olivera, ancien Abbé Général ocso, avait appréciée en son temps.

« On peut se risquer à dire que la présence au sein de la Famille cistercienne d’une telle laïcité devrait être stimulante et salutaire aussi bien pour le renouveau des communautés monastiques que pour la communion cistercienne tant désirée. » (p.52)

 Puis l’auteur évoque l’histoire propre à l’abbaye de Cîteaux, lieu des origines, lieu-source qui fêta en 1998, telle une « nouvelle Pentecôte » la grâce du neuvième centenaire, rassemblant en ses murs 800 moines et moniales. Une vraie Famille, comme elle aime désormais s’appeler à l’initiative du pape Léon XIII en 1902 mais surtout dans une Lettre de Jean-Paul II à la Famille cistercienne » en 1998. Tout ce chapitre est fort intéressant concernant l’actualité, la réalité et la fragilité de l’Ordre tout entier.

                         

 Les conférences suivantes, datant de 2010, abordent un autre domaine plus spirituel, (encore qu’il ne faut pas séparer Marthe de Marie vivant toutes deux dans la même maison !) et peut-être plus difficile à suivre si on n’est pas familier des rites monastiques, notamment celui du « lavement des pieds ». Le réactualisant dans sa communauté, Dom Olivier nous entraîne longuement  et passionnément vers l’invicem (traduit par « mutuellement ») , autrement dit vers le haut lieu des relations fraternelles où nous sommes appelés , laïcs ou moines, à témoigner de l’amour de Dieu en nous et en nos frères. On reproche souvent à l’Eglise ses relations pyramidales dont elle a encore bien du mal de se défaire. Le lavement des pieds nous rappelle que la principale mission du chrétien est de se faire serviteur, ce qui n’est pas s’abaisser mais aimer.

 Les chrétiens « devraient être en première ligne de cette révolution de l’amour dont le Nouveau Testament clame qu’il n’est pas seulement de l’ordre du don mais de l’ordre de l’échange où l’amour reçoit autant qu’il donne. » (p.78)

 Dans la suite du livre (conférence de 2015), Saint Bernard est à l’honneur, ce qui est bien normal quand on sait l’importance qu’attachent à ce grand saint fondateur de Clairvaux, moines, moniales et laïcs cisterciens.

Bernard de Clairvaux a un langage qui « réveille à la manière des prophètes » et continue d’entraîner les hommes d’aujourd’hui sur un « chemin de sainteté ». Sa sagesse et sa flamme intérieure (et extérieure !) gardent toute leur force de séduction appelant à la conversion du cœur.

« Sur le chapitre de la miséricorde, il y a entre François de Rome [le Pape François] et  Bernard de Clairvaux une forme d’ecclésiologie nuptiale qui les rapproche …l’un de l’autre ». (p.127)
La dévotion de Saint Bernard (et des cisterciens) à Marie est aussi évoquée notamment en citant le sermon splendide du « Missus est » : « Si se lèvent les vents des tentations, si tu cours aux écueils des épreuves, regarde l’étoile, appelle Marie… » (p.138)

 Puis un  septième chapitre nous retrace l’histoire et l’oeuvre de sainte Gertrude d’Helfta, qu’affectionne particulièrement Dom Olivier qui illustre sa conférence de quelques passages écrits par cette femme mystique dont la « sainteté n’était pas acquise au départ ». Elle fut très interpellée par la communion sacramentelle et sa préparation. Son approche tout en  « finesse et justesse théologique », dans son sens profond, demeure très actuelle. « Rien de plus concret pour elle que cette christologie eucharistique qui se joue dans le corps à corps de  la célébration liturgique. »(p.159)

 Dans une conférence de 2012 et en toute logique, est abordée la Règle de saint Benoît où « la liturgie tient une place de première importance » tant elle est pour Benoît « en lien direct avec la vie ordinaire » avec la clé principale de lecture qui est « l’amour du Christ préféré à tout. » (p.171)

 En mai 2014, à l’abbaye de Pontigny, Dom Olivier donne une conférence sur « Ora et labora » (= Prie et travaille)  et plus précisèment sur « l’expérience concrète de la tradition cistercienne et son vécu aujourd’hui à Cîteaux » (p.185 et suiv.). La vie cistercienne ne se résume pas à prier et à la contemplation. Elle cultive plutôt un « art de vivre "sous le regard de Dieu" toujours et partout ». Les Constitutions de l’Ordre révisées, actualisées en 1990 soulignent le souci du concret et l’articulation entre travail et prière. Y sont explicités notamment la vigilance du cœur (garde du cœur) et le silence, bien sûr.

