Mardi 20 Avril 2021

Arlempdes (Haute-Loire) © D.G
Sur ce blog
¤ 02- Recensions de LIVRES et revues
(notre avis) :
ANNEE 2021
- Le Pèlerinage des 88 temples
Sur les chemins sacrés du Japon
Ariane WILSON
Ed. Arthaud Poche, 2019
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- Sages, mystiques et maîtres spirituels
sous la direction de Frédéric LENOIR et Ysé TARDAN-MASQUELIER
Ed. Bayard, 2020
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- Habiter ensemble. Le lieu monastique entre Orient et Occident
Adalberto MAINARDI, moine de Bose (Italie)
Collectanea Cisterciensia – Revue de spiritualité monastique - 2020-4
2021-1
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- Simon appelé Pierre
Mauro - Giuseppe LEPORI
Editions du Cerf 2019
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- Pour l'amour de Dieu
Anne SOUPA
Ed . Albin Michel 2020
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- Une Histoire du sentiment religieux au XIX°siècle
Guillaume CUCHET
Ed. du Cerf 2020
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- Le Carême et le mystère pascal
Mémoire et actualisation
Raymond WINLING
Ed. Salvator 2020
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- Le Grand bonheur
Vie des moines
Nicolas DIAT
Ed. Fayard 2020 - Récit.
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- Unité des chrétiens – n°201 – Janvier 2021
Revue
« Rendez-vous avec les trois coprésidents du Conseil d'Eglises chrétiennes en France » :
Mgr Eric de Moulins-Beaufort, Pasteur François Clavairoly et Métropolite Emmanuel de France.
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- Le Soir approche et déjà le jour baisse
Cardinal Robert SARAH – Nicolas DIAT
Ed. Fayard 2019
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- L'écologie intégrale au coeur des monastères
Nathalie de Kaniv - P. François You
Ed. Parole et silence, 2019
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ANNEE 2020
- Le jour baisse
Journal X – 2009-2012
Charles JULIET
Ed. P.O.L 2020
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- A Philémon
Réflexions sur la liberté chrétienne
Adrien CANDIARD
Ed. du Cerf, 2019
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- A rude épreuve
La saga des Cazalet T.2
Elizabeth Jane HOWARD
Ed. La Table ronde 2020
Roman
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- Dieu, un détour inutile ?
Entretiens
Louis-Marie CHAUVET
Ed. du Cerf, 2020
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- Les Caves du Potala (roman)
Dai SIJIE
Ed. Gallimard, 2020
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- RESURRECTION . 1917-2017
Lilya TOURKINA, Charles XELOT
Editions du Cerf, 2017
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- Au nom de Dieu et des hommes
La grande saga des franciscains, dominicains et jésuites
Jérôme CORDELIER
Ed. Fayard, 2017
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- Penser Dieu aujourd'hui
Un regard protestant
Jean-Paul MORLEY
Editions Olivetan, 2020
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Un roman pour les vacances ...
Etés anglais
Elizabeth Jane Howard
Ed. Quai Voltaire, 2020
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- ALMA
Le Vent se lève
Timothée de FOMBELLE
Gallimard Jeunesse, 2020
Roman
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- Marc, l'histoire d'un choc
David-Marc d'HAMONVILLE
Ed. du Cerf, 2019
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- Saint Syméon le Nouveau Théologien
Revue Mikhtav n° 87 - avril 2020
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- Pour lire et prier les Psaumes
Michel BERDER - Sophie RAMOND
Ed. du Cerf, 2016
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- 15 PARABOLES TOURNEES VERS L'ESSENTIEL
Père RENE-LUC
Ed.Presses de la Renaissance, 2018
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- PEREGRINATIONS (1723-1747)
Vassili GRIGOROVITCH-BARSKI
Editions des Syrtes, 2019
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- Liens cisterciens n° 38 - mars 2020 - Revue
"Le chrétien dans la désorientation du monde"
Conférence de Dom M.G. Lepori
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- Le Monde de la Bible n°232 - 2020
Dossier : Le prêtre, des polythéismes au christianisme
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- Promenades au pays de l'écriture
Armando PETRUCCI
Ed. Zones sensibles, 2019
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- JESUS - Approche historique
José Antonio PAGOLA
Ed. du Cerf, 2019 – Coll. Histoire Lexio
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- La Caravane du pape
Hélène Bonafous- Murat
Ed. Le Passage, 2019
Roman
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- LES BENEDICTINS
sous la direction de Daniel-Odon HUREL
Ed. Laffont, 2020, collection Bouquins
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- Les conditions du dialogue ou comment dialoguer en vérité.
Jacqueline CUCHE, présidente de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France
Revue MIKHTAV n°85 - août 2019
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- Un an dans la vie d'une forêt
Observer le jeu des saisons, garder le silence, se fondre dans le microcosme...
David G. HASKELL
Ed. Libres Champs, 2016
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- Une Journée dans une vie, une vie dans une journée
Des ascètes et des moines aujourd’hui
Sous la direction de Adeline HERROU
Puf, 2019
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- ANNEE 2019
- Gratitude
Journal IX 2004-2008
Charles JULIET
P.O.L 2017
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- NAGORI
La Nostalgie de la saison qui vient de nous quitter
Ryoko SEKIGUCHI
- Nous étions nés pour être heureux
Lionel DUROY
Julliard 2019
( Roman)
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- La Vie des moines au temps des grandes abbayes
Dom Anselme DAVRIL – Eric PALAZZO
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- Le Monde de la Bible
n° 230 - sept.oct.nov.2019
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- L’Amitié à l’épreuve de la diversité
Pierre le Vénérable – Bernard de Clairvaux
Correspondance
Saint-Léger Editions, 2019
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- Aux racines de la liberté
Les paradoxes du christianisme
Timothy RADCLIFFE
Ed. du Cerf 2019
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- Ellis Island
Georges PEREC
Editions P.O.L 2019 - Ed. du Cerf 2019
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- Le désert intérieur
Marie-Madeleine DAVY
Albin Michel - Spiritualités vivantes, 1985 -réimpr.2017
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- John Bradburne - Une vie
Didier RANCE
Ed. Salvator, 2019 Albin Michel - Spiritualités vivantes
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- Le Syndrome Tom Sawyer
Samuel ADRIAN
Ed. Equateurs Littérature 2019
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- Le livre de l'Apocalypse
Régis BURNET
Coll. Mon ABC de la Bible
Ed. du Cerf, 2019
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- Sept maladies spirituelles.
Entrer dans le dynamisme des mouvements intérieurs.
Catherine AUBIN
Ed. Salvator-Novalis 2019
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- La naissance du christianisme
Enrico Norelli
Folio histoire, 2019 - Entrer dans le dynamisme des mouvements intérieurs
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- Le Monde de la Bible n° 228/2019 - Revue
Jésus a-t-il fondé une nouvelle religion ?
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- L'Evangile selon Yong Sheng
Dai SIJIE
Ed. Gallimard 2019
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- APÔTRES
Sur les pas des Douze
Ed. Albin Michel 2018
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- De Mao à Jésus
Itinéraire spirituel d'un ancien gauchiste
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- L'assise et la présence
La prière silencieuse dans la tradition chrétienne
Jean-Marie GUEULLETTE
Editions Albin Michel 2017
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- A la découverte du Dieu inattendu
Marie-Noëlle THABUT
Editions Artège poche , 2018 Editions Albin Michel 2017
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ANNEE 2018
- La Force de la vocation
La vie consacrée aujourd’hui
Pape FRANCOIS
Entretien avec Fernando Prado
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- Monastères d'Europe
Les témoins de l'Invisible
Marie ARNAUD - Jacques DEBS
Editions Arte - Zodiaque oct.2018
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- Le Vendredi Saint de Bratislava (roman jeunesse)
Didier RANCE
Editions Delahaye, Paris, 2018
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- Histoire de la Bible
Pierre MONAT
Points Sagesses 2015
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- Le Livre des Proverbes
Mon ABC de la Bible
David-Marc d'Hamonville
Ed. du Cerf, 2018
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- 40 jours avec Maurice Zundel et les pères du désert
Un chemin de croissance humaine et spirituelle
Père Patrice GOURRIER - Jérôme DESBOUCHAGES
Coll. Points Vivre 2018
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- Collectanea Cisterciensia 3/2018 -
Revue
- Olivier QUENARDEL
Vie intérieure : comment grandir dans notre vie de prière sous le regard de Dieu ?
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- L’Evangile célébré
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- Dans la forêt (roman)
Jean HEGLAND
Ed. Gallmeister, 2018
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- Chercheurs de Dieu
Moines au XXIème siècle
Jacques TYROL
Ed. Salvator 2018
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- Edith Stein
Bernard Sesé
Ed. Artège 2017
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- Missionnaire en Afrique
ou l’aide humanitaire à l’épreuve du temps
Antoine HÜE
Ed. Parole et Silence, 2017
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- Vivre sans pourquoi
Itinéraire spirituel d’un philosophe en Corée
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- Et moi, je te dis : imagine !
L’art difficile de la prédication
Nicolas STEEVES – Gaetano PICCOLO
Ed. du Cerf, 2018
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- Respirer notre vie
Méditation à Orval
Frère Bernard-Joseph SAMAIN
Photographies de Cécile Bolly
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- Le petit livre pour parler des sans-abri
Rémi SAILLARD
Bayard Jeunesse, 2018
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- Voix sacrée
Instrument de l’âme
Sœur Marie KEYROUZ
Ed. Bayard, 2017
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- Consolation
Avis de recherche
Monique DURAND-WOOD
Ed. du Cerf, 2018
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- Marie Noël Abbé Mugnier
Correspondance
Ed. du Cerf, 2017
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- Confession d’un jeune moine
Bayard, 201
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- Comment sauver la planète à domicile
L'art de vivre selon Laudato si
Adeline et Alexis VOIZARD
Ed. Emmanuel 2018
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- La Saga d'Abraham
Bruno Régent
Ed. jésuites - Fidélité 2017
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- L'Eglise de demain
Pape François
avec Antonio Spadaro
Mame, 2018
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- Le Mont ATHOS
Une expérience spirituelle
Fabian DA COSTA
Ed. Dervy, 2017
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- N'oublions pas Tibhirine
Quinze ans avec les martyrs de l'Atlas
Jean-Marie LASSAUSSE
Bayard, 2018
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- Le plein silence
Marion MULLER-COLARD
Aquarelles de Francine Carrillo
Labor et Fides, 2018
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- Un temps pour mourir
Derniers jours de la vie des moines
Nicolas DIAT
Fayard, janvier 2018
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- Les fruits de la Passion
Méditer ligne à ligne la Passion selon saint Jean
Préface de Monseigneur Jean-Claude Boulanger
Patrick MANGEANT
Mediaspaul, 2016
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- Protestants , catholiques
Ce qui nous sépare encore
Dialogue entre un pasteur et un prêtre.
François CLAVAIROLY - Michel KUBLER
Bayard, 2017
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- Les loyautés
Delphine de Vigan
Ed. JC Lattès 2018
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- L’Abri
Celine CLAIRE – Qin LENG
Ed.Bayard jeunesse 2017
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- Neverland
Timothée de FOMBELLE
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- Les huit montagnes
Paolo COGNETTI
Stock 2017
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ANNEE 2017
- Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus.
Le pari bénédictin.
Rod DREHER
Artège 2017
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- La foi qui reste
Jean-Claude GUILLEBAUD
Ed . L’Iconoclaste , 2017
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- Le Mont Athos et Valaam
Pèlerinages d’un écrivain russe
Boris ZAÏTSEV
Editions des Syrtes, 2017
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- Psychothérapie de Dieu
Boris CYRULNIK
Ed. Odile Jacob, sept.2017
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♥♥♥ - Le Temps des moines
Clôture et hospitalité
Danièle HERVIEU -LEGER
Puf, 2017
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- M pour Mabel
Helen MacDONALD
Editions Fleuve, 2016
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- Saint Benoît
Jacques de GUILLEBON
Livre + CD (textes lus par Michael Lonsdale)
Ed. Presses de la Renaissance, 2016
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- Sur les monts du Caucase
Dialogue de deux solitaires sur la prière de Jésus
Préface du métropolite Hilarion de Volokolamsk
Traduit du russe par Dom André Louf
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- Laisse Dieu être Dieu en toi
Petit traité de liberté intérieure
Jean-Marie GUEULLETTE
Ed. du Cerf – Points Vivre – Rééd. 2016
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- Martin Luther
Son cheminement, sa conversion et ses convictions
William CLAYTON
Editions CLC France, 2017
♥♥♥♥ ♥♥♥♥ ♥♥♥♥ ♥♥♥♥ ♥♥♥♥ ♥♥♥♥
Le Chemin du cœur – L’expérience spirituelle d’André Louf (1929-2010)
Charles WRIGHT
Ed. Salvator, 2017
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- Dom Lambert Beauduin, visionnaire et précurseur
(1873- 1960)
Un moine au cœur libre
Jacques MORTIAU – Raymond LOONBEEK
Editions du Cerf - Histoire, 2005
Editions de Chevetogne
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- Une vie simple
[Rencontre avec la communauté monastique d’Enzo Bianchi ]
Alexis JENNI – Nathalie SARTOU-LAJUS
Albin Michel, 2017
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- Manipulateurs
Les personnalités narcissiques – Détecter, comprendre, agir
Pascal IDE
Editions Emmanuel, 2016
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- La vie plus forte que la mort Manipulateurs
Un mois avec des chrétiens en Syrie
Yaël Jeanblanc
Ed. EdB 2017
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- Kabuliwallah
Rabindranath TAGORE
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- Le Jardin des sens
Editions Albin Michel, 2011
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- Jésus est-il vraiment ressuscité ?
Préfaces de J.C Petitfils et de Mgr J.L Papin
Editions Pierre Téqui, 2015
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- La Force du silence
contre la dictature du bruit
Cardinal Robert SARAH
Ed. Fayard , 2016
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- Grains de sel
Pasteur James WOODY
Ed. Actes Sud « le souffle de l’esprit », 2016
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- En pleine lumière - Carnets spirituels
Christiane Rancé
Ed. Albin Michel 2016
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- Le grand méchant renard
Benjamin RENNER
Ed.Delcourt 2015
♥♥ Le Grand méchant renard : Nouvelle édition oct.2016 : livre cartonné et augmenté (251p.) d'une deuxième histoire : "Il faut sauver Noël"
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Denyse
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Lundi 05 Avril 2021
Le Carême
Le Carême
A partir du livre « Le Carême et le mystère pascal – Mémoire et actualisation . » Ed. Salvator 2020
Le Carême commémore l'oeuvre de salut accomplie par Jésus-Christ dans sa montée vers Jérusalem, où il meurt pour nous réconcilier avec le Père et où il ressuscite pour entrer dans la gloire du Père et nous faire participer à sa vie divine. |
Dès les premiers siècles, le temps du Carême, qui constitue un temps fort de la préparation au baptême par les catéchumènes, est marqué par l'esprit d'ascèse, de prière, de générosité à l'égard des pauvres.
Mais les baptêmes des petits enfants se généralisent, ce qui fait qu'ils ne sont plus précédés de catéchuménat. Le Carême va mettre davantage l'accent sur les pratiques de pénitence et de piété.
A partir de la Renaissance s'affirme un mouvement d'hostilité grandissante au jeûne du Carême. Au XX°s., l'Eglise motive de façon plus positive les chrétiens dans leur aspiration à participer au mystère du salut. Les baptêmes d'adultes augmentent avec un besoin de ressourcement spirituel.
« Nous portons en nous un trésor, dans des vases d'argile. » (2Co 4,7).
On pourrait dire aussi qu'au plus profond de nous-mêmes, nous portons l'image de Dieu.
Origine et évolution du Carême
Le mot « Carême » vient du latin « quadragesima » c'est-à-dire 40 jours.
La dénomination « Triduum pascal » date des années 1930 : du soir du jeudi saint au dimanche de Pâques.
Au 3° et 4° s., le temps de jeûne était de deux jours pour certaines églises, d'autres le faisaient pendant une semaine. Socrate mentionne qu'à Rome le jeûne durait trois semaines.
Le début du Carême a été fixé assez tardivement au mercredi avant le 6° dimanche de Pâques : c'est le mercredi des cendres.
Le catéchuménat
Le catéchuménat, au sens propre, ne concerne que le groupe de ceux qui se préparaient au baptême. Mais progressivement les pratiques du catéchuménat s'étendirent aux fidèles déjà baptisés, sorte de retraite spirituelle préparatoire à la fête de Pâques.
Ce temps comportait un enseignement destiné à rappeler la doctrine chrétienne sur Dieu, l'oeuvre de salut du Christ, la nature des sacrements. Mais il visait aussi à faire mettre en pratique les commandements, l'amour du prochain, le pardon...
La Didaché (Doctrine des apôtres) qui date probablement du 1er siècle mentionne les éléments fondamentaux de cette catéchèse.
Entre le 3° et le 5°s. , les préparations au catéchuménat s'organisent et le carême est considéré comme un temps particulièrement propice pour l'écoute et la méditation de la Parole de Dieu. Le but est d'acquérir une vue d'ensemble sur le christianisme.
Au Moyen-Âge et à l'époque moderne et jusqu'à notre temps, s'est développée la tradition des conférences et des sermons de Carême.
Vatican II aura le souci de restaurer le catéchuménat, vraie « formation à la vie chrétienne toute entière ».
Pénitence et réconciliation
Des origines au 4°s. se pose la question de la possibilité d'obtenir, après le baptême, un second pardon des péchés, dans le cas d'une faute grave. Cela suscite évidemment des débats. Les modalités de la pénitence et de la réconciliation seront fixées par les prêtres.
Une cérémonie de réconciliation avait lieu le jeudi saint en présence de l'évêque et des fidèles. Ce système très exigeant était décourageant et certains chrétiens attendaient d'être sur leur lit de mort pour demander le pardon de leurs fautes.
A partir du 7°s. les chrétiens peuvent accéder à la pénitence aussi souvent qu'ils le désirent. Le prêtre utilise un pénitentiel pour fixer les pénitences selon les fautes. Cela a occasionné des dérives et s'est mis en place le système moderne de la confession .Il y a d'un coté la pratique de la pénitence mais aussi l'esprit de pénitence qui conduit à réajuster sa vie (conversion) à l'image de celle du Christ.
Le MERCREDI des CENDRES
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Les lectures du mercredi des Cendres invitent à un effort de conversion, de lutte contre le péché, de pénitence, de pratique du jeûne, de la prière et du partage.
