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Règle de saint Benoît - texte et commentaires - ch 50-51-52-53

RB 50. Les frères qui travaillent loin de l’oratoire, ou qui sont en voyage

Les frères qui travaillent au loin et ne peuvent revenir à l’oratoire à l’Heure voulue — l’Abbé l’ayant jugé tel — accompliront l’Œuvre de Dieu sur place et à genoux, avec la crainte due à la Divinité.
De même, ceux qui sont conduits à voyager ne laisseront pas passer les Heures prescrites, mais ils les diront en particulier, comme ils pourront, et ne négligeront pas de s’acquitter du devoir de leur service.

On s'excuse très (trop) facilement de n'avoir pas trouvé le temps de visiter un ami, de prier, d'aller à la messe. Tant d'autres choses peuvent nous solliciter  qui pourraient cependant être remises à plus tard.

Saint Benoît insiste ici sur la nécessité de ne pas passer à coté de l'essentiel quelque soit la situation du jour. Toujours nous recentrer sur Dieu, sur la Parole qui nous nourrit comme le pain quotidien.

Nous ne mesurons certainement pas assez l'importance pour notre vie de la nourriture spirituelle de chaque jour. Essayons de nous y astreindre et nous en verrons les bienfaits.

             

 «  Il n'y a pas de vacances pour la prière, non plus que pour une certaine austérité et maîtrise de soi, une certaine réserve par rapport aux sollicitations venant de l'extérieur... Il y a en en nous une attirance secrète vers la prière ; un tel besoin de prier, de rester avec Dieu, de 'demeurer ', que toute exhortation à la prière nous trouve réceptifs et consentants ; mais il y a aussi une répugnance naturelle au labeur qu'elle nous impose, à l'aridité d'une activité, qui se développant sur un plan purement théologal, ne contente pas notre besoin humain de pensée et d'action. Aussi avons-nous sans cesse besoin d'être rappelé à la prière... et peu à peu la prière nous deviendra comme une seconde nature. » * (p.516-517)

RB 51. Les frères qui vont en des lieux pas très éloignés

Le frère qui sort pour une affaire quelconque et espère rentrer le jour même au monastère ne se permettra pas de manger au dehors, même s’il est invité instamment par qui que ce soit — à moins que l’Abbé ne l’ait peut-être autorisé. S’il agit autrement, qu’il soit excommunié.

Saint Benoît souligne ici , dans le cas précis d'une sortie du moine à l'extérieur, que celui-ci ne doit pas oublier qu'il appartient d'abord à Dieu et à sa communauté. Il y a toujours risque de trouver trop d'attrait pour le « monde »...

RB 52. L’oratoire du monastère

L’oratoire sera ce que signifie son nom. On n’y fera et on n’y déposera rien d’étranger à sa destination. L’Œuvre de Dieu terminée, tous les frères sortiront dans un profond silence, et maintiendront leur révérence envers Dieu ; afin qu’un frère qui veut y prier en particulier n’en soit pas empêché par l’importunité d’autrui.

De même, si à un autre moment quelqu’un veut prier avec plus de recueillement, qu’il entre simplement et qu’il prie, non pas avec des éclats de voix, mais avec larmes et ferveur du cœur. À qui ne se conduit pas ainsi, on ne permettra donc pas de demeurer dans l’oratoire après l’Œuvre de Dieu, comme il a été dit, de peur que d’autres n’en soient importunés.

On comprend sans peine l'importance de ce lieu qu'est l'oratoire pour les moines et le grand respect qui y est dû pour le lieu lui-même et pour les moines (moniales) qui y prient.

Le temps de l'été est souvent l'occasion de visiter des lieux religieux. On remarque, à quelques exceptions près, que le public baisse naturellement la voix, regarde vitraux et mobilier avec respect, s'assoit un moment en silence... Temps privilégié des vacances où Dieu nous croise...  
       
        
Abbaye de Cîteaux (Côte d'Or) -            
   © D.G

- « Puisse notre église être vraiment la maison de Dieu et n'être que cela : puissions-nous en venant souvent prier à l'église, retrouver Dieu dans le secret de notre cœur. Aimons aller à l'église...