Ce livre s’achève sur la « filiation spirituelle ». « Nous ne sommes pas tous parents mais nous sommes tous enfants » (p.199)

 «  …Incompréhensible mystère ! Celui qui t’a créé est maintenant créé en toi, et comme si c’était trop peu que tu l’aies pour Père, il veut encore que tu lui sois une mère ! "Quiconque fait la volonté de mon Père est mon frère, ma sœur, ma mère"… Ouvre à la parole de Dieu ton oreille pour entendre. Elle est la voie de l’Esprit qui fait concevoir en pénétrant jusqu’au sein de ton cœur. »  (Guerric d’Igny, 1er Sermon pour l’Assomption – cité p.216-217)

DG
12 / 2016

Mise à jour : Jeudi 16 Mars 2023, 13:15
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Vendredi 07 Octobre 2016

Règle de saint Benoît

 Règle de saint Benoît
Texte intégral et introduction

Dom GUILLAUME
Moine cistercien trappiste

Petite bibliothèque monastique Salvator, 2016
150 p.

                

 Dom Guillaume est abbé émérite de la Trappe du Mont-des-Cats dans le Nord de la France.

 De nombreux livres sont parus sur le thème de la Règle de saint Benoît, texte intégral (diffèrentes traductions toujours intéressantes à comparer) et commentaires divers.

Dom Guillaume a d’ailleurs écrit en 2006 sur cette Règle  un commentaire fort intéressant exploité dans bien des communautés de moines, moniales ou laïcs qui apprécient son style direct et très actuel :
« Sur un chemin de liberté – Commentaire de la Règle de saint Benoît jour après jour » - Ed. Anne Signier 2006

C’est donc avec une certaine curiosité qu’on se plonge dans ce nouveau document . Quoi de neuf ?

Le premier tiers de ce livre est occupé par une introduction tentant de préciser les origines de la vie monastique et de cette Règle fruit de plusieurs règles l’ayant précédée. La lecture de cette genèse est un peu complexe et, se voulant détaillée, nous perd parfois en chemin mais elle a le mérite de souligner les différentes étapes au fil de l’évolution de la vie monastique d’abord érémitique puis davantage cénobitique. Chaque monastère avait aussi son coutumier qui, comme son nom l’indique, met par écrit les us et coutumes particuliers de chaque communauté et auxquels la Règle s’apparente dans certains chapitres.

La vie de saint Benoît , brièvement évoquée, replace sa Règle dans son histoire et son contexte. Tout cela se passant avant l’an mil, des zones restent obscures et la Règle du Maître restera sans doute toujours anonyme. Mais Dom Guillaume nous livre ici une bonne synthèse des recherches sur ce sujet.

La suite du livre nous offre le texte intégral de la Règle choisissant l’excellente traduction de Solesmes. On apprécie aussi , en fin de volume les références bibliques et le riche index qui peut être fort utile.
On peut lire aussi du même auteur :

           

 DG

 Extraits

 -         Vers la fin du IV°siècle, il y a donc une crise de ce premier monachisme occidental qui va provoquer l’apparition des règles, dont le but est non seulement de structurer la vie pratique, mais aussi de préciser les normes et la spiritualité. La Règle de saint Benoît s’inscrit dans ce processus de codification. (p.32-33)

-          La Règle du Maître était dominée par les notions d’ordre et de mérite, la Règle de saint Benoît est centrée sur la notion de salut, avec une vision médicinale et pâstorale…La Règle bénédictine est plutôt orientée vers le but terrestre du progrès intérieur et la valorisation de la vie spirituelle en ce monde. (p.45)

-         La synthèse monastique attire et fait des envieux, jusque dans les grandes entreprises qui regardent Benoît et sa Règle comme des précurseurs des principes du management. (p.57)

 

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Mardi 31 Mai 2016

Tibhirine, l'héritage

 Tibhirine, l’héritage

 Préface du Pape François

Direction d’ouvrage : Christophe Henning
Bayard Editions, 2016
177 p.

                        

 Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, sept moines cisterciens du monastère de Tibhirine (Algérie) étaient enlevés. Deux mois plus tard, leur mort était annoncée par le groupe islamique armé (GIA).

Seules les têtes des moines furent rendues et très rapidement on s’interrogea sur les véritables auteurs de ces assassinats et sur les pourquoi, comment et quand . Vingt ans plus tard, malgré les moyens mis en œuvre mais aussi à cause de nombreuses réticences diplomatiques et politiques, on n’en sait guère plus. La justice poursuit son travail et les sept moines reposent dans le jardin de ce monastère qu’ensemble ils avaient décidé de ne pas quitter par solidarité avec le peuple algérien.

Le livre ne retrace pas du tout, ou très peu, ce qui s’est passé. Bien d’autres livres, documents, BD et le célèbre film « Des hommes et des dieux » l’ont fait de façon très complémentaires.