Le but est de « nous rendre plus forts contre l'esprit du mal », d'opter pour le chemin qui mène à Dieu et que « purifiés de nos fautes, nous puissions nous unir à la passion du Christ. »
Le thème des Cendres dans l'Ecriture.
Dans l'Ancien Testament, le terme « cendres » est proche de « poussière » ; il symbolise la fragilité, la précarité de l'homme voué à la mort (Genèse 2, 17-18). Il peut aussi exprimer un sentiment d'humilité.
La cendre est aussi signe de deuil et de pénitence. Face à la détresse ou comme expression de pénitence , « ils jetteront de la poussière sur la tête, ils se rouleront dans la cendre » (Ezéchiel 27,30)
Le rite des cendres dans l'Eglise primitive et médiévale.
Dans l'Eglise primitive ce rite se rapportait à la notion de pénitence en vue de la rémission des péchés graves, commis après le baptême.
Pendant la période du Carême, les pécheurs publics ayant reçu des cendres sur la tête par le célébrant, devaient quitter le lieu de culte après la liturgie de la Parole.
Puis peu à peu, comme entrée en Carême, l'usage conduisit à imposer les cendres aux catéchumènes puis à tous les fidèles.
Depuis Vatican II, deux formules sont possibles au moment de l'imposition des mains :
-
« Souviens-toi que tu es poussière et tu retourneras en poussière. » (Genèse 3,19)
-
« Convertissez-vous et croyez à l'Evangile. » (Matthieu 1,15)
Donc, avoir conscience de son péché, avoir un sentiment d'humilité devant Dieu que nous avons offensé, et faire effort de conversion, de renouvellement intérieur.
Cela répond à un désir d'intensifier les relations personnelles avec Jésus-Christ, en vue d'une plus grande participation au destin du Christ mort et ressuscité, à laquelle justement le Carême prépare.
Démarche positive et de confiance qui doit aider à prendre conscience de la puissance créatrice et recréatrice de Dieu qui est capable de nous faire accéder à une vie nouvelle, alors que les apparences semblent nous vouer à la mort et à la dissolution. (méditation de Karl Rahner sur « l'homme-poussière »)
« L'expérience de la mort... ce mouvement vers le bas qui nous fait communier dans la foi à la descente du Christ jusqu'à la poussière de notre terre est devenu un mouvement vers le haut, une montée avec le Christ au-dessus de tous les cieux... Le chemin de notre rédemption passe au cœur de la chair et de la poussière. »
(Karl Rahner - « Le mercredi des Cendres »)
Pour avancer dans la lumière au long de ce Carême Conduis-moi, douce Lumière, à travers les ténèbres qui m’encerclent. Conduis-moi, Toi, toujours plus avant ! La nuit est d’encre et je suis loin de ma maison. Conduis-moi, Toi, toujours plus avant.
Garde mes pas : je ne demande pas à voir déjà ce qu’on voit là-bas : Un seul pas à la fois, c’est bien assez pour moi. Je n’ai pas toujours été ainsi et je n’ai pas toujours prié pour que tu me conduises, Toi, toujours plus avant.
Si longtemps ta puissance m’a béni : Sûrement elle saura encore me conduire toujours plus avant par la lande et le marécage, sur le rocher abrupt et le flot du torrent jusqu’à ce que la nuit s’en soit allée…
Conduis-moi, douce Lumière, conduis-moi, Toi, toujours plus avant !
Bx Cardinal Newman |
Les pratiques de pénitence : jeûne, prière, partage.
- Jeûne.
Ces pratiques n'ont pas une fin en soi et il y a eu bien des dérives . Jésus lui-même l'a remarqué. Par exemple : « Si tu jeûnes, fais-le dans le secret. » (Mt6, 16-18).
Dans l'Ancien Testament, le jeûne traduit l'humilité devant Dieu, le sentiment de dépendance, d'abandon total à Dieu. Moïse et Elie jeûnent quarante jours. Le jeûne vise aussi souvent à obtenir le pardon ou la demande de grâces individuelles ou collectives. Mais il peut aussi être une préparation à une rencontre avec Dieu : Jésus a commencé son ministère après un séjour de quarante jours dans le désert.
C'est une démarche qui apprend les avantages de la maîtrise (interdépendance du corps et de l'âme) mais doit avant tout être intérieure. Pour plaire à Dieu, le vrai jeûne doit aller de pair avec l'amour du prochain, mais il est surtout rattaché à la personne du Christ vainqueur de la mort donc comme un moyen de s'associer à la passion du Christ.
* * *
Premier dimanche de Carême : Tentation de Jésus au désert |
Les évangiles de Matthieu, Marc et Luc établissent un lien étroit entre le baptême du Christ et le séjour au désert pour un jeûne de quarante jours, durée qui rappelle les quarante années du séjour d'Israël au désert.
Le désert n'est pas nécessairement le lieu où règne Satan, mais plutôt le lieu de la rencontre avec Dieu, le lieu où Jésus prie après une journée harassante, le lieu où Jésus effectue la multiplication des pains.
Le tentateur cherche à détourner Jésus de sa mission et à lui faire renoncer à son obéissance à l'égard de Dieu.
Il l'invite à poser un acte de puissance et à transformer les pierres en pain. Jésus répond :
« Ce n'est pas de pain seulement que l'homme vivra, mais de toute parole qui vient de la bouche de Dieu » (Deutéronome 8,3)
Satan défie ensuite Jésus de sauter du haut du Temple pour que Dieu le sauve.
« Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. », répond Jésus.
Satan lui propose enfin de lui donner tout pouvoir si Jésus se prosterne devant lui et l'adore.
« C'est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras et c'est à lui seul que tu rendras un culte. » (Deutéronome 6,13)
Le diable quitta alors Jésus et les anges le servaient.
La question s'est souvent posée de savoir dans quelle nature, humaine ou divine, Jésus a subi la tentation.
Le parallèle Adam-Christ a fait très tôt son apparition :
« De même que par la défaite d'un homme, notre race était descendue dans la mort, de même par la victoire d'un homme, nous sommes remontés vers la vie. » (St Irénée)
Certains Pères de l'Eglise ont pensé que le Christ a renoncé à tout triomphalisme et s'est contenté d'exprimer sa confiance en Dieu.
« Le remède qui guérit notre orgueil est l'humilité du Christ... Chemine dans l'humilité pour atteindre l'éternité. » (St Augustin)
La victoire du Christ sur Satan prouve que celui-ci n'est pas invincible et qu'en réalité la fidélité à Dieu procure la force de résister victorieusement aux sollicitations du tentateur. Comme Jésus, faisons appel à la Parole de Dieu !
* * *
- Prière.
« Prie ton Père dans le secret et ton Père qui voit dans le secret te le rendra. » (Mt6,6) L'enseignement de Jésus :
-
Dans sa prière, parler peu, ne pas rabâcher mais être à l'écoute
-
Prier le Notre Père
-
Faire confiance en la Providence : ne pas s'inquiéter, outre mesure du lendemain.
Chercher d'abord le Royaume de Dieu et sa justice.
-
Faire confiance en l'efficacité de la prière.
-
Prier avec les psaumes. Jésus lui-même l'a fait.
Jésus priait en particulier aux moments importants de sa vie. Les premiers chrétiens ont fait de même, ce qui a été source d'inspiration pour la pratique ecclésiale des premiers siècles.
Les écrits de Saint Paul enseignent sur la prière trinitaire : « Tout d'abord, je rends grâce à mon Dieu par Jésus-Christ » (Rm1,8). Et il souligne le rôle de l'Esprit dans la prière qui nous unit au Père et au Fils.
Le terme « prière » est à prendre au sens large de manifestation de la relation personnelle de l'homme avec Dieu qui s'exprime à travers différentes formes : demande, louange, action de grâce, adoration. Cela correspond à des sentiments variés : joie, allégresse, angoisse, détresse, désir . Le psautier reflète très bien ces états d'âme.
La méditation de la Parole de Dieu va aider à trouver des lumières sur la façon d'apporter une réponse croyante aux questions qui se posent au fil de nos vies. La prière, dans ce sens est à la fois contemplation et action.
- Prière exprimant le regret d'avoir péché.
Voir le prophète Daniel 9, 5-6 et le magnifique psaume pénitentiel 50
« Car mon péché, je le connais,
ma faute est devant moi sans relâche ;
contre toi, et toi seul, j'ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait. »
L'aveu de la faute est logiquement accompagné d'une demande de pardon au Dieu de tendresse et de miséricorde. Celui qui prie ainsi ne se laisse pas aller au découragement.
- Prière pour trouver le bon chemin.
« Aime le Seigneur ton Dieu, marche selon ses chemins... alors tu vivras. » (Deutéronome 30, 15-16)
D'un coté la vie et le bonheur, de l'autre la mort et le malheur (les deux voies). Apprendre à discerner donc à la lumière de la Parole.
- Prière adressée à Dieu pour qu'il éclaire et illumine.
« Le Seigneur est ma lumière et mon salut » (Ps 27)
« Envoie ta lumière et ta vérité, qu'elles guident mes pas. » (Ps 51)
- Prière pour obtenir « un cœur nouveau »
Voir Ezechiel 36, 25-27
- Prière comme « écoute »
Le temps du Carême nous appelle à écouter le Seigneur.
« Parle Seigneur, ton serviteur écoute »
- Prière comme méditation qui donne à la Parole de Dieu sa fécondité.
Vivante et efficace est en effet la Parole de Dieu. Et elle donne faim et soif de cette eau qui désaltère et de ce Pain de vie.
« Qui vient à moi n'aura plus jamais faim, qui croit en moi, n'aura jamais soif » (Jean 6, 35)
- Prière comme expression du désir de communion avec Dieu.
« Je vis, mais ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi. » (Galates 2,20)
Ce désir d'intimité avec Dieu s'est exprimé dès l'Ancien Testament et jusqu'à l'Apocalypse.
- Prière-méditation comme association au cheminement du Christ vers l'évènement pascal de la mort-résurrection.
Les lectures invitent à aller au-delà des apparences pour découvrir qu'à travers l'hostilité rencontrée, s'accomplit le plan du salut de Dieu. La prière chrétienne du temps de Carême porte la marque de la confiance.
- L'aumône
L'Eglise , depuis toujours, ne cesse de rappeler l'importance d'une générosité au bénéfice des plus pauvres.
« Tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays. » (Deutéronome 15,11)
Ce n'est pas un simple geste de philanthropie mais une imitation de la miséricorde de Dieu envers les hommes.
« J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire... » (Mt 25)
Un geste qui doit être fait en toute discrétion, demande Jésus.
Dès les premiers siècles, la mise en commun des biens entre chrétiens est de rigueur. Saint Paul stimule leur générosité. De même, l'aumône faisait partie des recommandations données aux catéchumènes.
« Voyez comme ils s'aiment... »
Le Carême est un temps fort pour le partage.
Saint Augustin souligne le lien de la miséricorde avec la pratique du jeûne et de la prière.
« Veux-tu que ta prière s'élève dans son vol jusqu'à Dieu ? Fais-lui deux ailes, le jeûne et l'aumône. »
2° Dimanche de Carême – La TRANSFIGURATION |
Dans l'Eglise ancienne, le Carême est censé faire revivre aux catéchumènes et aux fidèles la montée du Christ vers le Golgotha. C'est s'associer au destin du Christ mort, ressuscité et glorifié.
La Transfiguration anticipe son état glorieux lié à la Résurrection.
Dieu se manifeste dans la nuée en présence de Moïse et Elie, qui représentent l'Ancienne Alliance et les prophètes, mais aussi dans Jésus transfiguré par la gloire rayonnante de sa nature divine. Cette manifestation nous révèle l'identité de Jésus. En lui, fondateur de la Nouvelle Alliance, l'Ancienne Alliance trouve son accomplissement.
Nous préparant en quelque sorte au choc de la croix, la Transfiguration est de nature à nous apporter l'assurance que tout n'est pas fini après la mort du Christ.
Nous sommes appelés déjà sur terre à devenir l'image, le reflet de Dieu.
« Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous (Lc17,21). Par là, nous apprenons qu'avec un cœur purifié...nous voyons dans notre propre beauté l'image de la nature divine... Dieu, en te créant, a enfermé en toi l'ombre de sa propre bonté, ainsi que l'on imprime le dessin d'un sceau dans la cire. » (Grégoire de Nysse)
« Nous avons tous besoin de lumière intérieure pour surmonter les épreuves de la vie. Cette lumière vient de Dieu et c'est le Christ qui nous la donne, Lui en qui habite la plénitude de la divinité (Col 2,9). Gravissons avec Jésus la montagne de la prière et, en contemplant son visage plein d'amour et de vérité, laissons-nous remplir intérieurement de sa lumière. » (Benoît XVI, Angélus mars 2012)
L'esprit de pénitence et l'effort de conversion
La pénitence et la conversion tiennent une place considérable dans la révélation biblique.
Par exemple, la prédication du prophète Amos insiste sur la notion de retour à Dieu qui implique la reconnaissance de l'état de péché, et aussi la volonté de changer de conduite en agissant selon les exigences divines. Le prophète Isaïe appelle à un changement radical de conduite et Ezéchiel met l'accent sur les dispositions intérieures nécessaires pour la conversion.
« Faites-vous un cœur nouveau, un esprit nouveau... Convertissez-vous et vous vivrez » (Ez 18,31)
Jésus va reprendre cet appel mais va faire aussi passer un message d'abandon confiant à Dieu qui est un Dieu d'Amour.
Jeûne, pénitence et aumône sont à considérer comme complémentaires, chacune étant à sa façon , l'expression de l'esprit de pénitence.
« Ce temps [de Carême] est celui de la douceur, de la paix et du calme, celui où évitant la contagion de tous les vices, il nous faut acquérir les vertus durables. » (Léon le Grand)
Léon le Grand ( pape, 5°s.)présente la charité comme le sommet et l'âme des vertus :
« La charité est la vigueur de la foi, la foi est la force de la charité » dans une union indissoluble. » (Léon le Grand)
De l'esprit de pénitence, on peut retenir les éléments suivants :
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Se reconnaître pécheur et avoir le courage d'envisager cette situation.
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Veiller à une meilleure compréhension de ce que cela signifie pour les relations avec Dieu.
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Avoir le courage de lutter contre le péché.
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Chercher à pratiquer les vertus qui s'opposent aux péchés.
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Viser à nous ouvrir aux vertus théologales [foi, espérance, charité], sources et sommets des vertus agréables à Dieu.
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Agir par amour de Dieu et amour du Christ.
* * *
Troisième dimanche de Carême – Les marchands du Temple
( Ce chapitre ne fait pas partie du livre car les textes commentés ne sont pas ceux de cette année)
La première lecture tirée du Livre de l'Exode évoque comment Dieu s'est révélé à Moïse comme sauveur de son peuple en lui donnant la Loi (Ex 20, 1-17) . C'est l'épisode des « dix commandements ». Le premier commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu », donne sens à tout le reste. Mais ne voyons pas cela comme des ordres mais bien comme des portes ouvertes vers un chemin balisé par Dieu pour une réelle liberté. Nous sommes esclaves de tant de choses futiles et périssables. Certaines personnes ne sont-elles pas esclaves de leurs appareils électroniques ? D'autres de leur promotion ou de l'argent ? Recentrons nos vies vers l'essentiel., leur cœur
L'Evangile rapporte la colère de Jésus face aux marchands du temple. Ce ne sont pas tant les activités marchandes qui le fâchent que cet envahissement des lieux au détriment de Dieu lui-même.
Nous sommes, nous aussi, parfois désarmés face à l'inertie ou l'aveuglement de certaines personnes...
Interrogé par les Juifs , Jésus parle de ce Temple qu'il peut détruire et relever en trois jours. Ils ne le comprennent pas, leur cœur est fermé et pourtant ils sont eux aussi dans l'attente d'un Sauveur.
Jésus en effet parlait de sa mort et de sa résurrection. Mais il était encore trop tôt pour être plus clair. Ce ne sera que bien plus tard qu'à la relecture des événements, les chrétiens comprendront les paroles de Jésus.
* * *
CLES pour comprendre en profondeur le sens du Carême
Le « plan de salut »
C'est le dessein conçu depuis toujours par Dieu : « réunir l'univers entier sous un seul chef le Christ, récapituler toutes choses en Christ, ce qui est dans les cieux et sur la terre » (Ephésiens 1, 10)
Dieu désire que chaque homme se conforme à l'image du Christ, afin que celui-ci soit le premier-né d'une multitude de frères. C'est bien ce qui est propre à la conception chrétienne du salut : donner au Christ une place privilégiée. Les confessions de foi dans l'Eglise de l'ère patristique le soulignent déjà. Puis à la fin du 2° et 3° siècles, il y aura des règles de foi mentionnant les mêmes données fondamentales.
Le concile de Nicée , en 325, produit le Credo que nous récitons encore aujourd'hui.
Il y a de réelles difficultés à concevoir un tel plan de salut étalé dans le temps. Notre année liturgique obéit à ce souci de présentation globale en célébrant sur une année les différentes étapes de l'oeuvre du salut accomplie par Jésus.
De même les liens établis entre Ancien et Nouveau Testament soulignent la continuité du projet de Dieu.
Au 20°s. s'est fait sentir le besoin de dépassement d'une présentation trop fragmentée de la théologie. Il est nécessaire de « penser ensemble » ce qui relève de la théologie dogmatique, de la théologie morale, de la théologie de la liturgie, de la spiritualité.
Comment rétablir ou améliorer nos relations avec Dieu ?
- La justification
L'expression « justification par la foi » souligne la nécessité d'une attitude d'ouverture et d'acceptation de la part de l'homme dans un mouvement de foi confiante.
« Le juste, par la foi, vivra. » (Romains 1, 16-17)
Si la mort résulte du fait que l'homme est devenu pécheur en voulant vivre par lui-même, la vie découle du fait qu'en s'abandonnant à Dieu, il obtient la vraie vie.
Dans l'Ecriture, le mot « justice désigne une attitude de rectitude devant la loi de Dieu et une attitude d'intégrité de la part de Dieu miséricordieux.
La pratique de la Loi ne suffit pas. Nous sommes justifiés par la foi au Christ. Comme le proclame saint Paul : « Le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans la mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d'entre les morts. » (Philippiens 3, 7-11)
La mort du Christ est la preuve que Dieu nous aime.