Ce respect [vis-à-vis de Dieu] n'est pas forcément très profond. Le respect profond s'apprend. Quand il s'agit de Dieu, c'est toute la vie qui doit devenir école de respect, de cette crainte révérentielle pénétrée d'amour qui se traduit dans notre attitude extérieure (p.525)

- Rappelons-nous la parole du Seigneur : « Retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là dans le secret. » (saint Matthieu 6,6) -p.529 *

RB 53. La réception des hôtes

Tous les hôtes qui arrivent seront reçus comme le Christ, car lui-même dira un jour :  J’ai demandé l’hospitalité et vous m’avez reçu.[ Mt 25, 35 ]  À tous on témoignera l’honneur qui leur est dû, surtout aux proches dans la foi (l’expression domesticis fidei désigne ceux qui font tout particulièrement partie de la maison — domus — de l’Église, par exemple les clercs et les moines) [ Ga 6, 10 ] et aux pèlerins.

Ce beau chapitre est important et fait en quelque sorte partie de l'ADN monastique. Les moines et moniales d'aujourd'hui en sont bien conscients ayant largement développé l'accueil et les hôtelleries.

C'est une source de revenus bien sûr, mais c'est surtout en lien avec RB53 et avec une grande attente des visiteurs d'abbayes. L'accueil qui leur est fait est, s'il est bien fait, un fort témoignage de la foi chrétienne qui est charité, une occasion d'échanges, de consolation parfois et d'approche de Dieu, le Miséricordieux comme le nomment aussi les musulmans. « C'est le Christ qui reçoit, c'est le Christ qui est reçu. »

                                
 
Mais comment recevons-nous aussi nos hôtes dans nos maisons, nos presbytères, nos communautés ? Ceux qui arrivent parfois à l'improviste, ceux qui dérangent ? « Ils seront reçus comme le Christ »...

« Comment nous comportons-nous avec notre prochain ? Aujourd'hui saint Benoît nous parle des hôtes. Quelle est vis-à-vis d'eux notre attitude ? Dispersion, curiosité, recherche de nous-mêmes, ou bien crainte de Dieu, amour désintéressé ? La véritable hospitalité est faite de dépouillement intérieur, de vide de soi-même ; de silence qui permet de reconnaître le Christ et de lui donner ce qu'il vient chercher. » (p.352)*

Aussitôt donc qu’un hôte aura été annoncé, le supérieur et les frères se hâteront à sa rencontre avec toutes les marques de la charité. On priera d’abord ensemble, et ensuite on se donnera mutuellement la paix. Ce baiser de paix ne se donnera qu’après la prière, pour se garder de diaboliques illusions.
(allusion à certains récits rapportés dans les Vies des moines d’Orient)

Dans la manière de saluer, on témoignera à tous les hôtes une profonde humilité : devant ceux qui arriveront ou partiront, on inclinera la tête, ou on se prosternera, le corps par terre, adorant en eux le Christ même qu’on reçoit.

Les hôtes ainsi accueillis seront conduits à la prière : après quoi le supérieur, ou un autre désigné par lui, s’assiéra en leur compagnie. On lira en présence de l’hôte la divine Écriture(lit. loi divine) pour son édification. Ensuite on le traitera avec toute l’humanité possible.

Le supérieur rompra le jeûne à cause de l’hôte, à moins que ce ne soit un des jours de jeûnes principaux qu’on ne puisse enfreindre. Quant aux frères, ils observeront leurs jeûnes comme de coutume.

L’Abbé versera de l’eau sur les mains des hôtes ; lui même, avec la communauté entière, lavera les pieds à tous les hôtes. Après quoi, ils diront ce verset :  Nous recevons, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple.[ Ps 47, 10 ] 

On montrera une sollicitude et un soin tout particulier dans l’accueil des pauvres et des pèlerins, parce que c’est surtout en leurs personnes qu’on reçoit le Christ. Pour les riches, en effet, la crainte qu’ils inspirent porte d’elle-même à les honorer.

« On priera d'abord ensemble » très bel accueil monastique qu'on ne pratique plus guère peut-être par respect de l'hôte dont on ne connaît pas l'état d'esprit. Mais il est toujours invité à participer à la prière monastique. Entre moines/moniales, d'abord prier ensemble est certainement essentiel. Confier d'abord la rencontre à Dieu.