                    

Dans ce livre , 11 « héritiers », aux personnalités et regard diffèrents évoquent l’aujourd’hui de Tibhirine, dans leur cœur et sur place. Le lecteur revit ainsi ce chemin pascal des moines et surtout ses fruits actuels qui, dans l’efficacité et la discrètion, concordent si bien avec les orientations actuelles de l’Eglise et de certains états vers un apaisement des relations du christianisme et de l’islam dans une coexistence fraternelle et respectueuse en Algérie mais aussi aux quatre coins du monde.

                 *     

 - Dans le prologue, c’est le Pape François qui prend la parole : « A Tibhirine se vivait le dialogue de la vie avec les musulmans : nous, chrétiens, nous voulons aller à la rencontre de l’autre, quel qu’il soit, pour nouer cette amitié spirituelle et ce dialogue fraternel qui pourront vaincre la violence… C’est tout simple et si grand : à la suite de Jésus, faire de notre vie  un ‘ je t’aime’.

- Christophe Henning, journaliste a signé plusieurs ouvrages à propos de Tibhirine, notamment avec Jean-Marie-Lassausse, « Le jardinier de Tibhirine » (Bayard 2010) qui a reçu le Prix de littérature religieuse 2011.

                          *       

 «  Les liens si forts tissés entre les moines et le village se sont renoués, grâce à la présence du père Jean-Marie Lassausse, prêtre et agronome : la terre de Tibhirine porte du fruit au sens propre (fruits du verger, légumes, miel… » . (p.14)

- Le Cardinal Philippe Barbarin s’est rendu à Tibhirine en 2007 : « D’où vient cette clarté mystérieuse ? … Dans la tragédie du Golgotha, ce qui se voit le plus ce n’est pas la violence d’une condamnation, mais la victoire incroyable d’un amour qui est allé jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême. » (p.34)

- Le Frère Jean-Pierre Schumacher , 92 ans, a échappé à l’enlèvement de 1996. Il vit aujourd’hui à Midelt au Maroc .

«  [Notre] présence, si petite soit-elle, est le symbole du possible « vivre ensemble » entre des communautés de culture et de foi différentes, dans le plus grand respect de chacun… Comment être chrétien sans respecter la foi de l’autre, mon frère en humanité ? » (p.45)

- Mgr Claude Rault est responsable du diocèse de Laghouat dans le Sahara depuis 2004.

Il est fondateur avec Christian de Chergé du Ribât-el-Salâm  - le lien de la paix- lieu de dialogue islamo-chrétien. Les rencontres ont eu lieu au monastère jusqu’à l’enlèvement des moines. Les voisins qui n’avaient pas de lieu de prière sont venus eux aussi prier dans l’un des locaux du monastère mis à leur disposition. Au moment du ramadan, le jeûne était partagé.
«  … admiration pour ces hommes qui avaient fait le choix de mener une existence de pauvreté et de prière au milieu d’une population elle aussi très pauvre et isolée. » (p.52)

                                       *   

 - Dom Jean-Pierre Flachaire, responsable du prieuré Notre-Dame de l’Atlas à Midelt au Maroc  évoque le quotidien de leurs journées à Midelt, leur proximité avec leurs amis musulmans. Le monastère est l’héritier direct de Tibhirine dont la communauté a été officiellement transférée au Maroc.

- Le Père Jean-Marie Lassausse , prêtre de la Mission de France est depuis 2001, responsable du site du monastère. Le connaissant un peu ainsi que son action, , je peux affirmer qu’il poursuit auprès de la population un travail admirable , celui du « vivre ensemble »  inauguré à cet endroit par les moines, aidant au développement des villages et des personnes malgré les difficultés politiques toujours omniprésentes.

 " Mon seul désir est de faire de cette terre irriguée par le sang des sept frères une terre de rencontre entre croyants différents, dans le total respect de chacun. La communauté des frères est le modèle qui nous guide. La terre est le support, à la fois économique mais aussi social, culturel, religieux de notre présence fragile… Osons vivre ensemble pour chasser la peur de la différence et construire ensemble des passerelles de fraternité…" (p.108.110)

-  Leïla Tennci, philosophe, chercheuse à l’université d’Oran (Algérie ) n’a pas connu personnellement les moines mais s’est recueillie près des sept tombes. Elle a vécu très douloureusement la mort d’amis algériens et celle de Pierre Claverie, évêque d’Oran, assassiné le 1er août 1996 .