« Nous ne sommes plus sous la Loi mais sous la grâce. » (Romains 6,4)
- Réconciliation avec Dieu
La réconciliation suppose un état d'inimitié entre l'homme et Dieu, créé par le péché, état auquel l'homme livré à lui-même est incapable de mettre fin.
D'après les textes du Nouveau Testament, l'initiative de la réconciliation vient de Dieu : la réconciliation est un effet de l'amour miséricordieux de Dieu auquel l'homme doit s'ouvrir.
« Il a plu à Dieu de faire habiter en Lui toute plénitude et de tout réconcilier par lui et pour lui, sur la terre et dans les cieux, ayant établi la paix par le sang de sa croix. » (Colossiens 1,20)
Les péchés sont aussi variés que le sont les modes de pardon. On peut être « lavé » du péché, ou « guéri ». Dieu ne « se souvient plus » des péchés. On est « purifié, justifié ».
Dieu accorde le pardon (c'est un don) par l'entremise de Jésus.
Selon Jean (Jn 20,23), Jésus ressuscité transmet à ses disciples le pouvoir de remettre les péchés.
Portée salvifique de la résurrection du Christ.
La résurrection du Christ est la condition et la cause de notre propre résurrection, mais elle ouvre aux croyants l'accès aux biens du salut dès la vie ici-bas. C'est à travers le sacrement du baptême, qui signifie pour les chrétiens, insertion dans la mort et la Résurrection du Christ, et les célébrations eucharistiques, en raison de leur signification de mémorial, que la théologie traditionnelle a essayé d'expliquer la participation des croyants aux effets positifs du mystère pascal. (p.261)
Déjà du temps des Pères de l'Eglise, il y a l'idée d'une progression menant le croyant vers un achèvement situé au-delà des possibilités naturelles de l'homme., selon une pédagogie mise en œuvre par Dieu, progression dans la connaissance de Dieu et dans l'union d'amour avec Dieu, élan vers Dieu.
L'événement central de la mort et de la résurrection du Christ est à mettre en relation avec les événements antérieurs, y compris ceux relatés dans l'Ancien Testament, considérés comme préparation de l'intervention du Verbe incarné, et aussi des événements annoncés prophétiquement comme devant se produire à la fin des temps pour notre salut.
La vision chrétienne amène donc à prendre en compte la passé, le présent et l'avenir .
Le DIMANCHE des RAMEAUX |
A la fin du 4°s., on célébrait à Jérusalem l'entrée triomphale de Jésus dans la ville sainte, en refaisant le parcours effectué par Jésus et ses disciples. De Jérusalem, la procession se répandit dans tout l'Orient.
Ce n'est qu'au 7°-8°s. qu'en Occident naît la coutume de venir à l'église avec des palmes et des rameaux. Elle visait à honorer le Christ-Roi.
Mais ce dimanche est surtout la porte d'accès à la semaine commémorant la Passion et la mort du Christ. La liturgie de la Parole de ce jour-là culmine dans le récit de la Passion.
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Ps 22,1). Souffrance mais aussi confiance : « Le Seigneur vient à mon secours. » (Is 50, 7)
La magnifique deuxième lecture (Philippiens 2, 6-11) situe la passion et la résurrection dans la globalité du mystère du Christ. Mystère de l'Incarnation où Dieu revêt la nature humaine puis l'entrée du Christ dans la gloire. Cette incarnation unit intimement les croyants à Jésus et forment avec lui un seul Corps dont le Christ est la Tête.
Dans l'Antiquité, à partir du 5°s. , le jeudi saint donna lieu à la réconciliation des pénitents, à la bénédiction des saintes huiles et à la messe qui commémore la dernière Cène.
On insistait en particulier sur la bienveillance dont les pasteurs avaient à faire preuve. L'objectif n'est pas de décourager les pénitents mais de les ramener au sein de la communauté ecclésiale.
La messe chrismale avec la bénédiction des saintes huiles (pour les baptêmes et le sacrement des malades) est devenue aussi une fête du sacerdoce selon le vœu de Paul VI.
« L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction. » (Isaïe 61,1), phrase que rappellera Jésus dans le Temple. Le Christ est le Grand prêtre de la Nouvelle Alliance.
Une lecture de ce Jeudi Saint fait mémoire de la dernière Cène.
Sacerdoce du Christ donc, mais aussi sacerdoce des évêques, des prêtres et du peuple chrétien.
Les chrétiens ont mission « de servir et de nourrir les hommes de la Parole de Dieu, de faire vivre les sacrements et d'être de rais témoins de la foi et de la charité » (Préface). Tout étant lié.
Les chrétiens sont habilités à prendre une part active à l'action liturgique et à rendre compte de l'espérance qui est en eux de la vie éternelle.
Le jeudi saint termine le temps du Carême et commence le temps liturgique du Tridum pascal.
Ce qui est fait mémoire à travers la célébration de la Cène, c'est principalement l'institution du sacrement de l'Eucharistie, mémorial de l'oeuvre de salut et de libération accomplie à travers la mort et la résurrection de Jésus. Le texte le plus ancien relatant cet épisode est celui de saint Paul (1 Corinthiens 11, 23-26)
La messe du jeudi Saint comporte aussi un rite qui commémore le geste accompli par le Christ lors du dernier repas qu'il prit avec les siens : celui du lavement des pieds. Jésus s'offre comme serviteur.
Ce geste qui pourrait être humiliant (habituellement fait par des esclaves) prend ici toute sa grandeur et manifeste l'amour profond de Jésus pour les siens. Ce geste d'abaissement l'élève, comme celui de la mort sur la croix le conduit à la résurrection.
Il nous faut aussi vivre l'humilité si nous voulons « avoir part avec le Christ ». « Faîtes vous aussi ce que j'ai fait pour vous » (Jn 13, 13-14).
« Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres (Jn 13) . « A ceci, tous vous reconnaîtront comme mes disciples. » (Jn 3,35)
C'est le grand jour de la commémoration de la Passion et de la mort du Christ, et celui de l'hommage solennel à la croix.
Les premiers témoignages écrits relatifs à la célébration liturgique du vendredi saint datent de la fin du 4°siècle. Cérémonies qui adoptent, à Jérusalem, la forme de processions prévoyant des temps d'arrêt permettant d'organiser des temps de lecture, de prière à des endroits censés représenter des stations de la montée du Christ vers le Golgotha. Cette procession peut durer du jeudi soir au vendredi après-midi et même toute la nuit suivante.
Se célébrait aussi dans les églises de Rome un office populaire : croix exposée sur l'autel, lectures bibliques, récit de la Passion, prière universelle, adoration de la croix et communion.
Au fil des siècles, la communion sera supprimée (il n'y a pas de célébration eucharistique ce jour-là) puis réintroduite en 1955.
Les textes évoquent les humiliations, la souffrance du Christ, son sacrifice pour nous obtenir le salut. A cause de ses souffrances, il verra la lumière et entrera dans la gloire.
Quand « tout est achevé », saint Jean l'évangéliste, cherche à faire comprendre que l'oeuvre du salut que le Père avait confiée à son Fils est « accomplie » et donc aussi l'Ecriture . (Jn19,28)
La lecture de la Passion est suivie de la prière universelle particulièrement solennelle. Elle concerne non seulement les fidèles de l'Eglise catholique, mais aussi les croyants d'autres religions et ceux qui ne croient pas en Dieu. Sont mentionnés aussi les dirigeants des affaires publiques, les hommes dans l'épreuve...
Puis la croix est présentée et vénérée.
« … Salut, ô Croix, notre unique espérance,
en ce temps de la Passion
accrois la grâce chez les hommes pieux
efface nos péchés. »
SAMEDI SAINT et VEILLEE PASCALE
Journée de souvenir de repos du Christ au tombeau ( il est réellement mort) et de descente aux enfers ( Jésus a vaincu la mort et en est le libérateur). Il n'y a ni eucharistie ni célébration de la Parole le samedi saint.
« Elle est la mère de toutes les saintes veillées » (Saint Augustin).
Les différentes étapes du déroulement des cérémonies, les prières, les choix de lectures remontent en grande partie à l'ère patristique.
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Bénédiction du feu et préparation du cierge pascal : office de la lumière
Le feu allumé qui dissipe les ténèbres de la nuit est le symbole de cette lumière qui émane du Christ et nous éclaire sur le chemin qui mène au Royaume de l'éternelle lumière.
Sur le cierge : une croix, les lettres Alpha et Oméga, le chiffre de l'année en cours. Le cierge allumé, on chante : « Lumière du Christ – Nous rendons grâce à Dieu. » Chaque fidèle allume son cierge au cierge pascal.
L'annonce solennelle de la Résurrection , « l'Exultet »,met l'accent sur le thème de la lumière et est un appel à la joie qui s'adresse même aux anges (dimension cosmique).
- Les lectures résumeront ensuite l'enseignement reçu par les catéchumènes qui vont être baptisés à la veillée pascale : l'oeuvre de la création, le sacrifice et la délivrance d'Isaac, la libération d'Israël avec le passage de la mer Rouge, Dieu source de la vraie sagesse et fécondité de la Parole de Dieu.
Le psaume 50 exprime le désir du croyant d'avoir un cœur et un esprit nouveaux :
« Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu ... »
L'Evangile de la veillée pascale annonce la Résurrection.
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Liturgie baptismale puis eucharistique.
Toute la célébration tend à exprimer la joie qui trouve sa source dans la résurrection du Christ . Joie aussi résultant de la bonne nouvelle du salut apporté au monde par le Christ Sauveur.
LE CHRIST EST RESSUSCITE !
Denyse
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Samedi 27 Février 2021
Sermon de Carême - Saint Bernard de Clairvaux
Bernard de Clairvaux
Premier sermon pour le carême (extraits)
Nous entrons aujourd'hui, mes bien-aimés, dans le saint temps du carême, dans le temps destiné aux combats du chrétien, car les observances du carême ne sont pas faites pour nous seulement, elles le sont pour tous ceux qui nous sont unis par les liens de la foi. Après tout, pourquoi le jeûne du Christ ne serait-il pas commun à tous les chrétiens ? Pourquoi les membres ne suivraient-ils point leur chef ? Si nous recevons les biens des mains de ce chef, pourquoi n'en accepterions-nous point aussi les maux ? Voudrions-nous donc n'avoir de commun avec lui que ce qui est agréable, mais non ce qui est triste et pénible ?
S'il en est ainsi, nous montrions que nous sommes des membres indignes d'une pareille tête. En effet, tout ce qu'il souffre, c'est pour nous qu'il l'endure. S'il nous en coûte trop de travailler avec lui à l'oeuvre de notre salut, en quoi pourrions-nous après cela unir nos œuvres aux siennes. Il n'y a pas grand mérite de jeûner avec Jésus-Christ quand on doit s'asseoir avec lui à la table de son Père, et il n'y a rien de bien surprenant que le membre souffre avec la tête, quand il doit être glorifié avec elle. Heureux le membre qui aura en toutes choses adhéré à la tête, et qui l'aura suivie partout où elle sera allée.
Denyse
- rubrique 04 - Saint BERNARD - Spiritualité cistercienne
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Vendredi 20 Novembre 2020
La Contemplation de Dieu - Guillaume de Saint-Thierry
Guillaume de Saint-Thierry
Ed.du Cerf, 1977
155 p.
Guillaume de Saint-Thierry est né à Liège vers 1085 . Entré au monastère bénédictin Saint-Thierry près de Reims en 1113, avec son frère Simon, Guillaume rencontre Bernard de Clairvaux pour la première fois en 1119 ou 1120. Il naît entre les deux hommes une profonde amitié, qui durera toute la vie. Guillaume souhaite vivre avec saint Bernard à Clairvaux, et entrer dans l'ordre cistercien, mais Bernard estime que son devoir est de diriger les âmes que la providence lui a confiées. En 1121, Guillaume est élu abbé de son abbaye, près de Reims. C'est là qu'il compose ses deux premiers traités : De contemplando Deo (De la contemplation de Dieu) et De natura et dignitate amoris (De la nature et de la dignité de l'amour) .
Il renoncera à son titre et rang d'abbé bénédictin en 1135, et sera admis comme cistercien à l'abbaye de Signy dans les Ardennes. Il y restera jusqu'à sa mort en 1148.
Guillaume de Saint-Thierry – Signy l'Abbaye
« La contemplation de Dieu » …
Voilà un titre bien ambitieux. Qu'est-ce que contempler ?
Contempler, c'est voir ; c'est prendre son temps pour observer avec admiration. Alors contempler Dieu ? Cela fait songer à un très beau livre sur ce sujet du P. Marie-Eugène de l'Enfant Jésus, carme, qui a intitulé un de ses livres : « Je veux voir Dieu ».
En fait, il s'agit avant tout d'un désir, d'un but poursuivi notamment par moines et moniales qui y consacrent leur vie. C'est une quête, une recherche quotidienne dans les Ecritures, les sacrements, la prière mais aussi dans les relations fraternelles. Mais voir Dieu ? Est-ce possible ? « On ne peut voir Dieu sans mourir » pensait le peuple d'Israël. Effectivement, notre marche terrestre va nous permettre, peut-être, et avec sa grâce, d'approcher Dieu. Marche d'approche donc. Mais ce n'est qu'au-delà de notre mort, que nous verrons Dieu. Nous sommes pour l'instant « à l'ombre de ses ailes » dit le psaume ; la pleine lumière est pour plus tard. Mais peut-on au moins entrevoir cette lumière dès maintenant ?
La prière n'est pas toujours une pratique facile, nous le savons bien. Mais c'est le chemin du désir et de la rencontre, avec toutes ses limites.
Dans le traité de Guillaume de Saint-Thierry , il ne s'agit pas de l'exposition d'une méthode, mais d'aller directement au cœur de la démarche avec ses hauts et ses bas. L'auteur va nous faire goûter cette approche, notant par écrit sa prière et ses pensées vers Dieu, dans un élan très fort mais aussi conscient de ses pauvretés et de son incapacité le plus souvent à gravir cette montagne divine.
Comme l'a fort bien dit saint Bernard de Clairvaux, la présence de Dieu en nous est le plus souvent imperceptible, à peine ressentie qu'elle s'est déjà éloignée. Insaisissable et pourtant bien existante.
Bien des témoins d'hier et d'aujourd'hui sont là pour l'attester.
Pour cette lecture de « La contemplation de Dieu », est proposée ici une transcription personnelle plus accessible, avec des mots actuels, tout en s'efforçant de rester fidèle au texte auquel on peut évidemment toujours revenir. On perd toujours un peu de la qualité du texte original en le modifiant. Mais plutôt que renoncer à le lire du fait de son style, ne vaut-il pas mieux nous aventurer sur un chemin un peu défriché ?
* * *
LECTURE SUIVIE
1 – Prologue – L'évasion vers Dieu
Venez, montons à l'écart à la rencontre du Seigneur, afin qu'il nous enseigne son chemin. Attentions, intentions, volonté, pensées, affections, tout moi-même montent vers Dieu qui me voit et peut être vu. Mais laissons de côté soucis, sollicitudes, anxiétés, contraintes. Moi, et l'enfant qui est en moi , ma raison, mon intelligence, hâtons-nous là-haut vers le Seigneur.
Après avoir loué Dieu et l'avoir contemplé, nous reviendrons.
Oui, nous reviendrons parmi les hommes car si l'amour de Dieu peut nous en éloigner, à cause de nos frères, la vérité de l'amour ne permet pas de les abandonner.
Liés à eux par nécessité, ne nous écartons pas trop pour autant de la douceur de Dieu.
2 – Désir de Dieu
Seigneur, toi qui es la Vérité, convertis-nous, montre-nous ton visage, et nous serons sauvés. Vouloir voir Dieu... quelle témérité ! Moi qui suis si petit, si pauvre, comment pourrais-je approcher ta vérité et ta sagesse ? C'est être bien présomptueux. Mais tu es bon Seigneur, tu es mon amour, ma vie et ma lumière. Alors, Seigneur, aie pitié de moi.
Seigneur, juste et bon, laisse-moi te contempler et je serai pur. J'ai confiance en toi. Tu es mon sauveur, tu me l'as dit et tu connais mon cœur.
Dis Seigneur, à moi qui suis aveugle et mendiant : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
Et tu sais, toi qui donnes tout, alors que jusqu'au plus profond de moi j'ai repoussé les beautés et les douceurs du monde, tout ce qui peut être tentations ou ambition, tu sais ce que te dit mon cœur : « Ma face, mon intelligence, mon cœur t'ont cherché ; ta face Seigneur, je rechercherai. Ne détourne pas ta face de moi ; ne t'éloigne pas de ton serviteur. »
Je manque sans doute d'humilité devant toi mais je sais que, depuis toujours sans te lasser, tu me soutiens et me protèges. Mais c'est par amour de ton amour que je le fais : vois-le, tout comme tu me vois, moi qui ne te vois pas. Tu m'as donné le désir de toi, tu en es la cause et c'est donc que quelque chose te plaît en moi. Et parce que tu m'aimes, tu me pardonnes moi qui suis aveugle ; et tu me donnes la main si dans ma course vers toi, je risque de tomber.
3 – Contemplation de l'humanité du Christ
Que ta Parole résonne au-dedans de moi, alors mes yeux intérieurs seront éblouis par l'éclat de la vérité. Comment te voir et vivre ? Envahi par mes erreurs, je n'ai pas encore pu laisser en moi pour toi, toute la place.
Cependant, selon ta Parole et par ta grâce, Seigneur, je me tiens solidement sur le roc de la foi en toi, vraiment près de toi ; grâce à la foi, j'attends douloureusement mais avec patience, ta venue.
Je le sais, ta main me couvre et me protège. Alors je te loue et te rends grâce.
Et quelquefois, dans ma contemplation, j'aperçois le « dos » de celui qui me voit. Alors je m'empresse d'accéder à Jésus, Fils de Dieu dans son humanité.
Mais quand je m'empresse d'accéder à lui, comme cette femme souffrant d'un saignement que Jésus a guéri, je m'efforce de guérir mon âme si misérable en effleurant les franges de son manteau. Ou comme Thomas qui voulait voir Jésus et toucher la plaie de son côté non seulement du doigt mais de la main, entrer tout entier jusqu'au cœur même de Jésus, nouvel arche de la Bonne Nouvelle, contenant la douce manne de la divinité ; hélas, on me dit alors : « Ne me touche pas » et ce mot de l'Apocalypse : « Dehors, les chiens ! »
" Ne me touche pas "
DG - d'après un vitrail de J.H Stevens , 1925
Je dois bien alors constater que je ne suis pas digne d'approcher mon Dieu, que je suis bien inconvenant et bien présomptueux. Et de nouveau, je retourne à mon rocher, mon refuge, tel un hérisson rempli des épines de ses torts. Alors, je le sais, ta main me couvre et me protège. Alors, je te loue et te rends grâce. Cela ranime mon désir; et presque impatient, j'attends qu'un jour, tu enlèves la main qui me couvre et que tu verses sur moi, la grâce qui illumine . Mort à moi-même et vivant pour toi, enfin tu me répondras, me dévoilant ta face. En te voyant, tu toucheras mon coeur.