Quant à se donner la paix, quel beau geste d'accueil ! Cela fait penser au « Gruss Got » échangé par les marcheurs en Autriche : Dieu te salue ! Ou au « salam aleykum » des musulmans.

Faisons attention à nos saluts parfois un peu trop pressés et où le « çà va ? » n'attend même pas de réponse...

« C'est vraiment la paix que les hôtes viennent chercher parmi nous, non que nous puissions la leur donner, mais parce que le Christ, habitant notre maison, leur communique chez nous sa paix... Que la béatitude exprimée par Jésus nous inspire : Heureux les artisans de paix. » (p.538)*

                                
                                 Abbaye de Senones (Vosges) © D.G

La cuisine de l’Abbé et des hôtes sera à part, afin que les frères ne soient pas troublés par les hôtes qui arrivent à des heures incertaines, et ne manquent jamais au monastère.
Chaque année, deux frères capables de bien remplir leur office entreront au service de cette cuisine. On leur donnera, au besoin, des aides afin qu’ils servent sans murmure. Et quand, au contraire, ils n’auront pas assez d’occupation, ils iront à l’ouvrage qu’on leur commandera.
Et cette disposition vaut non seulement pour eux, mais encore pour tous les offices du monastère : quand les frères auront besoin d’aides, on leur en donnera ; et lorsqu’ils manqueront d’occupation, qu’ils obéissent en faisant ce qui leur sera commandé.

On relève ici le soin qu'a Benoît du bon fonctionnement du monastère : organisation des lieux afin de ne pas déranger le silence. Adaptation en fonction des besoins en plus ou en moins. Il veille en particulier sur l'inactivité qui relâcherait le dynamisme et la spiritualité des moines. Et toujours présence de l'obéissance en toutes circonstances.

On voit combien l'organisation pratique de nos vies peut avoir un impact sur notre état d'esprit et notre façon d'être. Même si de nos jours on accorde à juste titre de l'intérêt au temps libre, reste à savoir comment nous l'occupons et comment il s'équilibre avec nos temps d'activité.
Les vacances approchent. Qu'allons-nous en faire ?

« Ne pas perdre Dieu de vue. » (p.542)*

                     
 

Quant au logement des hôtes, on en confiera la charge à un frère dont l’âme soit remplie de la crainte de Dieu. Il y aura des lits garnis en nombre suffisant, et on fera en sorte que la maison de Dieu soit sagement administrée par des gens sages.
On n’abordera pas les hôtes, ni ne leur parlera sans permission. Si on les rencontre ou les aperçoit, on les saluera humblement, comme il a été dit, et après avoir demandé une bénédiction, on passera outre en disant ne pas avoir la permission de s’entretenir avec un hôte.

Quelle prudence chez saint Benoît ! Les rencontres entre hôtelier et hôtes ont tout de même et heureusement évolué . Sagesse et réserves sont toujours de mise mais l'accueil est désormais plus avenant et fraternel. Mais quand on connaît bien la Règle, on la voit toujours affleurer dans les comportements monastiques.

Dans nos vies, la sagesse est toujours recommandée ainsi que la bienveillance. Nous souvenant toujours que l'écoute de l'autre est primordiale. « Les uns les autres » nous rappelle souvent l'Evangile. Cela veut dire que pour que l'amour fraternel fonctionne, il vaut mieux être dans la réciprocité.

                                    

«  Nous devons avoir un profond respect des âmes ; ce serait y manquer que de chercher à entrer en rapport avec qui ne nous le demanderait pas... Ce que [les hôtes] nous demandent ce n'est pas de leur livrer nous-mêmes, mais de leur donner Dieu. » (p.542)*



* Cf. Texte et commentaires de la Règle dans  « Quel est l'homme qui désire voir des jours heureux » – P.Denis HUERRE Ed. Saint Léger 2023 Traduit en français par Germain Morin de l’abbaye de Maredsous1944 - Révisé sur la traduction de Philibert Schmitz de la même abbaye , 2023 

Mise à jour : Jeudi 20 Juin 2024, 12:43
Denyse dans 08- ARCHIVES - Règle de Saint Benoît - Texte et commentaires ch.1 à 61 - Lu 186 fois - Version imprimable
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