              *   

- Mgr Jean-Paul Vesco, avocat, puis élu en 2010 prieur provincial des Dominicains de France est, en 2012, nommé évêque d’Oran.
« Impératif de recherche de la vérité [Qui as-tué les moines ?] et respect du choix libre des moines de partager le destin de leurs voisins jusqu’à prendre sur eux l’injustice qui pourrait leur être faite. » (p.135)

« Que ma communauté, mon Eglise, ma famille…sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes, laissées dans l’indifférence de l’anonymat. Ma vie n’a pas plus de prix qu’une autre. Elle n’en a pas moins non plus. » Christian de Chergé, cité p.135)

- Marc Trévidic, vice-président du tribunal de Lille. En charge du dossier Tibhirine, toujours en cours.
« Il est difficile de croire quand l’homme est capable du pire au nom d’une religion. Mais la vie des moines, elle, me fait croire en Dieu. » (p.153)

- Dom Thomas Georgeon, moine à Notre-Dame de la Trappe (Orne). Il est postulateur de la cause de béatification des martyrs d’Algérie.
« Qui connaissait Tibhirine avant les tragiques évènements des années 1990 ? Qui ne connaît pas Tibhirine aujourd’hui ? Que s’est-il passé, au-delà des faits, pour que leur témoignage touche les cœurs et les âmes bien au-delà des frontières de l’Eglise et ce, de manière durable ?... Cette fidélité, cette persévérance, deux vertus qui ont la vie dure dans nos sociétés, ont profondément questionné le cœur de l’opinion. »(p.161)

Entre les chapitres, s’intercalent aussi de courts textes « testaments  spirituels» de Christian de Chergé, de Frère Christophe, de Frère Michel et Frère Luc.

 Le livre s’achève par quelques mots de François Cheng de l’Académie française :
« Quand survient le terrible, nous devrions être prêts , le sommes-nous ?... Nous n’avons pas choisi de mourir en martyrs. Nous avons simplement choisi d’aimer. » (p.169-170)

 Présentation et extraits choisis : DG
 01.06.2016

* recension sur ce blog, rubrique "07 Livres"

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Samedi 21 Mai 2016

Dieu est amitié

 Dieu est amitié
 La spiritualité d’Aelred de Rievaulx

  Xavier MORALES

  Editions Salvator, 2016 – Petite bibliothèque monastique

  139 p.
                 * 

Un moine cénobite (qui vit en communauté) en choisissant de donner, par amour, sa vie à Dieu choisit en même temps de « vivre avec le maximum d’intensité » sa relation à Dieu et sa relation avec ses frères.

Aelred, abbé de Rievaulx dans le Yorkshire, au 12°s., âge d’or de la vie monastique (c’est aussi l’époque de saint Bernard), fut tout au long de sa vie, un « homme d’unité et de communion ». Il a écrit, entre autres, un traité sur l'amitié spirituelle qui n'a rien perdu de son actualité.

« La communauté monastique ne lie ses membres ni par les liens du sang, ni par les intérêts du commerce, ni par les affinités électives…[Elle] tente de vivre l’expérience de l’amitié en toute liberté, en toute gratuité. Sous le regard de Dieu. » (p.8)

Relations auxquelles en fait nous sommes tous appelés sous des modes différents.
« N’ayons 
pas peur de la tendresse ! » souligne le pape François. Pour ce qui devrait aller de soi, cette réflexion du pape fit cependant choc, surtout dans les milieux religieux. Un grand vent frais !

L’amour de Dieu n’est pas un amour désincarné et abstrait. Dieu est amitié. C’est-à-dire que nous entrons là dans une relation incarnée, affective, aussi concrète que nos amitiés de tous les jours. (p.14)

Nous avons souvent vu la religion comme une obéissance à des commandements, comme une

contrainte. L’auteur développe ici en quoi la relation à Dieu est joie et liberté. Comme tout amour véritable mais avec une autre dimension. Les valeurs de l’amitié donnent dans une certaine mesure une plus grande liberté relationnelle que l’amour.

L’amour est en recherche de perfection ; ce qui peut expliquer en partie les déceptions menant au divorce. « L’amitié elle, accepte les limites, les limitations, les partialités » (p.66) .

D’une certaine façon, l’amitié nous serait-elle plus accessible que l’amour ?

Dire que Dieu est amitié rend la relation à Dieu plus gratuite, moins exclusive, ce qui n’empêche en rien l’intensité. « Dieu ne veut pas que nous ayons besoin de lui ; il veut tout smplement que nous l’aimions. » (p.89)

 « L’amitié est un accord des sentiments (consensio) au sujet des choses humaines et des choses divines, accompagné de bienveillance et d’estime (caritas) » (Cicéron , cité p.19)

L’auteur (et Aelred) développe l’origine de l’amitié, la diffèrence entre amitié et amour.

Le philosophe Aristote est convaincu que la sociabilité de l’homme est plus une tendance naturelle qu’un besoin. Nous désirons vivre ensemble… mais non sans mal.