O Face ! Heureux celui qui voit le Seigneur ! Il accueillera en lui le Dieu de Jacob et en deviendra l'image qui lui est montrée sur la montagne. Ici, avec vérité et compétence, je chante : « A toi, mon cœur a dit : ma face t'a cherché ; ta face, Seigneur, je rechercherai.
C'est pourquoi, par un don de ta grâce, je contemple tous les angles de mon humanité et ses limites, et je désire uniquement et exclusivement te voir. Tout mon être verra mon Dieu, mon sauveur. Je l'aimerai, puisque je verrai qu'il est la vraie vie.
Qui pourrait aimer ce qu'il ne voit pas ? Comment pourrait être aimé ce qui n'est pas, de quelque façon, visible ?
4 – Les perfections divines dans la création
A qui te désire, tu fais signe. Et du ciel et de la terre, par toutes les créatures, ces signes s'offrent et se présentent à moi d'eux-mêmes, ô Seigneur ! Et parce qu'ils te proclament avec plus d'évidence et de vérité, plus ils te rendent pour moi ardemment désirable.
Mais hélas ! Je ne peux pas y goûter pleinement du fait de mes imperfections. En effet, de même que ce que je t'offre ne peut te plaire parfaitement si je ne m'y associe pas tout entier, ainsi la contemplation de tes biens nous rafraîchit-elle sans doute avec douceur, mais elle ne nous satisfait pas parfaitement si nous ne percevons pas ta présence.
Voilà à quoi s'exerce mon âme qui te scrute assidûment ; et, avec ton aide, comme faisant effort avec les pieds et les mains et toute ma vigueur, je tends vers le haut, vers toi, en toi : souverain amour, souverain bien. Mais plus fort je tends, plus durement je retombe bien bas. Ainsi donc, je me regarde et me juge moi-même ; et je deviens à moi-même, à propos de moi-même, une laborieuse et ennuyeuse question.
Cependant, Seigneur, je suis certain, certes avec ta grâce, d'avoir en moi le désir de te désirer et l'amour de t'aimer de tout mon cœur et de toute mon âme. Jusque là, tu m'as fait progresser, jusqu'à désirer te désirer et aimer t'aimer. Mais quand j'aime ainsi, je ne sais pas vraiment ce que j'aime. Qu'est-ce qu'en effet qu'aimer l'amour, désirer le désir ? C'est par l'amour et le désir que nous aimons et désirons. Mais ce n'est pas l'amour que j'aime, mais c'est moi que j'aime aimant, lorsque je loue et aime mon âme dans le Seigneur. Cette âme, je la détesterais sans aucun doute, si je la trouvais ailleurs que dans le Seigneur et dans son amour.
Que dire encore du désir ? Je désire être désirant. Mais est-ce que je désire le désir de toi comme si je ne l'avais pas, ou bien un désir plus grand que celui que j'ai ?
5 – Vicissitudes de la contemplation
Face à cet aveuglement de mes yeux intérieurs, je demande qu'au plus vite par toi, ils soient ouverts. Non pas comme Adam qui vit sa confusion, mais pour que je voie Seigneur, ta gloire. Oubliant alors ma petitesse et ma pauvreté, je me redresse tout entier et cours vers ton amour, voyant celui que j'aimerai et aimant celui que je verrai ; et mourant à moi-même, je commence à vivre en toi. Je connaîtrai alors le bonheur d'être en toi, moi pour qui le pire est d'être en soi.
Mais vite Seigneur, ne tarde pas.
La contemplation possède en effet ses raccourcis, par la grâce de ta sagesse. Là, il n'y a ni arguments, ni discussion de la raison qui permettent comme des échelles de monter vers toi. Là, celui qui te cherche fidèlement et à qui tu te donnes, s'y trouve souvent tout à coup. Mais, ô Seigneur, si parfois, ce qui est bien rare, m'est donnée quelque part cette joie, alors je m'écrie : «Seigneur, il nous est bon d'être ici, faisons-y trois tentes », une pour la foi, une pour l'espérance, une pour l'amour. »
Je ne dois pas savoir ce que je dis, quand je dis : « Il est bon d'être ici ». car tout à coup, je tombe à terre comme mort ; je regarde et ne vois rien ; et ou j'étais d'abord, je me retrouve : dans la douleur de mon cœur et de mon esprit. Jusqu'à quand Seigneur ? Jusqu'à quand ? Malgré tout mon désir vers toi de mon âme et de mon cœur, à longueur de jours .
Combien de temps ton Esprit se refusera-t-il à demeurer dans les hommes parce qu'ils sont du monde charnel ? Dieu vient et s'en va, et souffle où il veut. Mais, comme dit le psaume : « Quand le Seigneur fera revenir Sion de captivité, nous serons vraiment consolés : alors notre bouche se remplira de joie, et nos lèvres de chansons. »
En attendant, quel malheur ! Mon exil s'est prolongé ; je suis dans la nuit ; mon âme est bien exilée.
Amour de désir et amour qui fructifie
Mais au-dedans de moi, dans mon cœur, ta vérité me console : il y a l'amour du désir et l'amour qui fructifie. L'amour du désir mérite d'obtenir parfois la vision, une vision qui porte des fruits vers un amour parfait.
Je te rends grâce, ô toi qui daignes parler au cœur de ton serviteur, et qui réponds quelque peu à ses questions anxieuses. Je reçois et serre contre mon cœur cet aperçu de ton Esprit et, grâce à lui, j'attends dans la joie l'effet de ta promesse.
Je désire donc t'aimer, et j'aime te désirer ; et de cette façon je cours pour saisir celui par qui j'ai été saisi. Pour t'aimer parfaitement un jour, ô toi qui le premier nous as aimés, toi qu'on doit aimer, aimable Seigneur.
6 – Perfection de l'amour et désir sans fin
Mais existe-t-il quelquefois ou quelque part Seigneur, une telle perfection de l'amour pour toi, un bonheur si complet de t'aimer, qu'aspirant à Dieu et étant aussi comblé, l'âme dise : « Il suffit ! » Je serais bien étonné qu'il n'y ait pas de défaillance chez celui , quelqu'il soit et où qu'il soit, qui dit : « Il suffit ! ». Mais s'il y a défaillance, quelle peut-être la perfection ? Nulle part donc, et jamais de perfection ? Mais alors si nous sommes imparfaits, Seigneur, qui connaîtra ton royaume ?
Et, il n'est pas un juste celui qui n'a pas conscience de ce qu'il te doit, de ton amour pour nous, qui n'a pas un désir de t'aimer autant qu'il est possible à un homme raisonnable. Il est bien certain encore que les bienheureux séraphins, à qui la proximité de ta présence et la clarté de ta vision ont valu le nom d'Ardents – et ils le sont en effet – t'aiment plus que quiconque. Je voudrais t'aimer autant que ceux qui t'aiment plus que moi. Non par envie, mais par imitation. Si je ne suis pas ingrat et injuste, je comprendrai avec douceur et bonheur ces réalités intérieures qui me feront t'aimer autant que t'aiment chérubins et séraphins.
Mais celui qui désire ce qu'il ne peut atteindre est malheureux. Or, la misère est tout à fait étrangère au royaume de la béatitude. Aussi, nous atteindrons ce que nous désirons.
Que dire à cela ? Oui, que dire ? Parle, je te prie Seigneur, car ton serviteur écoute. Tous ceux qui sont dans le royaume de Dieu, les grands et les petits, chacun selon son ordre, n'aiment-ils pas et ne désirent-ils pas aimer ? L'unité dans l'amour n'empêche pas qu'il y ait diversité. Celui qui en a reçu le don aime plus ardemment ; et le petit, de son coté, aime les biens spirituels, sans envie, dans ceux qui les possèdent.
A la vérité, c'est l'Amour qui est aimé, lui qui par son abondance et sa nature, emplit d'une pareille grâce, bien qu'avec une inégale mesure, ceux qui aiment, et aiment ensemble, qui se réjouissent et se réjouissent ensemble. Et, plus il aime ainsi, plus il est capable d'accueillir cet amour ; ce qui ne diminue pas le désir, mais l'augmente, diminuant par cela même l'anxiété de sa misère.
C'est l'amour, en effet, nous l'avons dit, qui est aimé. Il enlève toute misère, toute anxiété dans le désir, toute envie, et toute sensation d'être rassasié. L'amour illumine ces bienheureux, comme dit l'apôtre, « de clarté en clarté », pour que dans la lumière, ils voient la lumière, et que dans l'amour, ils conçoivent l'amour.
C'est là , à la vérité, la fontaine de vie qui toujours coule sans jamais se perdre. C'est la gloire, ce sont les richesses, dans la demeure du bien-aimé car celui qui désire trouve prêt ce qu'il désire, et celui qui aime, ce qu'il aime. Aussi celui qui désire, aime-t-il toujours désirer, et celui qui aime, désire-t-il toujours aimer. Tu réponds toujours en abondance, ô Seigneur, de telle façon que ni l'anxiété n'afflige celui qui désire , ni le dégoût celui qui abonde.
Et n'est-ce point là, je te prie Seigneur, cette voie éternelle, de laquelle chante le psaume : « Et vois, s'il y a quelque injustice en moi, et conduis-moi dans la voie éternelle ». Cette affection, c'est la perfection . Toujours aller ainsi, c'est parvenir. Aussi, ton Apôtre dit : « Ce n'est pas que j'aie atteint le but ou que je sois parfait : mais je poursuis ma course pour saisir celui par qui j'ai été saisi, le Christ Jésus ; j'oublie ce qui est derrière moi et m'efforce d'atteindre ce qui est devant moi. Ainsi, je cours vers le but, vers le prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut. » Et Saint Paul ajoute : « Nous tous donc qui sommes spirituellement adultes, ayons cette même préoccupation. » (Philippiens 3, 12-15)
7 – L'Unité d'esprit
Ton amour, Dieu créateur, dans la douceur de ta bonté, leur inspire ce désir de t'aimer. Tu n'es pas « affecté » pour nous et par nous, quand tu nous aimes ; mais tu restes ce que tu es : être bon. Bon pour toi-même, en toi-même et pour toutes les créatures. Nous, au contraire, nous sommes « affectés » par toi, vers toi et en toi, quand nous t'aimons car nous pouvons être et ne pas t'aimer, c'est-à-dire être et être mauvais. Mais pour toi, toujours le même , rien ne s'ajoute si en aimant, nous progressons vers toi ; rien ne s'enlève, si nous nous en allons loin de toi.
Il est possible à l'amour de celui qui aime Dieu, quand lui advient une grâce puissante, de progresser jusqu'à n'aimer que pour toi seul. Et par là, il est reformé à ton image à laquelle tu l'as créé.
Quelle immense félicité de l'âme qui, par Dieu, mérite aussi d'être « affectée » de Dieu de telle sorte que, par l' « unité d'esprit », elle n'aime en Dieu que Dieu seul et ne s'aime soi-même qu'en Dieu.
Un tel amour n'est dû qu'à toi seul Seigneur. Et telle est sur nous la volonté de ton Fils, telle est la prière qu'il t'adresse pour nous, à toi, son Père : « Je veux que, comme toi et moi nous sommes un, eux aussi soient un en nous ». On atteint ainsi la perfection ; c'est la paix, c'est la joie du Seigneur ; c'est la « joie dans l'Esprit-Saint », c'est « le silence dans le ciel ».
Tant que nous sommes en cette vie, l'affection jouit quelquefois de la félicité paisible de ce « silence dans le ciel », dans l'âme du juste, siège de la Sagesse. Cette expérience est toujours brève mais son souvenir laisse dans l'âme attentive et recueillie une allégresse de fête perpétuelle.
Mais dans la vie éternelle de laquelle il est dit : « Entre dans la joie de ton Seigneur », seule existera une parfaite béatitude. Tout ce qui l'avait retardée ou empêchée sera dès lors repoussé. De son amour, l'éternité sera indissoluble, inébranlable la perfection, incorruptible béatitude.
David chantant les psaumes
8 – Prière – Nature de l'amour.
Ô amour, viens en nous, possède-nous. Que disparaissent en nous devant ta face toutes tentations de la chair, des yeux et d'une vie superbe qui naissent dans notre affection pour toi comme des ronces ; dans cette affection dis-je, qui s'appelle en nous l'amour et se corrompt trop souvent dans l'âme créée par toi et pour toi ; c'est pour toi seul que cet amour est créé avec nous et implanté en nous. Quand il résiste à cette loi naturelle et réclame , il doit être appelé gourmandise, luxure, avarice et autres choses semblables. Mais s'il n'est pas corrompu et demeure en sa nature, il est pour toi seul, Seigneur, à qui seul l'amour est dû.
En effet, l'amour de l'âme raisonnable est « un mouvement ou une tranquille station ou une fin au-delà de laquelle rien n'est jugé souhaitable » (Scot Erigène-philosophe rlandais du 9°s.). Au contraire, celui qui cherche quelque chose au-delà de toi, comme étant meilleur que toi, il cherche ce qui n'est rien, car rien n'existe de meilleur et de plus doux que toi.
C'est pourquoi il se réduit à rien en s'éloignant de toi, qui seul doit être aimé vraiment. Tout le reste lui est étranger. L'amour est dû à toi seul, Seigneur, en qui nous existons. « Craindre Dieu », le respecter, se soumettre à Lui en l'aimant, « observer ses commandements, c'est tout l'homme. »
9 – Appel vers Dieu
Que se retire donc de mon âme toute injustice, pour que je te chérisse, Seigneur mon Dieu, de tout mon cœur, de toute mon âme, et de toutes mes forces. Fais moi éviter que j'aime avec toi quelque chose que je n'aime pas pour toi, ô vraiment unique amour et vrai Seigneur. Seul, en effet, tu es vraiment Seigneur, toi pour qui dominer sur nous, c'est nous sauver ; tandis que pour nous, te servir, ce n'est rien d'autre qu'être sauvés par toi.
10 - L'amour de Dieu et la mission du Fils
Comment sommes-nous sauvés par toi, ô Seigneur, de qui vient le salut et la bénédiction, si ce n'est en recevant de toi de t'aimer et d'être aimé par toi ?
C'est pourquoi, Seigneur, tu as voulu que ton Fils, l'homme que tu as affermi pour toi, soit appelé Jésus, c'est-à-dire Sauveur : car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés et il n'en est pas d'autre en qui soit le salut. Il nous a appris à l'aimer quand, le premier, il nous a chéris jusqu'à la mort de la croix ; par son amour, il suscite en nous l'amour pour lui. « Aime-moi, parce que je t'aime », dit l'homme. Mais Dieu dit : « Je t'aime afin que tu m'aimes ». « Le premier, tu nous as chéris. »
C'est ainsi et il en est bien ainsi.
Ce n'est pas que tu aies besoin d'être aimé par nous ; mais c'est ce pourquoi tu nous as faits, nous ne pouvions pas l'être à moins de t'aimer.
Autrefois, tu as parlé à nos pères par les prophètes. Puis tu nous as parlé par le Fils.
Pour toi, parler par ton Fils, ce ne fut rien d'autre que, de placer au soleil, c'est-à-dire de manifester, combien et comment tu nous as aimés, toi qui n'as pas épargné ton propre Fils, mais l'a livré pour nous tous ; lui aussi, il nous a chéris et s'est livré lui-même pour nous. Telle est la parole que tu nous adresses Seigneur, ce Verbe tout-puissant, qui au milieu du silence en toutes choses, c'est-à-dire au profond de l'erreur, vint de son trône royal durement détruire les erreurs et doucement confier l'amour.
Et tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il a dit sur terre, tout ce qu'il a souffert, insultes, crachats, gifles, jusque sur la croix et au tombeau, ce ne fut rien d'autre que la parole que tu nous adressas, dans ton Fils, provoquant et suscitant par ton amour notre amour envers toi.
L'amour ne contraint pas.
Tu savais, ô Dieu créateur des âmes, que nos âmes ne peuvent pas être contraintes à cette affection mais qu'il faut la provoquer. Parce que là où il y a contrainte, il n'y a plus de liberté et où il n'y a pas liberté, il n'y a plus justice.
Mais toi, Seigneur juste, tu voulais nous sauver avec justice en étant toi-même auteur et de notre jugement et de notre cause. Par la justice que tu as faite, toute bouche sera fermée et le monde entier se soumettra à Dieu.
Tu as donc voulu que nous t'aimions, nous qui ne pouvions être sauvés avec justice à moins de t'aimer ; ni t'aimer à moins que cela ne vienne de toi.
« Le premier, tu nous as chéris », et le premier tu chéris tous ceux qui te chérissent.
11 – L'amour de Dieu et la mission du Saint-Esprit
Nous, nous t'aimons par l'amour que tu as mis en nous. Toi, au contraire, créateur de toutes choses et donc de nos affections, de quel amour nous aimes-tu ? En es-tu affecté ? Non, ce serait absurde et contraire à la foi, impossible au créateur. Comment donc nous aimes-tu ?
Eh bien, ton amour, ta bonté, ô Seigneur, c'est l'Esprit-Saint, procédant du Père et du Fils.
Depuis le début de la création, il est porté sur les eaux ; il s'offre à tous, il attire tout à soi : inspirant, aspirant, écartant ce qui est nuisible, pourvoyant ce qui est utile, unissant Dieu à nous et nous à Dieu. Ton Esprit-Saint lui-même habite en nous par ta grâce : il dépose en nous la charité de Dieu ; par elle, il nous accorde à lui, il nous unit à Dieu par la bonne volonté qu'il nous inspire. C'est la véhémence, l'ardeur de cette bonne volonté que l'on appelle en nous l'amour, par lequel nous aimons ce que nous devons aimer, c'est-à-dire toi-même Seigneur.
L'amour en effet n'est rien d'autre que la « volonté véhémente » (St Augustin) et bien ordonnée.
L'esprit d'adoption
Tu t'aimes donc toi-même Seigneur, quand du Père et du Fils procède l'Esprit-Saint. L'amour entre eux est si grand qu'il est unité, une unité si grande qu'elle est unité de substance.