 «  Plus la personne humaine grandit, plus elle mûrit et plus elle se sanctifie à mesure qu’elle entre en relation, quand elle sort d’elle-même pour vivre en communion avec Dieu, avec les autres et avec toutes les créatures. Elle assume ainsi dans sa propre existence ce dynamisme trinitaire que Dieu a imprimé en elle depuis sa création. » (Pape François, Laudato Si – cité p.44)

« Aimer jusqu’au bout, c’est aimer jusqu’à accepter que l’autre ne nous aime pas. » (p.111)

La vie éternelle sera une vie bienheureuse où l’amitié s’étendra alors à tous. (p.119)

 L’auteur, dans son épilogue, anticipe la critique qui nous vient aux lèvres en le lisant : Xavier Morales à l’école d’Aelred de Rievaulx porte très (trop) haut les valeurs qu’implique une amitié véritable . Il y en a de toutes simples et belles, accessibles à tous. Et il ne va pas de soi non plus qu’avoir un ou des (vrais) amis nous mène directement à Dieu. Le sujet peut être fort bien traité sans qu’aucune référence ne soit faite à Dieu.

Il n’en reste pas moins qu’on peut dire malheureux l’homme qui est seul , sans amis.

Heureux par contre celui qui connaît l’amitié car le sachant ou non, il touche là au cœur de l’homme cette valeur essentielle qui dépasse tout autre bien périssable et qui est le moteur de nos vies : aimer et être aimé…

Dieu est notre plus grand ami. Mais le croyons-nous ?

 Ce livre nous conduit bien évidemment à découvrir : « L’Amitié spirituelle » de  Aelred de Rievaulx – Vie monastique n°30 – Abbaye de Bellefontaine, 1994

                                    *     

 DG- 2016
*© D.G

 

 

 

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Jeudi 17 Mars 2016

L'Abbaye de Clairvaux (BD)

L’Abbaye de Clairvaux
Le corps et l’âme
Didier CONVARD – Eric ADAM – Denis BECHU
Ed. Glénat, 2015 BD – 47 p.

                        

Cette BD a été éditée en 2015 à l'occasion du 9° centenaire de la fondation de l'abbaye de Clairvaux par saint Bernard .
Elle vient de recevoir le prix Gabriel , décerné par le CRIABD - Belgique


Il n’est jamais simple de réaliser une BD historique de qualité. Il faut bien connaître son sujet, se faire accompagner par quelques spécialistes historiens et archivistes et surtout , malgré une vie à multi-facettes comme l’est celle de saint Bernard de Clairvaux, en tirer le suc, l’essentiel.

Les auteurs de cette BD « L’Abbaye de Clairvaux » , à travers leurs images et leurs textes, parviennent à bien nous faire entrer dans l’ambiance de l’époque médiévale, dans la rudesse des conditions de vie… et de mort. Il ne s’agit pas tant de l’histoire d’une abbaye (titre plus attractif ?) que de celle d’un homme, d’un moine hors du commun Bernard, charismatique avant l’heure, dont on fête cette année le 9° Centenaire de la fondation de son abbaye à Clairvaux dans l’Aube. A sa mort en 1153, 350 abbayes cisterciennes étaient nées à travers l’Europe et Clairvaux comptait plus de 500 moines ! Cet album retrace avec justesse, autant qu’il est possible en ces quelques pages, l’évolution de la construction de ce célèbre monastère et comment Bernard réussit à transformer, séduire les cœurs, non pour lui-même mais pour Dieu, par son exemple, son courage, l’amour de ses frères et en particulier des plus pauvres qu’il remettait « debout » par des actions valorisantes et adaptées à chacun.
Au fil de l’histoire, quand on connaît un peu les écrits de saint Bernard, on retrouve, glissés dans les dialogues ce qui fit la valeur de Bernard : une foi chevillée au corps d’un grand mystique mais aussi homme de terrain, grand orateur, sollicité par les rois et les papes. Est très bien évoquée aussi la faiblesse physique du saint meneur d’hommes auxquels il savait avec humilité et ardeur faire appel en respectant aussi leur liberté. « C’est dans ma faiblesse que je suis fort … », disait saint Paul, car il ne comptait pas tant sur lui que sur Dieu. Une bonne BD, pleine d’action, qui peut séduire les lecteurs de tous âges et leur donner envie d’en savoir plus sur la vie de saint Bernard de Clairvaux.

Les biographies (simples) de Saint Bernard sont nombreuses. On peut cependant conseiller pour une première approche :
- Sur les pas de Bernard de Clairvaux et des cisterciens – J.Frizot et T. Perrin – Ed Ouest-France 2006
Et pour découvrir un peu ses lettres remarquables : - Lettres d’humanité – Saint Bernard de Clairvaux – Ed. du Cerf, 1996 – Coll. Foi Vivante

D.G

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Mercredi 23 Septembre 2015

Méditer avec saint Bernard

Lode Van Hecke

 Une pensée par jour

 Introduction et florilège rassemblé par LODE VAN HECKE 

 Editions Salvator 2015
 380 p.

                       

 Sans être fan de vies de saints, livres qu'on croit à tort avoir un contenu désuet, le croyant chrétien qui s’appuye sur la Parole de Dieu, ne doit pas oublier que celle-ci s’incarne au quotidien dans notre humanité : vies d’hommes célèbres contemporains tels le Pape ou Sœur Emmanuelle mais aussi, peut-être cette catéchiste ou notre voisin de palier. Leurs simples paroles peuvent bousculer nos vies vers une plus grande proximité de Dieu et de nos frères. Petites graines semées,  elles vont nous habiter, nous guider, nous inviter à être nous aussi de petites étoiles divines, des témoins de l’Invisible.

 De nombreuses publications, sur le principe du calendrier,  nous invitent à contempler une œuvre d’art par jour, à lire une pensée apaisante ou humoristique ou à découvrir chaque matin un paysage extraordinaire vu du ciel .
Parmi tant de choix possibles qui vont éclairer un peu notre journée  un livre vient à point nous proposer « une pensée par jour » sélectionnée parmi les nombreux écrits de  saint Bernard de Clairvaux.

Lode Van Hecke, Père Abbé de l’abbaye d’Orval en Belgique, spécialiste de saint Bernard en bon cistercien qu’il est, chercheur de Dieu comme le sont les moines mais aussi comme l’est sûrement tout chrétien (soyons optimistes !)  nous offre dans un livre très accessible une belle anthologie : « Méditer avec saint Bernard ».

Bien que sorties de leur contexte, ces petites phrases quotidiennes nous interpellent, nous transmettent l’expérience spirituelle de ce grand saint homme (peut-être pas plus parfait que nous mais aimant Dieu passionnément) qui " nous introduit au coeur du mystère chrétien là où l’essentiel de la foi n'est pas seulement compris mais aussi goûté" , note Dom Lode (p.6)
« Son cœur rencontre notre cœur, …  et saint Bernard montre la place du désir et de l’affectivité dans une recherche de Dieu qui intègre tout l’être humain. » (p.8)

 Les références précisées à chaque citation nous invitent à retrouver aisèment ce florilège dans son contexte. Quelques clics sur internet et nous y sommes.

Par ex. pour trouver tous les écrits de saint Bernard

Taper : Sermons saint Bernard de Clairvaux
           puis www.JesusMarie.com

 DG

 Extraits

 18 février

« J’ai cherché, dit l’Epouse, celui que mon cœur aime. Oui, c’est bien à cette recherche que t’invite la tendresse prévenante de celui qui, le premier, t’a cherchée et aimée. Tu ne le chercherais pas, s’il ne t’avait d’abord cherchée ; tu ne l’aimerais pas, s’il ne t’avait d’abord aimée. » Sermon sur le Cantique des cantiques 84, 4

 25 septembre

« Si quelqu’un désire voir Dieu dans l’avenir, il faut sans aucun doute que, dans le présent, il commence par écouter Dieu. »
   Sermons divers 77

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Vendredi 10 Juillet 2015

 Introduction à la vie priante

Dom Olivier QUENARDEL, Abbé de Cîteaux

Entretiens avec Véronique Dufief 

Préface du Frère Aloïs, Prieur de Taizé.

 Ed. L’Echelle de Jacob, 2011

223 p.

                    

Entré à Cîteaux, abbaye de moines trappistes, depuis près de 50 années, Dom Olivier Quenardel en est le Père Abbé depuis 1993.

               
                 Abbaye Notre-Dame de Cîteaux (Côte d’Or)

 Les livres sur l’initiation à la prière sont innombrables et de tous styles. Celui-ci sous forme d’interview en rend la lecture plus fluide , et par le témoignage d’une longue vie où la prière est la clef de voûte rayonnante , nous permet d’entrer dans une façon de penser et de vivre à la fois peut être très différente de la nôtre mais en même temps qui nous est offerte presque comme une évidence.

Quand on connaît un  peu Dom Olivier, on sait combien son visage et sa parole s’émerveillent toujours en citant la Parole de Dieu, en la transmettant, en l’éclairant. Avec le même enthousiasme qu’un époux parle de son épouse bien-aimée qui est tout pour lui et qui donne couleur à toute sa vie.

D’ailleurs de nombreux passages sont illustrés de souvenirs de jeunesse qui l’ont marqué durablement. A la fin du document , une table des citations est appréciable.

 - Prière, silence et poésie

 
La vie monastique est nourrie 7 fois par jour de la prière des psaumes, poèmes de louange, d’adoration, de supplication, d’interrogation. Pour le moine, « c’est toute la vie qui devient prière » dynamisée, vivifiée par cette source intarissable . La poésie nous donne parfois les mots qui nous manquent pour exprimer « l’insondable »
qu’est Dieu. Et nous sommes à l’image de Dieu qui continue de nous façonner si nous le laissons œuvrer en nous.

« Le silence nous plonge dans l’adoration » (p.19) tout comme nous restons muets parvenus au sommet d’une montagne et contemplant la beauté de la création… après une rude ascension.