Tu t'aimes encore toi-même en nous quand tu envoies en nos cœurs l'Esprit de ton Fils qui, par la douceur de l'amour, par la véhémence de la bonne volonté que tu nous inspires, crie : « Abba, Père ! ». Ainsi, tu fais de nous ceux qui t'aiment ; bien mieux, tu t'aimes toi-même en nous.
Nous avions l'espérance car nous connaissions ton nom Seigneur, nous qui nous glorifions en toi et chérissons ton nom. Maintenant par ta grâce, nous avons l'assurance que tout ce qui est au Père est nôtre et par la grâce de l'adoption, nous te prions sous le même nom de fils que le fait ton Fils unique de par sa nature.
Tout cela vient de toi, Père des lumières, pour qui aimer, c'est faire du bien et nous te sommes unis dans la mesure où nous méritons de t'aimer.
Nous sommes bénéficiaires de cette prière du Christ, ton Fils : « Je veux que, comme moi et toi nous sommes un, eux aussi soient un en nous. »
Nous sommes en effet de ta race, Seigneur, de la race de Dieu, comme le dit ton apôtre, transférant ce qui est dans un mauvais vase en un vase bon ; ne ressentant plus que cette dernière saveur. Nous sommes, dis-je, de la race de Dieu, tous dieux et fils du Trés-Haut, en vertu d'une certaine parenté spirituelle ; nous revendiquons pour nous une grande affinité avec toi, puisque par l'Esprit d'adoption, ton Fils ne dédaigne pas de porter le même nom que nous ; et que avec lui et par lui, instruits par ta Parole et formés par l'institution divine, nous osons dire : « Notre Père, qui êtes aux cieux. »
Tu nous aimes donc dans la mesure où tu fais de nous ceux qui t'aiment. Et nous, nous t'aimons dans la mesure où nous recevons de toi ton Esprit qui est ton amour, lui qui occupe et possède tous les replis de nos affections et les convertit parfaitement à la pureté de ta vérité en notre pleine acceptation. Notre consentement est tel à cette douceur que Notre-Seigneur lui-même, ton Fils, l'appelle unité lorsqu'il dit : « Qu'eux aussi soient un en nous. » ; et telle en est la dignité, telle en est la gloire, qu'il poursuit et dit : « Comme moi et toi nous sommes un. »
Quelle joie, quelle gloire et quelle richesse !
Amour et béatitude
Mais quoi de plus absurde que d'être uni à Dieu par l'amour, sans l'être par la béatitude ? D'aimer sans en être heureux ? Aussi sont-ils vraiment, uniquement et exclusivement bienheureux, et parfaitement bienheureux, ceux-là qui t'aiment vraiment et parfaitement. Nul au contraire, et de nulle manière, n'est heureux qui ne t'aime pas. « Bienheureux le peuple à qui sont tous ces biens. », dit-on : mensonge ! Car seul est bienheureux de qui est seigneur son Dieu.
Etre bienheureux, qu'est-ce en effet, sinon ne rien vouloir que le bien, et avoir tout ce que l'on veut ? Or, te vouloir, et te vouloir avec force – ce qui est aimer, et aimer de façon exclusive, puisque tu ne souffres pas d'être aimé avec aucune autre chose au monde, soit charnelle, soit spirituelle, soit terrestre, soit céleste, qui ne serait pas aimée pour toi – c'est là enfin ne rien vouloir que le bien, et c'est avoir tout ce que l'on veut, puisque chacun te possède dans la mesure où il t'aime.
Amour et connaissance
Donc, unis à Dieu et par l'amour et par la béatitude, nous comprenons que vraiment « du Seigneur vient le salut, et que tu répands sur ton peuple ta bénédiction ». C'est pourquoi, nos prières, nos vœux, nos sacrifices et tout ce qui est nôtre, nous te l'offrons Père, par Notre-Seigneur Jésus-Christ, ton Fils, car nous croyons et comprenons que tout ce qui est bon en nous est de toi, par toi et pour toi, en passant par lui, de qui nous avons reçu l'être même.
Et tout cela par l'action de ton Saint-Esprit qui habite en nous, nous le croyons et le comprenons autant qu'il est permis de le comprendre … Quand nous t'aimons, notre esprit est assurément « affecté » de ton Esprit-Saint : par lui, habitant en nous, nous possédons la charité de Dieu, répandue en nos cœurs.
Et quand ton amour, amour du Père pour le Fils, amour du Fils pour le Père, quand l'Esprit-Saint habite en nous,... alors il convertit en soi « tous les captifs de Sion », c'est-à-dire toutes les affections de notre âme, et les sanctifie... nous faisant un en toi.
De la sorte, de même que pour le Père, connaître le Fils n'est rien d'autre que d'être ce qu'est le Fils ; que pour le Fils, connaître le Père n'est rien d'autre que d'être ce qu'est le Père, - d'où cette parole de l'Evangile : « Personne ne connaître le Père si ce n'est le Fils ; et personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père »- et que, pour l'Esprit-Saint, connaître et comprendre le Père et le Fils n'est rien d'autre que d'être ce que sont le Père et le Fils. ; qui, par Adam, avons vieilli privé d'elle ; qui, par le Christ, sommes rénovés en elle de jour en jour De même pour nous, qui avons été créés à ton image.
Pour nous qui aimons Dieu, aimer et respecter Dieu et observer ses commandements, ce n'est rien d'autre que d'être véritablement, et d'être un seul esprit avec Dieu.
Prière pour demander l'Esprit-Saint
Adorable, terrible, béni, donne-le nous ; envoie ton Esprit et tout sera créé, et tu renouvelleras la face de la terre. Ce n'est pas dans le déluge des eaux nombreuses, dans le trouble et la confusion d'affections si nombreuses, si diverses, qu'on approche de Dieu. Seigneur, ce cataclysme-là, peine des fils d'Adam, a déjà assez duré sur la terre. Que la mer se retire et que nous ayons soif de la fontaine de vie. Qu'après le lâcher du corbeau, vienne la colombe, au rameau d'olivier, au rameau de lumière annonçant la paix. Que nous sanctifie ta sainteté ; que nous unisse ton unité ; et à Dieu qui est charité, nous serons associés, comme dans une certaine affinité et parenté ; par la vertu de la charité, nous lui serons unis.
12 - La vraie philosophie
Mais il importe Seigneur, de savoir comment chacun t'aime. Comme l'a dit saint Augustin beaucoup « aiment la vérité quand elle luit, et ne l'aime pas quand elle réprimande » ; et beaucoup cultivent le bien-fondé de leur affection, alors qu'ils en sont loin dans leurs pratiques : ils l'approuvent et ils l'aiment en elle-même, mais ils ne l'exercent pas en eux-mêmes. Ceux-là t'aiment-ils vraiment, ô Dieu, vraie justice, ceux-là t'aiment-ils vraiment ?
Les philosophes de ce monde l'ont cultivée autrefois et pouvaient dire : « Les bons ont eu la haine du péché, par amour de la vertu » (Horace). Bien qu'ils fussent affectés de quelque amour et qu'ils eussent quelques œuvres d'honnêteté, leur foi ne puisait pas à la fontaine et à l'origine de la vraie justice et elle n'y retournait pas comme à sa fin. Ils erraient, en fait, d'autant plus désespérément qu'ils couraient plus fort hors de la voie. La voie en effet, Père, c'est ton Christ, qui a dit : « Moi, je suis la voie, la vérité et la vie. »
Ainsi, ta vérité, qui est aussi la vie à laquelle on va, par laquelle on va, nous décrit la pure, vraie et simple forme de la divine et vraie philosophie, en disant à ses disciples : « Comme le Père me chérit, moi aussi je vous chéris. Demeurez dans mon amour ; comme moi aussi j'observe les préceptes de mon Père et demeure en son amour. » Et c'est encore le « chéri du chéri » quand le disciple chéri chérit son Maître, le Christ, jusqu'à complète observation de ses commandements, et ne perd pas cette volonté jusqu'à la nécessité de la mort : illuminé par sa vérité et son amour, il use bien, pour le bien, de toutes choses, de celles qui peuvent servir au bien, et de celles qui portent au mal, et de celles qui tiennent le milieu entre les unes et les autres : ce qui est le propre de la vertu chrétienne. La vertu en effet, comme l'a déjà dit avant nous saint Augustin, est « le bon usage de la volonté libre » et « l'acte de la vertu, c'est le bon usage de ces choses dont nous pourrions aussi mal user. »
Par conséquent, pour que la charité ne soit pas manchote, on nous enseigne l'amour du prochain, selon la loi pure de la charité : ainsi, de même que Dieu n'aime rien d'autre que lui-même en nous, et que nous, nous avons appris à n'aimer en nous que Dieu seul ; de même aussi commencerons-nous à aimer le prochain comme nous-même, puisqu'en lui, c'est Dieu seul que nous aimons, comme en nous-mêmes.
L'Esprit souffle où il veut.
Mais pourquoi Seigneur tant de mots ? Mon âme misérable, Seigneur, est nue et gelée et transie, et elle désire être réchauffée par la chaleur de ton amour. C'est pourquoi, n'ayant pas de vêtements, je rassemble et je couds ces bouts de toile, ramassés de tous côtés, pour protéger ma nudité. Je les recueille sur l'immensité de mon désert, sur la spacieuse vanité de mon cœur, afin de me préparer, quand je serai entré dans le tabernacle de ma demeure, et je mourrai. Ou plutôt, je ne mourrai pas si vite ; bien plus Seigneur, je ne mourrai pas, mais je vivrai et je raconterai les œuvres du Seigneur.
Je me tiens donc solitaire, et aspirant le souffle de mon amour, j'ouvre la bouche vers toi Seigneur, et j'aspire l'esprit. Et quelquefois, alors que je suis ainsi, les yeux clos, tu me mets quelque chose dans la bouche du cœur ; mais je ne sais pas ce que c'est. Sans doute, je sens une saveur, tellement douce, tellement réconfortante, que si elle se parfaisait en moi, je ne rechercherais plus rien d'autre.Mais quand je la reçois, tu ne me permets pas de discerner ce que c'est ni par une vision du corps, ni par un sens de l'âme, ni par une intelligence de l'esprit ; quand je le reçois, je veux la retenir et ruminer, et en juger la saveur ; mais aussitôt elle passe. Je l'absorbe sans doute, quelle qu'elle puisse être, dans l'espoir de la vie éternelle. Je souhaiterais la transfuser dans toutes les veines et toutes les moelles de mon âme comme quelque suc vital et ne plus savourer qu'elle seule et à jamais ; mais elle se hâte de passer.
Et lorsque, dans la recherche de l'Esprit, ou dans sa réception, ou dans son usage, je m'efforce d'en mémoriser ou d'en écrire quelques bribes, en fait et par expérience, je suis contraint d'apprendre ce que, dans l'Evangile, tu dis de l'Esprit : « On ne sait ni d'où il vient ni où il va ». En effet, tout ce que j'ai pris soin de confier à ma mémoire sous une forme ou sous une autre afin d'y revenir et m'y recueillir quand je le voudrai, et soumettre ainsi ce pouvoir à ma volonté chaque fois que je le voudrai, je m'aperçois que l'Esprit souffle où il veut et non quand je le veux.
Et vers toi seul, je dois lever les yeux, fontaine de vie, pour en ta lumière seule voir la lumière.
Prière finale
C'est toi, seul Dieu, que j'honore, adore, bénis ; c'est toi que de tout mon cœur, et de tout mon esprit, et de toutes mes forces, j'aime et j'aime aimer, et je désire.
Ceux qui te chérissent parmi les anges, je le sais, me chérissent moi aussi. Quiconque demeure en toi et peut avoir connaissance des prières et des affections humaines, je sais qu'en toi il m'écoute.
Quiconque te possède, m'aide aussi.
Toi donc, Dieu Père, créateur par qui nous vivons,
Toi, Sagesse du Père, par qui, réformés nous vivons sagement,
Toi, Esprit-Saint, lequel et en qui nous aimons, nous vivons et vivrons bienheureux,
Trinité d'une seule substance,
Seul Dieu, de qui nous sommes, par qui nous sommes, en qui nous sommes,
de qui par le péché nous sommes séparés et à qui nous sommes devenus dissemblables ;
mais par qui notre perdition n'a pas été permise,
Principe vers qui nous refluons,
Forme que nous suivons,
Grâce par laquelle nous sommes réconciliés,
Nous t'adorons et nous te bénissons.
A toi, gloire dans les siècles.
Amen.
Abbaye bénédictine d'Oriocourt (57)
DG - @ DG
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Mise à jour : Lundi 28 Décembre 2020, 19:36
Denyse
- rubrique 05 - Guillaume de SAINT-THIERRY - La Contemplation de Dieu
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Dimanche 20 Septembre 2020
La Règle de saint Benoît - Pierre Alban Delannoy
Chemin de vie pour les laïcs
Pierre-Alban DELANNOY
Albin Michel, 2015
219 p.
Dans ce livre de P.A. Delannoy, rien de tel. On est tout de suite conquis. Comme la Règle elle-même, ce document s’adresse autant à des débutants qu’à de grands usagers comme les moines.
* *
1985 1984
Ce qui frappe le plus, me semble-t-il, et qui fait la qualité de l’ouvrage, c’est de la part de l’auteur, une longue et minutieuse fréquentation de ce chef d’œuvre qu’est la Règle et qui derrière une certaine simplicité apparente, un pointillisme qui peut sembler d’un autre temps,P.A Delannoy écoute la Règle avec le soutien de l’Esprit-Saint qui lui ouvre d’autres portes, et éclaire le sens profond qui, comme les textes bibliques d’ailleurs, reste caché aux personnes qui pensent avoir tout compris dès la première lecture. Il va nous falloir accepter que ce que nous saisissons un jour soit toujours partiel…
« Benoît nous remet la Règle entre les mains en disant qu’elle est un ouvrage intermédiaire, qu’elle est le prolongement d’autres livres, d’autres Règles, et qu’elle est faite pour être poursuivie, amendée, transformée…(p.28)
* *
1995 2006
On en arrive à l’expérience particulière de la Grange de Clairvaux par rapport à cette Règle : un travail de longue haleine basé sur le partage, la méditation, la concertation et modestement l’adoption de « petites règles » auxquelles les membres du groupe s’engagent chacun à son rythme, sans pression mais avec la volonté d’avancer, de faire le point face à soi-même et devant ses frères. On sait combien les petites choses quotidiennes peuvent être occasion d’humilité, de fraternité, de progrès spirituels si on accepte de croire qu’on ne peut pas grand-chose sans Dieu… et sans ses frères .
La Grange réinvente, expérimente en quelque sorte l’usage de la RB à sa mesure, sans hâte excessive parfois mauvaise conseillère. Ils construisent eux aussi leur « nouveau monastère ».
Le grand rassemblement prochain d’août 2015 va sans doute demander beaucoup d’énergie à l’équipe de La Grange qui invite à Clairvaux et la solidarité fraternelle qui se joue là, le témoignage qu’elle porte, n’est pas négligeable. Puis les jours ordinaires reprennent leur cours et ont aussi leurs exigences et leurs joies. C’est notre lot à tous de vivre quelques grands moments de foi au milieu d’une multitude d’instants bien plus discrets .
Comme eux, ces groupes étaient en recherche, moins avancés qu’eux dans leur orientation de vie de laïcs cisterciens sur ce lieu particulier et c’est bien normal. Tant de projets furent sur l’établi et le travail manuel ne manquait pas non plus. Les choix actuels de La Grange ne sont d’ailleurs pas ceux de tous les groupes loin de là ; cela aussi est normal.
Le lieu particulier d’Outre-Aube, grange de l’abbaye de Clairvaux où vivait saint Bernard : grande maison, la main à la pâte où chacun a travaillé depuis tant d’années permettent aujourd’hui ce qui s’y vit d’original. C’est une chance ou plutôt un plant qui pousse après bien des labours. Mais le propos de la deuxième partie de ce livre aura peut-être un peu de mal à être en phase avec ce que vivent la majorité des groupes qui se retrouvent régulièrement mais épisodiquement. Le but n’étant pas, pour la majorité, de vivre ensemble en continu et de reproduire en quelque sorte une vie monastique couleur laïc.
Mais peut-être d’autres groupes seront appelés à une démarche semblable. On peut le souhaiter.Mais je ne pense pas que ce sera l'option de la majorité malgré les liens étroits et fraternels qui les lient tous à leurs communautés monastiques respectives.
« Chacun d’eux sent la nécessité de se joindre à une communauté parce que celle-ci apparaît comme le moyen de continuer plus intensément la conversion personnelle qui l’a retourné, de fournir le soutien et l’aide à la réalisation de celle-ci … » Et « l’empreinte de la communauté » demeure même quand chacun a regagné son lieu de vie. « Vie communautaire explicite…(temps passé ensemble)… vie communautaire implicite…qui se prolonge dans la vie personnelle. » (p.142)
Je pense que c’est dans le cas de cette problématique d’une vie « mixte » que résident surtout la difficulté de faire vraiment communauté et la grande différence avec la vie monastique dans ce qu’elle a de radical.
J’ai souvent eu l’impression qu’à La Grange on s’efforçait très sincèrement de vivre en frères, mais hors ces murs-là, nos vies quotidiennes intéressaient-elles vraiment nos « frères » ? J’en doute. Discrétion ? pudeur ? Peut-être… Et en face, une écoute trop souvent superficielle, ce qui ne facilite pas l’échange . Nous étions un peu dans une bulle régénérante mais un peu utopique. Laïcs cisterciens, nous ne vivons pas vraiment ensemble et, tout en semblant proches, nous sommes en fait très loin les uns des autres quand on se rencontre un jour par mois ou un week-end par trimestre . Ce fut mon expérience mais je ne doute pas qu'il y ait des groupes où l’équilibre du partage est meilleure.
J’ai entendu des moines regretter aussi cette trop grande réserve entre eux qui peut nuire à une vraie vie fraternelle. Comment s’aimer si on se connaît peu , si on se méprend sur le silence de l’un et le bavardage de l’autre ? Mais avec les temps actuels plus permissifs, les relations s’améliorent. Avec ses risques aussi.
L’expérience de La Grange est particulière, belle, dérangeante, possible ailleurs (des formes de béguinages naissent en France par exemple et c’est fort intéressant) mais la réalité de vie de la majorité des groupes de laïcs cisterciens ne peut se permettre de tels engagements communautaires, ce qui n’empêche pas le charisme cistercien d’y souffler.