Pour entrer dans la prière, Dom Olivier insiste sur l’importance de notre consentement profond qui vient de notre conviction d’être aimé de Dieu.

« Consentir, donner son plein accord au Mystère de Jésus, le Christ… Tout est là. C’est là tout le sens de notre vie. » (p.27)

                                                                             
                  Saint Benoît

 Et la Règle de saint Benoît donne au moine les outils pour avancer ensemble. Benoît parle même d’armes. Les combats peuvent être rudes, nous le savons bien tous.

Dieu n’attend pas de nous des prières bien faites même si un bon apprentissage peut aider. Mais ne tombons pas dans « le perfectionnisme de la forme » (p.32)

Quelques conseils cependant peuvent être bienvenus : «  Lire à voix haute… S’appliquer à écrire aussi… Calligraphier… » (p.44). Mais on peut ajouter chanter, broder, planter…

« Il prie deux fois celui qui chante bien. » (p.49)

L’amour d’un  père ou d’une mère pour son enfant n’attend pas de grands discours, mais un cœur joyeux d’être aimé et de rendre la pareille avec les petits moyens qui sont les siens.

Chacun ses moyens . Pensons à l’histoire du pharisien et du publicain. Dieu préfère toujours le pauvre. Que serait un amour qui n’attend rien de l’autre ?

 -         La prière et le désir.

Le début du livre nous a déjà bien fait saisir que la prière n’est pas un rite vide, sans répercussion sur tout le reste de notre vie. Elle porte fruits. De même la vraie prière que Dieu aime ne peut naître sans notre désir profond de rencontrer le Seigneur. « Présence douce et captivante » (p.64).  Notre cœur n’adhère vraiment qu’à ce que nous désirons. C’est vrai pour la prière comme de bien d’autres choses.

Sont évoquées les Béatitudes, divine réponse à nos cris. Le désir est inséparable du manque.

« Une seule chose te manque, dit Jésus au jeune homme riche, va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras  un trésor dans le ciel ; puis, viens, suis-moi » (Mc10,17-22 – p.71)

Avec Jésus (tout comme dans l’engagement du mariage d’ailleurs), il faut « oser prendre un autre chemin, aller vers de nouveaux horizons, purifier son cœur, simplifier son esprit. » (p.71)

Saint Paul, « homme de feu, saisi par le Christ,… nous invite à désapprendre pour courir mieux, pour mieux saisir le Christ. » (p.72)

Désirer n’incite pas à tomber dans l’excès « où on a vite fait de s’égarer … D’où l’importance d’avoir un bon maître… quelqu’un à qui parler en confiance. »

« Quelqu’un qui est à soi-même son propre maître, se fait le disciple d’un sot. » (Saint Bernard de Clairvaux, Lettres – cité p.74).

            
                Saint Bernard –Broderie sur chasuble
                Abbaye d’Orval

 Reconnaissons notre fragilité et attention à notre ego ! La Bible nous en offre de multiples exemples.

A ce propos, tout comme Benoît dans sa Règle, Dom Olivier Quenardel appuie ses propos en se référant aux textes bibliques car c’est bien sur eux que se fonde sa foi. C’est une piste à suivre pour nous aussi et on peut se réjouir des groupes bibliques qui naissent un peu partout dans nos paroisses ou communautés.

Le manque de désir (acédie) quand il devient grave a aussi un autre nom celui de dépression. Le monde d’aujourd’hui en sait quelque chose. Il rejoint étrangement (mais ce n’est pas le Père Olivier qui le dit) l’absence de désir chez l’enfant trop gâté qui a tout sans avoir le temps de rien désirer. Le désir a quelque chose même de plus intense que la possession. Et avec Dieu, ne nous étonnons donc pas de notre désir inépuisable. « Je veux voir Dieu » écrivait le Père Marie-Eugène, célèbre carme. (Editions du Carmel, 1998).

« Comment faire face ? En demeurant fidèle aux pratiques habituelles de notre vie… en trouvant des moyens pour se détendre. » Ce que ne savent plus faire les nombreux couples qui se séparent au moindre accroc. « La guérison est dans la fidélité » (p.89). C’est vrai aussi pour la prière.

La fidélité, la conversion nécessiteront certains renoncements, c’est vrai. Entrer dans la vie religieuse, comme dans certaines vies professionnelles très prenantes, comme dans la construction d’une famille,  nécessitent des renoncements parfois très lourds. Mais notre vrai moteur, c’est d’abord l’amour. Ceux qui ont choisi  l’argent ou le pouvoir courent à leur perte.

Phrase désabusée d’un ouvrier ces jours derniers à la TV : «  Notre patron, ce qui l’intéresse, ce n’est pas nous, c’est le cours de la bourse ! ».

 Dans son encyclique écologique «  Laudato, si’ » (= Loué sois-tu !), le Pape François insiste bien sur ce recentrage urgent et indispensable de la création toute entière dont l’homme fait partie.

            
              Le Pape François

 Prière et désert.

Avec le désert, nous retrouvons le silence et le désir. Le désert , lieu de l’illimité, de la faim et de la soif, a toujours attiré l’homme dès les débuts du monachisme. Un peu comme les retraitants qui viennent aujourd’hui nombreux dans les monastères même si leurs motivations sont très diverses.

Voyez comment sont très souvent retranchés au fond d’une vallée, cachés au bout d’une route improbable, de nombreux monastères. On pense à la « claire vallée » de Clairvaux (Aube) dont on fête cette année le 9° centenaire de la fondation de l’abbaye, et à ces forêts, évoquées par saint Bernard, « qui parlent mieux que les livres ».

            Vivre à Dieu seul

Et se tenir en sa présence,

            Tout quitter pour atteindre la paix

            Choisir le silence…                                   -Hymne monastique,   CFC- cité p.114-

             

Abbaye de Fontenay

 Le chartreux donne le témoignage de l’absolu de Dieu en vivant totalement retiré, mais il n’est pas ermite (vocation rare et risquée) et en Chartreuse,  une place est aussi donnée à la vie communautaire. Dieu n’est-il pas Trinité ?

Notre capacité à pratiquer la vie fraternelle est un signe qui ne trompe pas. Quelle chance d’avoir des frères, des sœurs pour nous soutenir , nous encourager, nous relever, nous permettre aussi de manifester notre charité, d’être « lumière ».

La nuit est aussi une forme de désert en contraste avec le jour. La nuit qui seule peut permettre aux bergers et aux mages de voir l’Etoile. « La nuit … moment privilégié…pour ceux qui s’aiment. » (p.123)

La prière au pied de Jésus, comme l’amour humain, peuvent connaître des périodes d’aridité … mais au fond « la prière nous est toujours donnée » (p.129) et comme dirait encore saint Bernard « c’est nous qui n’y sommes pas ».

Une expression de Dom Olivier qui peut nous parler aussi : « Le moine n’en est plus à se tâter pour savoir si, oui ou non, il va aller à la messe ou aux vêpres. Il s’est engagé par amour , et donc il y va. » (p.139)

Epuisée par les tâches de la journée, la maman n’a pas toujours envie de raconter encore une histoire à son enfant avant de dormir . Et pourtant elle y va. Quel doux et précieux moment …

 - Prière et communion

               
       
       Fra Angelico – La Crucifixion (1442) – Couvent Saint Marc- Florence

 «  S’il y en a un qui se donne tout à tous, c’est bien Jésus…On comprend pourquoi un Fra Angelico, dans l’impressionnante Crucifixion de la capitulaire du couvent saint Marc, à Florence, regroupe au pied de la Croix, non seulement la Vierge Marie, saint Jean et Marie-Madeleine, mais aussi saint Augustin, saint Benoît, saint Bernard, saint François, saint Dominique et d’autres encore. A quelques siècles qu’ils appartiennent, tous les membres du Corps du Christ deviennent contemporains les uns des autres par le seul Jésus-Christ, Notre Seigneur. » (p.167)

« Au terme, nous parviendrons tous ensemble à l’unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu… Par lui, dans l’harmonie et la cohésion, tout le corps poursuit sa croissance, grâce aux connexions internes qui le maintiennent, selon l’activité qui est à la mesure de chaque membre. Ainsi le corps se construit dans l’amour. » (Ep 4, 7…16- cité p.168)

 Invicem (= les uns les autres) et solatium (= réconfort, consolation) sont les deux piliers du service fraternel conçu  par saint Benoît et qui tiennent à cœur au Père Abbé de Cîteaux . Il y a depuis longtemps initié le rameau de laïcs cisterciens qui l’a pris comme berger.

 « Eviter tout ce qui peut nuire à la paix de l’âme et engendrer la tristesse… Chacun est appelé à devenir pour ses frères un consolateur, … un homme de réconfort. » (p.170)

             A la mesure sans mesure
             De ton immensité

            Tu nous manques, Seigneur.
            Ta place reste marquée
            Comme un grand vide, une blessure…


            Dans le tourment de ton absence,
            C’est toi déjà, Seigneur,
            qui nous as rencontrés.

            Tu n’es jamais un étranger
            mais l’hôte plus intérieur
            qui se révèle en transparence.

                        Hymne CFC – cité p.189-190
DG.

epuis longtemps                                                                    Photos personnelles-Ne figurent pas dans le livre

Mise à jour : Jeudi 16 Mars 2023, 13:16
Denyse - rubrique 04 - SPIRITUALITE CISTERCIENNE - Version imprimable - Permalien - 0 commentaires

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