Par contre l’approche de la Règle et sa mise en pratique telle que l’évoque P.A Delannoy, par des laïcs sensibles à la spiritualité cistercienne, est bien analysée et tout à fait souhaitable . Elle peut nous toucher aussi individuellement. Le chrétien est plus que jamais appelé à vivre au cœur du monde dans un vivre ensemble qui n’a pas forcément les attraits particuliers d’une communauté réglée sur le même diapason où déjà là, c’est bien difficile de vivre en harmonie !
Autant l’Evangile est le Chemin, la Vérité et la Vie pour tous chrétiens, autant la Règle de saint Benoît, « petite Règle pour débutants » n’est pas forcément « chemin de vie » pour tous les laïcs. Elle en est un parmi d’autres.
Mais on peut à juste titre espérer, comme le souligne le P. Armand Veilleux dans son livre « Les moines ont-ils un avenir » que le dynamisme des laïcs d’aujourd’hui, dont certains sont appelés à vivre en communauté, est un sang neuf , un renouveau pour notre Eglise qui peut redonner goût à la vie monastique, la sauvegarder, la bousculer (étrange renversement des situations) en laissant l’Esprit-Saint nous éclairer peu à peu sur la volonté de Dieu qui nous surprendra toujours.
*
2013
Si nous regardons en arrière, nous voyons l’évolution et les constantes formidables que vivent les communautés de croyants. Mais notre vie à nous est courte, comment pourrions-nous imaginer ce qu’il adviendra de l’Eglise dans les siècles à venir ?
Comme Jésus l’a promis, un jour viendra qui nous rassemblera tous dans une fraternité sans nuages. Nos « petits pas de conversion » nous y préparent.
La belle page 192 évoquant l’enfant qui apprend à marcher les yeux dans les yeux de ses parents, en confiance, ou Pierre marchant sur les eaux en regardant Jésus souligne combien « répondre à un appel que l’on a entendu c’est tendre son regard vers celui qui a appelé. »
*
Abbaye de Fontfroide
« Faire l’œuvre de Dieu (ou laisser œuvrer Dieu en soi), c’est faire advenir ici et maintenant, en ce monde limité, quelque chose de l’illimité de Dieu. » (p.196)
Denyse
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Trois figures féminines dans la vie de saint Benoît
Frère Michael Davide SEMERARO
150 p.
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Habituée à lire régulièrement la Règle de saint Benoît plutôt que sa vie, parfois m’avait-elle semblé enjolivée de nombreux miracles pour traduire la sainteté et la perfection du « héros » comme il se doit dans une hagiographie, la curiosité m’a poussée à découvrir ce livre. Autant on a à dire (et à inventer aussi !) sur l’entourage féminin de Jésus, mais que pouvait-on bien écrire sur la vie de saint Benoît en-dehors d’évoquer sa sainte sœur Scolastique, moniale elle aussi ?
Il faut, me semble-t-il, arrêter rapidement cette lecture pour revenir aux origines et relire en priorité le texte de base incontournable et unique sur ce sujet qu’est la vie de saint Benoît écrite une quarantaine d’années après la mort de Benoît par le Pape Saint Grégoire le Grand ( 540-604) grâce notamment aux témoignages de moines vivant encore et qui avaient connu Benoît mais écrite aussi sous l’inspiration du Saint-Esprit, comme nous le montre la fresque ci-dessous du 13°s.(une tourterelle lui soufflant les mots à l'oreille) et qu’on peut voir à Subiaco (ph.2)
La biographie de saint Benoît par le pape Grégoire le Grand (auteur parfois mis en doute) est simple et sobre même si elle n’échappe pas au style hagiographique et anecdotique , mais elle est lumineuse et fortement évocatrice de la personnalité de saint Benoît et de ses mérites.
Pour rendre la narration plus vivante, Grégoire présente son texte sous forme d’un Dialogue avec un certain Pierre qualifié de « diacre très cher ».
Saint Grégoire 1er
« Cet itinéraire nous aide à comprendre la dynamique de l’itinéraire mystique, humain et spirituel de Benoît en le présentant non seulement comme un exemple, mais aussi comme un encouragement, une nécessité vitale. Au niveau spirituel, c’est une invite à cheminer et à s’élever en acceptant de ne pas retourner en arrière, mais d’aller toujours en avant, toujours au-delà. » (p.29)
- Puis la figure de la femme séduisante et tentatrice qui occupe les pensées du jeune Benoît rencontrant avec la violence d’un feu, le risque de la transgression. Désir de retourner dans le monde ou désir de Dieu, il va lui falloir choisir. Etape quasi incontournable qui va le faire grandir en humanité et s’affirmer . Sa Règle écrite des années plus tard saura nous dire où est son vrai bonheur : en Dieu.
« Benoît ne sous-estime pas ce qui est en train de se passer. Il ne marchande pas avec ses émotions et avec sa tentation, mais il affronte le feu de la libido et l’intègre. Cela ne peut se faire qu’à travers la conscience de son humanité totale qui exige continuellement le tourment, dans sa chair, du choix entre le bien et le mal, entre bien et bien, entre bien et mieux (cf.Rm8, 1…) »
Ce livre est finalement d’une grande richesse spirituelle à travers la vie de saint Benoît, si cher aux moines et moniales , ainsi qu’aux laïcs attachés aux spiritualités bénédictine et cistercienne, et qui lisent et méditent chaque jour un passage de la Règle de saint Benoît, règle pour laquelle ils ont fait vœu d’obéissance.
*© D.G
15.10.2015
Denyse
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Clairvaux - Etat des lieux
CLAIRVAUX – Etat des lieux
Textes de Virginie BIANCHI et de Jean-François LEROUX-DHUYS
Photographies de Pascal STRITT
Ed. Dominique Guéniot, 2011
Voici un très beau livre qui intéressera tout d’abord l’amateur d’histoire et de monuments historiques, mais aussi toute personne qui aime retrouver les racines de la vie religieuse (ici, celles des cisterciens) et les traces qu’elles laissent. Mais le bonheur de lecture et de contemplation (on peut le dire à juste titre puisque Clairvaux fut le lieu de vie de contemplatifs) tient surtout aux remarquables photographies de Pascal Stritt, qui au fil des pages illustrent les propos d’historien de Virginie Bianchi et de spécialiste des cisterciens de Jean-François Leroux-Dhuys.
Nous entrons, par ce livre, dans une visite guidée et approfondie de ce haut lieu de Clairvaux où Saint Bernard fonda au XII°sIècle son abbaye, fille de Cîteaux et mère de centaines d’autres abbayes cisterciennes. Nous découvrons les alentours, longeons les hauts murs, nous nous rendons dans les cloîtres et au superbe bâtiment des convers avec son cellier et son dortoir.
Nous croisons aussi des paroles de saint Benoît ou saint Bernard et c’est justice.
…ou celle d’un détenu car ce lieu est évidemment lourd aussi de son histoire pénitentiaire et on franchira des grilles qui mènent aux cellules des prisonniers, au mitard, aux cellules délabrées couvertes de graffitis. Le photographe nous offre des images-choc du centre de détention (fermé en 2006).
Clairvaux accueille toujours des détenus mais dans des espaces bien sûr, inaccessibles au public.
Après ce parcours livresque passionnant, on ne peut que désirer aller sur le terrain .
Heureusement, après bien des aléas, les espaces monastiques sont aujourd’hui sauvegardés et avec les auteurs de ce livre et notamment l’Association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux, on souhaite qu’un jour ces illustres bâtiments accueillent un Musée du monachisme cistercien peut-être associé à un Musée de l’enfermement pénitentiaire.
D.G
Extraits.
« Clairvaux abbaye et prison. L’histoire du site est définitivement marquée par son double destin et ses vénérables vestiges témoignent des neuf siècles d’enfermement vécus dans la liberté et la contrainte. Tout oppose les situations humaines des moines et des détenus, mais elles se déroulèrent dans les mêmes murs au cœur d’un même espace clos. » (J.F. Leroux) – p.189
« Que fait l’or aux portes des églises ? … Ce n’est pas à un moine de juger… mais quand je me tairais, les pauvres, les nus les faméliques se lèveraient pour hurler. » (Saint Bernard) – p.89
« Les leçons cisterciennes sur la maîtrise du bâtiment prennent la valeur d’un témoignage capital. » (Léon Pressouyre –Le Rêve cistercien) – p.93
Denyse
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Traité de l'Amour de Dieu
Saint BERNARD de CLAIRVAUX
(vers 1132-1135)
Lecture continue avec extraits choisis – DG 2018-2019 - © D.G -
L’amour de Dieu … Voilà en effet le sujet le plus doux à goûter, le plus sûr à traiter et le plus utile à écouter…
1. Vous voulez apprendre de moi pourquoi et dans quelle mesure il faut aimer Dieu. Je vous réponds : la cause de notre amour de Dieu, c’est Dieu même ; la mesure, c’est de l’aimer sans mesure…
Il y a deux raisons d’aimer Dieu pour lui-même : d’abord parce que l’on ne peut rien aimer avec plus de justice ; ensuite parce que l’on ne peut rien aimer avec plus d’avantage...
Si donc, quand on cherche pourquoi aimer Dieu, on cherche son mérite, voilà le principal : Il nous a aimés le premier. (1 Jn 4,10)
2.Dieu accorde aux hommes ... des bienfaits innombrables ... : le pain, le soleil et l'air. Je dis les principaux, en raison non de leur supériorité, mais de leur nécessité; car ils concernent le corps.
L'homme doit chercher ses biens les plus hauts en cette part de lui-même par laquelle l'homme dépasse l'homme, c'est-à-dire en son âme. Ces biens sont la dignité, la science et la vertu...
J'appelle vertu le fait qu'il en vienne à rechercher sans paresse celui dont il tient son existence et à s'attacher fortement à lui après l'avoir trouvé.
L'homme doit chercher ses biens les plus hauts en cette part de lui-même par laquelle l'homme dépasse l'homme, c'est-à-dire en son âme. Ces biens sont la dignité, la science et la vertu...
J'appelle vertu le fait qu'il en vienne à rechercher sans paresse celui dont il tient son existence et à s'attacher fortement à lui après l'avoir trouvé.
Triple grandeur de l’homme.
L’homme doit chercher ses biens les plus hauts en cette part de lui-même par laquelle l’homme dépasse l’homme, c’est-à-dire en son âme. Ces biens sont la dignité, la science et la vertu… J’appelle vertu le fait qu’il en vienne à rechercher sans paresse celui dont il tient son existence et à s’attacher fortement à lui après l’avoir trouvé.
© D.G
Grandeur reçue de Dieu.
Quelle gloire y a-t-il à possèder un bien sans savoir qu’on le possède ? … Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? (1Co4,7)… « Celui qui se glorifie, qu’il se glorifie dans le Seigneur »(1Co1,31), c’est-à-dire dans la vérité. Car « le Seigneur est vérité » (Jn 14,6).
4. Trois fautes à éviter
Il te faut savoir d’une part ce que tu es, et d’autre part ce que tu ne l’es pas par toi-même ; tu éviteras ainsi ou de ne pas te glorifier du tout, ou de te glorifier vainement…
Il faut éviter avec grand soin cette ignorance qui nous ravalerait à nos propres yeux ; mais il faut se méfier tout autant, et même plus encore, de l’ignorance par laquelle nous nous surestimons…
[Plus grave encore est de] rechercher sa propre gloire à partir de biens qui ne sont pas à soi … Commis sciemment, c’est une usurpation au détriment de Dieu.
© D.G
5. Quel homme, même sans la foi, peut ignorer que dans cette vie mortelle les biens nécessaires à son corps pour subsister, pour voir et pour respirer, ne lui sont fournis que par celui « qui donne la nourriture à toute chair » (Ps 135,25), « celui qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et qui fait pleuvoir sur les justes et les injustes » (Mt 5,45)
7 – Au souvenir de ce verset : « Ma chair a refleuri, et de tout cœur je le célébrerai » (Ps27,7), elle désire joindre aux grenades de la passion, qu’elle a cueillies à l’arbre de la croix, les fleurs de la Résurrection, surtout pour que leur parfum engage son époux à revenir la voir plus fréquemment.
Concentré extrême du Cantique des cantiques , où à ses termes symboliques se mêle admirablement la vie de Jésus
8. Jésus réside volontiers, il réside assidûment en un lieu où la grâce de sa passion et la gloire de sa résurrection sont l’objet d’une méditation assidue.
9. « Le Christ meurt pour nos péchés, il ressuscite pour notre justification » (Rm4,25), il monte au ciel pour notre protection, il envoie l’Esprit (Jn16,7) « pour notre réconfort » (Ac 9,31), et il reviendra un jour (Ac1,11) pour parachever notre salut. Dans sa mort, il a montré sa miséricorde, dans sa résurrection, sa puissance.
10. Le réconfort de la mémoire
Le réconfort de la mémoire ne manquera pas aux élus auxquels n’est pas encore accordé le rassasiement complet de la présence… « La mémoire est donc le lot des générations qui se succèdent » (Ps 144,4) ; la présence celui du Royaume des cieux…
Ceux qui cherchent la présence de Dieu et soupirent après elle ont à leur portée en cette vie sa douce mémoire, non pas cependant pour en être rassasiés, mais pour que soit aiguisé leur appétit de la nourriture qui peut les rassasier. (Mt 5,6)
Et c’est non sans une même ardeur que Bernard plaint ceux qui s’écartent de la foi , aveuglés par les tentations du monde. Ce chapître 11 est remarquable et à méditer car ne croyons pas que notre posture par rapport à Dieu soit toujours parfaite. Saint Pierre le croyait et pourtant n’a-t-il pas renié Jésus trois fois ? On remarque une fois de plus que la parole de Bernard est étroitement tissée de citations bibliques.
Malheur à toi « peuple stupide et insensé » (Deut.32,5-6), toi qui n’as pas envie de la mémoire et redoutes la présence … « Ô parole amère, ô langage dur » (Jn6,61) : « Allez maudits au feu éternel ! » (Mt25,41)… Beaucoup de gens « s’écartent vivement » de cette voix et « ils s’en retournent en arrière » (Jn6, 67)… « Cette parole est dure, qui peut l’écouter ? » (Jn6,61). C’est pourquoi la génération qui a manqué de droiture de cœur et dont l’esprit infidèle à Dieu préfère placer « son espérance dans des richesses incertaines » (1 Tim6,17) ne supporte pas d’entendre « parler de croix » (1Co1,10) et la mémoire de la passion lui semble trop lourde à porter…
Saint Bernard compare ensuite la situation au terme de leurs vies de ceux « qui s’efforcent de plaire à Dieu » : « Quant à la génération des hommes droits, elle sera bénie. » (Ps111,2), « Venez les bénis de mon Père », et de ceux, « misérables esclaves » de Satan, qui ont manqué de droiture du cœur.
12 - Fidélité et bonheur de l’épouse du Christ
Resterez-vous au repos derrière vos murs
quand les ailes de la colombe se couvrent d’argent,
et son plumage de flammes d’or …. ?
13 - Immensité de l’amour du Dieu-Trinité
La Trinité -
Caen – Abbatiale de l’Abbaye aux Dames © D.G
… Une miséricorde si grande et tellement imméritée, un amour si gratuit et prouvé de la sorte, une considération tellement inattendue, une bienveillance à ce point invincible, une douceur si étonnante…
Dieu aime, et il aime de tout lui-même, car c’est toute la Trinité qui aime, si pourtant on peut parler de « tout », à propos d’un sujet infini, incompréhensible ou, de toute manière, simple.
14 - Les bienfaits de Dieu, créateur et sauveur
L’agneau pascal –
Rouen – Porte du Gros horloge © D.G
Il n’y a pas à s’étonner que l’incroyant, en raison d’une moindre connaissance de Dieu, lui montre moins d’amour… Alors qu’en sera-t-il pour moi qui considère mon Dieu non seulement comme celui qui m’a donné gratuitement la vie, s’en occupe avec largesse, me réconforte avec bonté, me dirige avec sollicitude, mais de plus me rachète aussi avec surabondance, me sauve, me comble et me glorifie pour toujours, comme il est écrit :
« Elle est abondante sa rédemption. » (Ps 129,7)
« Nous attendons comme Sauveur notre Seigneur Jésus-Christ qui transformera notre corps de misère pour le rendre conforme à son corps de gloire. » (Ph 3,20-21)
« Les souffrances de ce temps sont sans comparaison avec la gloire future qui se révèlera en nous. » (Rm 8,18)
« Notre épreuve actuelle est provisoire et légère : elle nous prépare, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire, à nous qui considérons non pas les réalités visibles, mais les invisibles. » (2Co 4, 17-18)
On peut, une fois encore, remarquer combien les écrits de Bernard s’appuient sur la Parole de Dieu. C’est sa connaissance remarquable des textes bibliques qui assure sa foi, qui en fait la charpente et le cœur. Il n’y a pas, pour nous, d’autre chemin primordial si nous voulons nourrir notre foi.
Est-ce que j’ai en moi les mêmes convictions que saint Bernard ?
15 – La reconnaissance de l’amour.
« Que rendrai-je au Seigneur pour tous ses bienfaits ? » (Ps 115,12)
Carmel de Plappeville (Moselle)
La raison et la justice naturelle incitent à se livrer entièrement à celui de qui on tient tout ce qu’on est, et insistent sur le devoir de l’aimer de tout soi-même. Mais la foi me prescrit d’autant plus l’obligation de l’aimer que je comprends mieux qu’il mérite d’être estimé plus que moi-même, mais en plus il s’est donné aussi lui-même…
Pourquoi l’œuvre n’aimerait-elle point son artisan, si elle a la faculté d’aimer ? Et pourquoi pas de toutes ses forces, puisque sans sa faveur elle ne pourrait rien du tout ?... « Que rendrai-je donc au Seigneur pour tous les bienfaits dont il m’a comblé ? »
16 – Aimer Dieu sans mesure
« Dieu nous a aimés le premier » (1Jn 4,10), lui si grand, il nous a aimés tellement, gratuitement, des gens si petits. Eh bien ! Pour de tels gens, la mesure d’aimer Dieu, c’est de l’aimer sans mesure. Puisque l’amour qui s’adresse à Dieu s’adresse à l’immensité, à l’infinité – car Dieu est infini et immense – quelle devrait donc être, je te le demande, la limite ou la mesure de notre amour ?
N’oublions pas que notre amour à nous n’est plus un versement gratuit mais le remboursement d’une dette. Nous sommes donc aimés par l’éternité, aimés par « la charité qui surpasse la science » (Eph. 3,19) ; aimés par Dieu « dont la grandeur est sans limite » (Ps 144,3), « dont la sagesse est sans mesure » (Ps 146,5), dont « la paix surpasse toute intelligence » (Ph 4,7) ; et en échange, nous allons offrir un amour mesuré ?
« Je t’aimerai, Seigneur, ma force, mon soutien, mon refuge, mon libérateur » (Ps 17,2-3)… « Mon Dieu, mon secours » (Ps 17,3) je t’aimerai pour le don que tu me fais, et à ma mesure, bien au-dessous de ce que je dois, mais non pas certes au-dessous de ce que je peux. Bien que je ne puisse donner autant que je dois, je ne saurais aller au-delà de ce que je peux. Je pourrai davantage quand tu voudras bien me donner plus, jamais cependant autant que tu en es digne.
17 – Aimer Dieu à cause de lui ou pour nous ?
Ce n’est pas sans récompense qu’on aime Dieu, bien qu’on doive se garder de l’aimer en vue d’une récompense. La véritable charité … ne recherche pas son avantage (1Co 13,5). Elle est un attachement non un investissement… Le véritable amour se suffit à lui-même. Il a sa récompense qui n’est autre que l’objet aimé…
Le véritable amour ne recherche pas sa récompense, mais il la mérite. Oui, la récompense on la propose à qui n’aime pas encore, on la doit à qui aime, on l’accorde à qui persévère… Si [l’âme] cherche autre chose, sûrement ce n’est pas Dieu qu’elle aime.
L’amour pur peut être un but. On peut s’en approcher mais sans doute pas atteindre une totale abnégation. La jeune maman attend le sourire de son nouveau-né, la nouvelle épouse l’élan du cœur de son époux. Ce n’est que justice. Et quelle souffrance qu’un amour qui ne reçoit rien en retour !
Ce n’est donc pas une faiblesse chez l’homme que d’espérer l’amour de Dieu en réponse à sa quête.
Aimer l’autre avant tout pour le bien de celui qui est aimé. Le reste sera donné.
Aimer Dieu pour ce que la foi nous en fait entrevoir. Et donner aux autres, par notre témoignage, le goût de l’aimer aussi.
18 - L’insatiable convoitise humaine
Nous avons tous très certainement au fond de nous le désir d’atteindre ce qu’il y a de mieux, mais notre liberté nous aveugle et nous perd …
Jugement dernier – Conques (Aveyron)
Quelque soit [la chose] dont on s’assure la possession, on n’en continue pas moins à désirer celles qu’on n’a pas et à soupirer sans répit après celles qui manquent encore. Il arrive ainsi que l’esprit vagabond se fatigue vainement à courir çà et là à travers les amusements variés et mensongers du monde, et s’épuise sans se rassasier…
Tu prends le mauvais chemin et tu mourras bien avant que cette marche en rond te conduise au but souhaité.
19 – Les créatures ou leur Créateur ?
20 - Soumettre la convoitise au jugement de la raison.
Ceux qui prétendent obtenir la jouissance de tout ce qu'ils désirent, parcourent un long chemin, se donnent beaucoup de peine, mais en vain, et ne peuvent jamais obtenir la satisfaction de toutes leurs prétentions... "Vérifiez tout ce qui est bon, retenez-le" (1Th 5)...
Ceux dont la raison ne précède pas la marche, courent sans doute, mais en-dehors de la route, et par suite, au mépris du conseil de l'Apôtre, "ils ne courent pas de manière à atteindre le but." (1Co 9,24)
21 - Dieu seul peut combler le coeur de l'homme - L'âme qui cherche Dieu
" Qui aime l'argent n'en sera pas rassasié" (Eccl.5,9); mais "ceux qui ont faim et soif de la justice, eux seront rassasiés (Mt 5,6)... "Mon âme bénit le Seigneur, qui comble de biens ton désir." (Ps 102). Il comble de biens, il incite au bien, il garde dans le bien; il prévient, il soutient, il comble. C'est lui le principe de ton désir, c'est lui l'objet de ton désir.
« Tu es bon Seigneur, pour l’âme qui te cherche » (Lam.3, 25). Que sera-ce donc pour celle qui te trouve ? Car voici la merveille : personne n’est capable de te chercher s’il ne t’a d’abord trouvé.
On retrouve les mêmes propos :
- chez Saint Augustin – 5ième s. : « Car on le cherche pour le trouver d’une façon plus douce, et on le trouve pour le chercher avec plus d’avidité encore. »
- chez Pascal – 17ème s. : « Console-toi, tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé » - Pensée 736
23 – Les degrés de l’amour
- Premier degré de l’amour : l’homme s’aime pour lui-même.
¤ Amour de soi.
Avant tout, l’homme s’aime lui-même pour lui-même… un fait inhérent à la nature.
« Il ne faut rappeler à personne qu’il doit s’aimer » (St Augustin, note 2 p.118)
Mais si cet amour naturel se met … à se déverser avec excès… aussitôt l’opposition d’un commandement réprime cet excès en disant : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Mt 22,39)
¤ Amour du prochain.
Que [l’homme] se permette tout ce qu’il veut à condition de se souvenir de l’obligation d’en accorder tout autant à son prochain… Alors ton amour sera à la fois équilibré et juste… C’est ainsi que l’amour charnel devient aussi social, quand il s’élargit en vue du bien commun.
24 – Au moment où tu partages avec ton prochain, il peut t’arriver de manquer même du nécessaire, alors que feras-tu ? Quoi sinon demander « en toute confiance » (Ac 4,29) « à celui qui donne à tous en abondance et sans reproche » (Jc 1,5), qui « ouvre la main et comble de bénédictions, tout ce qui vit » (Ps144,16) ?
D’ailleurs, il dit : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît » (Lc 12,31)
25 – Aimer Dieu pour soi
L’homme animal (1Co 2,14) et charnel, qui ne savait aimer personne en-dehors de lui, commence aussi d’aimer Dieu pour soi parce que, comme il en a fait souvent l’expérience, c’est bien en Dieu qu’il peut tout (Ph 4,13) – du moins ce qu’il lui est utile de pouvoir – et que « sans Dieu il ne peut rien. » (Jn 15,5)
On ne peut dire aimer Dieu sans s’aimer soi-même et aimer son prochain. Car « Dieu est l’auteur de tout bien » . Mais que penser des hommes qui aiment leur prochain sans aimer Dieu ? Nous en connaissons tous…
26 – Sagesse
Il y a une sorte de sagesse à distinguer ce que l’on peut par soi-même et ce que l’on peut avec l’aide de Dieu, et à se garder de s’opposer à celui qui nous garde de tout mal. Mais si les épreuves s’abattent et se multiplient de manière à provoquer de fréquents retours à Dieu et à obtenir de Lui une libération aussi fréquente, ne faut-il pas que cet homme si souvent libéré s’amollisse de reconnaissance pour son libérateur, quand bien même il aurait une poitrine d’airain et « un cœur de pierre » (Ez 11,19), de sorte qu’il en aime Dieu, non plus seulement pour soi-même mais aussi pour Dieu ?
Pour aimer Dieu de façon désintéressée, le goût de sa douceur constitue désormais un attrait plus fort que la nécessité de son aide… Celui qui rend grâce au Seigneur non parce qu’il est bon pour lui, mais parce qu’il est bon, celui-là aime vraiment Dieu pour Dieu et non pour soi-même… Voilà le troisième degré de l’amour où désormais on aime Dieu pour lui-même.
27 - L'homme s'aime pour Dieu.
Cet amour est une montagne, et une haute montagne de Dieu. C'est bien "une montagne solide, une montagne fertile " (Ps 67,16). Qui gravira la montagne du Seigneur ? Qui me donnera des ailes de colombe ? Je m'envolerai et me reposerai." (Ps 54,7)
Dieu invisible ... comment l'imaginer ? Saint Bernard voit une haute montagne comme souvent évoquée dans la Bible. Rien à craindre sur cette solide montagne où poussent les bonnes semences. Osons-nous cette ascension ? Belle image aussi de la colombe, Esprit de Dieu, qui nous porte vers les cieux et le repos en Dieu. Si nous pratiquons un peu la méditation silencieuse, voilà un bon support...
L'extase
Quand [l'] âme se dirigera-t-elle tout entière vers Dieu pour "s'attacher à Dieu et devenir avec lui un seul esprit" (1Co6,17) ?... Se perdre en quelque sorte comme si on n'existait pas, ne plus avoir aucune conscience de soi-même, "être arraché à soi-même" (Ph2,7) et presque réduit à rien, tout cela appartient à la condition de l'homme céleste et non plus à la sensibilité de l'homme terrestre.
Saint Bernard traduit en mots puissants l'union mystique où l'homme ne s'appartient plus mais est tout à Dieu. Sans aucun doute, il parle d'expérience. Il souligne aussi, comme il le fera à de nombreuses reprises dans ses écrits, la fugacité de tels instants dont le priant a à peine le temps de prendre conscience.
"par moments... et pour un instant..."
On effleure à peine, brise légère, une telle union céleste pour être aussitôt ressaisi par notre humanité et les "nécessités de la chair".
Voilà [l'homme] obligé de revenir à lui, de retomber dans ses soucis et de s'exclamer à en faire pitié : "Seigneur, je souffre violence; interviens en ma faveur".(Is 38,14)
En méditant ce passage on peut à voir en tête la scène de la transfiguration en présence des disciples Pierre, Jacques et Jean. Scène éblouissante où il leur faudra rapidement revenir sur terre.
28 - L'amour exclusif de Dieu.
Notre joie ne sera pas tant d'apaiser nos besoins ni d'assurer notre bonheur, que de voir l'accomplissement de sa volonté en nous et par nous. C'est ce que nous demandons chaque jour dans la prière quand nous disons : " Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel " (Mt6,10)
" Quand viendrai-je me présenter devant la face de Dieu ? " (Ps 41,3) Seigneur mon Dieu, "mon coeur t'a dit : Ma face t'a cherché; Seigneur, je rechercherai ta face." (Ps 26,8) Crois-tu que je verrai ton temple saint ?" (Jonas 2,5)
Les psaumes nous offrent les plus belles prières à Dieu qui soient. N'hésitons pas les utiliser. On voit ici la passion et l'impatience du priant à rencontrer son Seigneur. Cherchons nous aussi le Seigneur !
29 - Le poids du corps.
...Il n'est pas possible de recueillir parfaitement en Dieu coeur, âme et forces et de les placer devant sa face, aussi longtemps qu'attentifs à ce frêle corps accablé de misères et écartelés par lui, ils doivent assurer son service... Elle obtiendra facilement le suprême degré de l'amour quand elle s'élancera dans une course rapide et fervente vers "la joie de son Seigneur" (Mt 25,21), sans qu'aucune séduction charnelle ne la retarde ni qu'aucune importunité ne l'inquiète.
Ne nous laissons pas impressionner, ou plutôt décourager, par le tempérament de feu de saint Bernard qui s'exprime avec radicalité tant face à nos "misères" que par rapport à la ferveur de sa foi et de son espérance. Mais ce sont aussi de telles personnalités qui nous aident à grandir dans la foi. Bernard souligne ici nos moyens limités dont il nous faut prendre conscience mais aussitôt, il nous encourage à courir vers la joie bien au-dessus de toute joie. On peut comprendre le choix radical des moines du Mont Athos (Grèce) par exemple, qui ont choisi de s'écarter du monde et de ses richesses pour consacrer leur vie à Dieu. C'est un chemin de foi parmi bien d'autres. A chacun sa vocation.
30 - L'importance du corps
Pour l'âme qui aime Dieu, son corps a de la valeur dans sa faiblesse, il en a après sa mort, il en a après sa résurrection. Dans le premier cas, il contribue au fruit de la pénitence (Mt 3,8); dans le second au repos; dans le dernier à son achèvement. C'est à bon droit que cette âme ne veut pas trouver sa perfection sans le corps, car elle comprend qu'en chacun de ces états il est à son service pour le bien.
On est bien loin du mépris du corps revendiqué à certaines périodes par l'Eglise. Corps et âme font un tout, de même que terre et ciel sont liés. Notre temps sur terre a toute sa valeur et son importance, même si nos "oeuvres" ne sont que peu de chose par rapport à la grâce de Dieu. De même le temps du carême, coïncidant avec la venue du printemps, nous prépare à la fête de Pâques. Etre un dans le Christ, c'est non seulement nous ajuster à lui mais c'est aussi rendre notre vie cohérente : je fais ce que je dis, je vis ce que je crois.
32 - Le triple banquet de la sagesse.
Saint Bernard prend l'image du pain gagné "à la sueur de son front" (Gn3, 19) et celle du vin ,vin de l'amour bu après avoir mangé mais pas encore tout à fait pur, dilué "avec mon lait" dit la bien-aimée du Cantique.(5,1). L'âme enfin entrera toute entière en Dieu.
Alors seulement elle est admise à la coupe de la Sagesse, dont on lit : "Comme elle est merveilleuse la coupe qui m'enivre !" (Ps22,5). pourquoi s'étonner désormais "qu'elle énivre à l'abondance de la maison de DIeu" (Ps 35,9), quand libérée de tout souci desoi,"elle boit", en toute sécurité, "le vin nouveau, sans mélange, avec le Christ "dans la maison de son Père " ? (Mt 26,29
33 – C’est la Sagesse qui donne ce triple festin, où elle ne sert que les mets de la charité : elle nourrit ceux qui peinent, elle fait boire ceux qui reposent, elle enivre ceux qui règnent… On ne s’aime plus soi-même que par amour de lui, de sorte qu’il soit la récompense de ceux qui l’aiment, la récompense éternelle de ceux qui l’aiment éternellement.
Les mots de saint Bernard sont très forts comme le sont ceux de toute passion. Et il n’y a pour lui rien de plus grand que l’amour de Dieu.
Pour achever ces méditations sur l’amour de Dieu, saint Bernard se souvient d’une lettre qu’il a adressée « aux saints frères de Chartreuse » (vers les années 1124-1125), sur le thème de la charité
34 – La vraie charité
On doit considérer comme charité véritable et sincère, comme « charité émanant d’un cœur pur, d’une conscience droite et d’une foi solide (1Tim 1,5), cette charité-là qui nous fait aimer le bien du prochain autant que le nôtre. Car celui qui préfère son avantage, ou qui même ne cherche que cela, donne la preuve de ne pas aimer chastement le bien, puisqu’il l’aime précisément pour soi-même et non pour le bien.
Esclave, mercenaire, fils ? Saint Bernard compare ensuite l’attitude humaine à trois types possibles . Celle de l’esclave qui craint pour soi, celle du mercenaire qui pense à soi. Ces deux-ci étant égocentriques ; ils agissent pour eux-mêmes et le fond de leur cœur n’en sera pas changé. Peur et convoitise sont des chaînes.
C’est la charité [sans tache] qui convertit les âmes et les fait agir de plein gré.
35 – La charité, loi du Seigneur
… Tout son avoir est à Dieu… La loi sans tache du Seigneur c’est « la charité qui cherche non pas ce qui lui est utile, mais ce qui l’est au bien commun » (1Co 10,33).
Ne nous leurrons pas sur nous-mêmes. Il est bon d’être charitable mais je dois être au clair avec mes motivations. Ma charité est-elle totalement gratuite ou est-ce que j’en tire quelques profits ? (bonne conscience, orgueil…). Est-elle tournée vers moi, vers les autres, vers
Dieu ?
Les expressions "esclave" et "mercenaire" employées par saint Bernard nous semblent peut-être peu nous concerner. Mais... élargissons notre regard à l'actualité ....
Comment envisageons-nous l'avenir de l'Europe : avec incertitude et crainte ? (esclave) ou dans le repli sur nous-mêmes, prêts à tout pour préserver notre identité (mercenaire) ?
" Pourtant, un authentique sens de l'unité grandit quand il est possible de réaliser un partage des dons dans le respect de la diversité des pays et des régions." '(Frère Aloïs, prieur de Taizé, cité dans La Croix du 23 avril 2019)
Quant à la situation actuelle de notre Eglise ? Sommes-nous tombés dans une défaite inéluctable ou entrés courageusement et solidairement dans une espérance toujours vivante, confiants en la grâce de Dieu qui peut faire toutes choses nouvelles ?
Saint Martin -- Pont-à-Mousson (54) ,église Saint-Martin
© D.G
On appelle « charité » à la fois Dieu et le « don de Dieu » (Eph 2,8)… Quand elle désigne celui qui donne, elle signifie la substance ; quand elle désigne le don, elle signifie une qualité. Voilà la loi éternelle qui crée et gouverne l’univers. Car tout sans exception a été fait par elle (Jn 1,3) « avec poids, mesure et nombre ». (Sg11, 21)
La charité ou amour place l’homme dans le domaine de la grâce divine et du salut. Dieu est amour, Dieu est charité et il a créé l’homme avec ce don, cette capacité à exprimer un amour désintéressé et bienveillant. Nous devenons ainsi participants à l’amour de Dieu qui va se manifester en de multiples réalités spirituelles (foi, espérance, conversion, justice…). Il nous faut bien évidemment accepter nos limites humaines tout en cherchant un accomplissement toujours plus grand. Ce perfectionnement que nous recherchons pour nous-mêmes est inséparable de l’amour du prochain (ou charité fraternelle) qui ne doit pas se résumer à un devoir mais devenir un élan naturel et profond qui nous vient précisément du don de Dieu mis en nous. (cf. Petit dictionnaire de théologie catholique – K. Rahner)
Cette conviction fondamentale que tout vient de Dieu ne nous est pas naturelle tant nous croyons en nos propres forces (ou en notre incapacité). Il nous faut davantage prier Dieu, mieux le connaître et mieux l’aimer pour saisir un peu à quel point nous lui sommes redevables. La lecture de la Parole de Dieu et la méditation quotidienne, l’Eucharistie devraient être notre nourriture comme l’eau et le pain.
36 – La loi de l’esclave et celle du mercenaire.
Selon saint Bernard, l’esclave n’aime pas Dieu et le mercenaire « aime davantage autre chose que Dieu ». Ce qui est impressionnant chez Bernard, c’est sa conviction que quelques soient nos pensées et nos actions, nous sommes « assujettis à la loi du Seigneur ». Même si notre vie est en contradiction avec Dieu, nous sommes dépendants de la loi divine.
L’éternelle justice divine veut que quiconque ne s’abandonne pas à la douce conduite de Dieu, subisse le châtiment d’être livré à sa propre conduite… et il n’a pas pu demeurer avec Dieu dans sa lumière, dans son repos, dans sa gloire…
« N’ayez de dette envers personne, sinon celle de l’amour mutuel » (Rm13,8). Ceux-là sans aucun doute « vivent en ce monde comme Dieu est » (1Jn4,17) : ce ne sont ni des esclaves, ni des mercenaires, ce sont des fils.
37 – Loi des fils
« Ce n’est pas pour les justes que la loi a été instituée (1Tim 1,9), c’est-à-dire qu’elle ne leur a pas été imposée contre leur gré, mais proposée à leur liberté avec autant de civilité qu’elle était inspirée par la douceur.
38 – Ainsi la charité est une loi de bonté et de douceur.
Pendant des siècles, la loi de Dieu fut présentée aux chrétiens comme une épée suspendue au-dessus de leur tête, tels les péchés qualifiés de « mortels ». Si tu n’obéis pas à Dieu, tu iras en enfer. … Ici, où sont la liberté et la douceur ? Où est l’amour de Dieu ?
La loi de Dieu n’est en aucun cas « imposée », mais elle est « proposée » comme le souligne saint Bernard. Cette liberté que nous revendiquons aujourd’hui est évidemment à double tranchant. Elle me rend responsable de mes choix et de mes défaillances.
L’amour d’un père, d’une mère pour ses enfants peut se manifester parfois par certaines exigences mais c’est pour un bien. Si la confiance est là entre les uns et les autres, les exigences apparaîtront comme normales, juste retour d’un amour partagé. Nous passons tous par les temps rebelles de l’adolescence mais la maturité venant, nous rendrons grâce d’être ainsi aimés.
39 – Les quatre degrés de l’amour
Saint Bernard résume ici, magnifiquement, dans ce passage, les étapes vers l’amour de Dieu. C’est très certainement aussi le cheminement, par l’expérience, qu’il en a eu. C’est la doctrine qu’enseigne Bernard. Lui-même ne se sent pas pour autant arrivé au but : « Pour moi, je l’avoue, cela me semble impossible ».
Ceci dit l’expérience spirituelle et son évolution n’e sont pas toujours aussi tranchées et progressives. Plus que d’étapes ou de degrés, les propos de Bernard mettent en évidence de quoi est tissé l’amour de Dieu. Dans notre vie personnelle, reconnaissons-nous ces cinq degrés qui peuvent certains jours nous apparaître infimes et d’autres éblouissants.
« Puisque nous sommes charnels (Rm7,14) et que nous naissons du désir de la chair, il est inévitable que notre convoitise ou notre amour « commence par la chair »…. Car ce qui paraît en premier lieu, ce n’est pas l’être spirituel, mais l’être animal ; le spirituel ne vient qu’ensuite » (1Co 15,46). Et il faut que nous portions d’abord l’image de l’homme terrestre, puis celle de l’homme céleste (1Co 15, 49) . Donc, en premier lieu l’homme s’aime lui-même pour lui-même : il est chair et il ne peut rien goûter en-dehors de lui-même. Quand il voit qu’il ne peut subsister par lui-même, il commence à chercher Dieu par la foi (He 11,6). Et à l’aimer, comprenant que Dieu lui est nécessaire. Ainsi, dans ce second degré, l’homme aime Dieu, mais pour soi-même et non pour Dieu. Cependant, une fois que, par intérêt, il a commencé à le vénérer et à le fréquenter par la méditation, la lecture, la prière, l’obéissance, il entre dans sa familiarité ; peu à peu et graduellement Dieu se fait connaître et ensuite il communique la douceur de sa présence. Ainsi, pour avoir goûté combien le Seigneur est doux (Ps33,9), l’homme passe au troisième degré de sorte qu’il aime Dieu non plus pour soi-même mais pour Dieu. Bien sûr, on reste longtemps à ce degré, et je ne sais si un homme en cette vie arrive à atteindre parfaitement le quatrième degré, celui où l’homme s’aime uniquement pour Dieu.
40 – Le filet de la charité
Saint Bernard utilise ici l’image des pêcheurs qui pêchent toutes sortes de poissons mais qui ne garderont que les bons. On peut se demander qui sont les « mauvais poissons ». En fait, le projet divin se place à un tout autre niveau qui devrait être celui de notre propre charité.
La charité accueille en elle le malheur et le bonheur de tous ; et les faisant siens en quelque sorte, elle a pour habitude non seulement de « se réjouir avec ceux qui se réjouissent », mais aussi de « pleurer avec ceux qui pleurent ». [Dès qu’il parviendra au rivage, le filet de la charité] rejettera comme de mauvais poissons toutes les tristesses qu’elle a endurées, pour garder uniquement ce qui pourra plaire et être agréable
La joie parfaite
Saint Bernard n’aborde pas ici avec précision la question de l’enfer sans le nier. Mais la joie parfaite des bienheureux est telle qu’elle n’envisage même plus la notion de miséricorde. La notion d’enfer s’efface.
« Chez toi, la demeure de ceux qui sont dans la joie ». (Ps 86,7)
« Leur joie sera éternelle ».(Is 61, 7)
DG - © D.G
Denyse
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Saint Bernard, dernier Père de l'Eglise - Thomas MERTON
Thomas MERTON , moine cistercien
« Le miel est dans la cire, comme la dévotion dans la lettre… La dévotion est comme un rayon de miel… » . Bernard mérite le titre de « Docteur Melliflue » car de la Parole de Dieu, il sait en faire couler le miel, le meilleur, le sens spirituel…pas seulement pour lui-même mais pour faire pénétrer en nous cette loi spirituelle qu’est la loi du Christ. » (p.16)
Les supérieurs de Thomas Merton lui demandent alors de commenter cette encyclique dont il va faire « une superbe méditation sur l’énigme de la sainteté. »(p.10 – Michel Cool)
Jeune moine cistercien américain, né en France, Thomas Merton produit cet essai peu banal, qui paraît dès 1954, commentant un texte papal et réfléchissant sur la vie d’un autre moine. Les éditions Salvator le réédite en cette année 2015, 9° centenaire de la fondation de l’abbaye de Clairvaux dans l’Aube où de nombreuses manifestations et colloques sont prévus tant à Clairvaux qu’à Troyes.*
« Un point commun unit les deux moines cisterciens pourtant si distants l’un de l’autre par l’histoire et la culture : c’est leur expérience commune de l’épreuve à concilier vocation contemplative et action temporelle… L’un et l’autre en ont fait leur combat spirituel… L’art du biographe n’est-il pas de se reflèter quelque peu dans le personnage qu’il décrit comme un jeu de miroir ? » (p.9- Michel Cool)
Eglise de Bouxières sous Froidmont (54) -
Saint Bernard-
© Denyse Guerber
Thomas Merton, dans cette biographie, va s’attacher davantage à l’esprit de saint Bernard qu’aux faits eux-mêmes
- L’homme et le saint
C’est l’époque de la toute-puissance de l’abbaye de Cluny qui aurait pu peut-être convenir à un personnage tel que Bernard « mais il sentait obscurément qu’il était appelé à une grandeur qui dépasse la puissance. » (p.23)
« Sa réputation de mystique et d’ascète… fit qu’il devint, sans pouvoir l’éviter un grand homme d’Eglise, défenseur de l’autorité, de la loi, de la papauté, représentant de Dieu dans les affaires politiques et prêcheur de croisades. » (p.24)
« La grâce de Dieu, qui possèdait totalement cet homme frêle, mettait en feu les cœurs de ceux qui l’entendaient parler. » (p.26)
D’ailleurs son entrée à Cîteaux, en 1113, accompagné d’une trentaine de frères, remis sur pied l’abbaye en difficulté.
« Ses écrits les plus nombreux sont ses sermons, bien que les plus connus soient sans doute ses lettres. » (p.53)
Notamment « De la Considération » lettre célèbre (et toujours d’actualité pour qui a quelques responsabilités) écrite à Eugène III, un de ses frères de Clairvaux devenu pape.
Ses écrits nous « transmettent une doctrine précise et cohérente » mais s’appuyant toujours sur l’expérience. Et c’est sans doute ce qui la rend si captivante, même si la lecture en est parfois un peu ardue.
« Elle nous dit comment discerner les visites du Verbe à l’âme, comment répondre à l’action de cet Esprit-Saint… (p.55)
Son Traité sur les degrés de l’humilité (1119) est en lien étroit avec la Règle de saint Benoît qu’il avait en haute estime.
Le Traité Sur l’Amour de Dieu ( 1126-1127) souligne combien cet amour est puissant, insaisissable et qu’il n’a d’autre raison d’être que d’aimer Dieu, non pour nous-mêmes mais pour Dieu lui-même. « Aussi longtemps que l’homme n’aime point Dieu, il n’a pas commencé à vivre. » (p.59). « J’aime parce que j’aime ; j’aime pour aimer » écrit saint Bernard.
« L’encyclique présente saint Bernard comme Père et Docteur de l’Eglise…Elle rappelle que la doctrine du saint est une des sources les plus pures et les plus authentiques de la tradition catholique. » (p.84)
« Pour saint Bernard, l’amour, la ressemblance à Dieu qui nous rend sages comme il est sage, est plus qu’un simple désir de Dieu. La sagesse de l’amour est imprimée en nous par le désir qu’a Dieu de nous. » (p.88)
« Le savoir et l’amour sont deux éléments essentiels à la vraie sagesse. » (p.90)
« C’est la charité, c’est l’amour de Dieu et des frères qui font du cistercien un vrai moine ; sans cela il n’est pas moine quand bien même il accomplirait à la perfection tout le reste. » (p.100)
« Cette haute doctrine mystique du Docteur de Clairvaux, qui dépasse tous les désirs humains et peut les combler, semble à notre époque être négligée et sacrifiée ou être oubliée de beaucoup qui, écartelés par les soins et les affaires quotidiennes, ne cherchent et ne désirent rien d’autre que ce qui est utile et productif pour cette vie mortelle… C’est pourquoi nous pensons que ces pages du Docteur Melliflue doivent être méditées d’un esprit attentif… » (p.118)
« L’extrême douceur d’une telle méditation [ ne tient pas Bernard ] « enfermé dans les murs de sa cellule ‘qui est douce quand on y demeure’, mais partout où la cause de Dieu et de l’Eglise est en jeu, il accourt en hâte avec sa sagesse, sa parole et son activité… Il est à craindre, si la lumière de l’Evangile peu à peu diminue et faiblit dans les âmes, ou ce qui est pire, si elle est entièrement rejetée, que les bases mêmes de la société civile et domestique ne s’écroulent, à tel point que surviennent des temps pires encore et plus malheureux »
Pie XII
Pour se faire une idée plus juste, le mieux est évidemment de lire quelques textes bien choisis de saint Bernard. L’exercice n’est pas facile mais il est délicieux. Le bonheur, même là, se gagne par un certain effort.
Pour un premier florilège, on peut s’aider du livre « Entretiens », Saint Bernard de Clairvaux, un homme d’aujourd’hui - ( paru récemment aux Ed. du Signe en lien avec l'association Arccis qui a son siège à l'abbaye de Cîteaux )
On pourra le complèter par six livres assez différents dans leur approche (avis personnel) :
- Bernard de Clairvaux – Jean Leclercq (Ed.Desclée, 1989)
- Les Moines blancs – Histoire de l’ordre de Cîteaux - Marcel Pacaut (Ed. Fayard 1993)
- Saint Bernard de Clairvaux – Pierre Aubé (Ed. Fayard 2003)
- Sur les pas de Bernard de Clairvaux et des Cisterciens – Julien Frizot et Thierry Perrin (Ed. Ouest-France, 2006) – Belle iconographie.
- L’Amour des lettres et le désir de Dieu – Jean Leclerc (Ed. du Cerf, 1956) est aussi une lecture incontournable pour qui s’intéresse aux textes écrits à l’époque de saint Bernard. Plus difficile, mais passionnant.
- Bernard de Clairvaux - Introduction générale aux complètes - Histoire, mentalités, spiritualité - Ed du Cerf, 2010 - Sources chrétiennes n°380
Pour les courageux, qui ont du temps... mais ils ne seront pas déçus.
DG
* © Denyse Guerber
** Pour en savoir plus à ce sujet on peut se reporter au site
http://2015.grangesaintbernard-clairvaux.fr/
et
Denyse
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Mercredi 12 Août 2020
Prier 15 jours avec les Pères du désert
Marie-Anne VANNIER
Ed. Nouvelle Cité, 2020
124 p.
Marie-Anne VANNIER, spécialiste des Pères de l'Eglise, est professeur à l'Université de Lorraine et a une double formation en philosophie et en théologie.
Les Pères du désert vivaient retirés dans le désert aux premières années du christianisme (4°-7°s.). Les plus connus sont ceux des déserts d'Egypte, mais d'autres vivaient en Palestine dans le désert du Sinaï comme Jean Climaque, d'autres en Syrie ou en Cappadoce. Certains étaient seuls, d'autres se regroupaient en communautés plus ou moins nombreuses.
« Ils se caractérisent par le même idéal de prière, de cœur à cœur avec Dieu dans la solitude. »(p.11)
Le désert est un lieu particulier, lieu de l'expérience religieuse dans toutes les grandes religions, mettant aussi l'homme face à lui-même. Le combat spirituel peut être rude et transformant ; on y acquiert humilité et discernement en se conformant au Christ.
La célébrité des Pères et leur actualité tiennent en particulier aux apophtegmes qui, à partir de quelques mots , souvent pleins d'humour, donnent à penser et sont riches d'enseignement. (p.17)
1 – Partir au désert.
Le désert est le lieu par excellence de la prière, parce que c'est le lieu dans lequel le Christ a prié. Lieu où il a accompli ses plus grands miracles, lieu où il est transfiguré.
Moïse, Elie, Elisée, Jean-Baptiste ont vu Dieu se manifester dans le désert.
Mais il y a aussi le désert intérieur, lieu privilégié du cœur à cœur avec Dieu, et les cisterciens, en particulier Guerric d'Igny ont mis l'accent sur la grâce du désert, mais aussi sur le lieu du cœur.
Avant-goût du Royaume, de la Jérusalem céleste, qui est de l'ordre du déjà-là et du pas encore.
2 – Le combat spirituel.
« J'ai vu tous les filets du diable déployés sur la terre, et j'ai dit en gémissant : Qui donc les franchira ? Et j'ai entendu une voix dire : L'humilité » (Antoine, apophtegme II)
Les Pères du désert font peu allusion au diable par contre La Vie d'Antoine donne une grande place à ce combat spirituel de l'ascète contre le diable. Le désert peut être présenté comme une sorte de paradis, mais n'en demeure pas moins le lieu de l'épreuve, comme on le voit pour les tentations du Christ .
Il y a bien un ennemi extérieur, le diable, qui essaye de s'opposer à notre marche vers Dieu, mais il y a aussi un ennemi intérieur à nous-même qui nous empêche d'atteindre la pureté du cœur.
L'apport des Pères du désert a quelque chose à voir avec notre psychanalyse actuelle dans la connaissance de soi, en vue d'aimer véritablement Dieu et les autres.
C'est le rôle de la science pratique que Jean Cassien présente dans le Traité pratique des Institutions cénobitiques (livres V à XII) pour les moines de Lérins en vue de les aider à cette science pratique.
Il étudie successivement huit vices : la gourmandise, la fornication, l'avarice, la colère, la tristesse, l'acédie, la vaine gloire et l'orgueil. Vices dont le combat a pour but de les remplacer par la vertu inverse.
Mais le vice le plus dangereux est l'orgueil qui nous pousse à nous mettre à la place de Dieu. Seule l'humilité, par la grâce de Dieu, peut vaincre ce vice. La Règle de saint Benoît place aussi l'humilité au sommet des vertus.
A nous de choisir, mais l'usage de notre liberté est difficile.
Comme saint Augustin l'explique dans les Confessions, c'est un travail progressif, constamment à reprendre en dialogue avec Dieu, et si possible en relation avec un Ancien expérimenté qui peut être d'une aide précieuse.
3 – La paternité spirituelle
Comme pour le dialogue de Jésus avec son Père, c'est le terme « abba » qui est employé pour rendre compte de la profondeur de la relation, de la filiation, en quelque sorte, qui existe entre le père spirituel et son disciple.
L'abba est souvent représenté sous la forme d'un vieillard, mais c'est plus par signe de maturité que par un âge avancé. Ils sont avant tout des exemples vivants par leur vie qui témoigne de leur foi.
Par la prière et inspirés par l'Esprit-Saint, ils discernent le projet de Dieu sur leurs disciples et les aident à progresser.
Bien évidemment, pour que l'action des Pères du désert soit efficace, l'obéissance, la pureté du cœur et l'abandon à la volonté de Dieu sont nécessaires de la part du disciple. La relation est fondamentalement bilatérale.
« Va avec foi chez ton père spirituel et tu recevras le paradis. » (Starets Silouane)
4 – Toujours veiller
Le père spirituel aide son disciple à toujours veiller, à être attentif à la présence constante de Dieu. Apprentissage difficile qui demande du temps et de la patience.
Dans la récitation et la rumination des psaumes, les Pères du désert trouvent un chemin de dialogue continuel avec Dieu. La prière des psaumes exprime tous les sentiments humains et est un dialogue entre Dieu et l'homme.
La garde des sens est aussi la dimension pratique de la vigilance. Elle supprime tout bavardage inutile, car « si notre intérieur n'est pas vigilant, il n'est pas possible de garder même l'homme extérieur. »
5 - Prier sans cesse
Qu'est-ce que prier sans cesse ?
« Nous ne prions pas seulement lorsque nous sommes debout pour la prière, mais la vraie prière, c'est lorsque tu peux prier sans cesse en toi-même. » (Apoph.20)
C'est le Christ lui-même qui nous appelle à prier sans cesse (Luc 18,1).
« Le terme « prière du coeur » fait comprendre à quel point la prière est un éveil du cœur, ce lieu le plus profond de l'être humain où Dieu habite. Par la prière sans cesse renouvelée, notre cœur est peu à peu pacifié par l'Esprit-Saint qui nous est donné et qui nous rend présents à Dieu, quels que soient le moment et le lieu où on se trouve. C'est une aventure. » (p.44)
Afin de se tenir toujours dans la pensée de Dieu, on peut dire : « Dieu, viens à mon aide ! »
C'est une attitude de confiance et d'humilité où on reconnaît qu'on ne peut rien sans l'aide de Dieu.
« Dieu, viens à mon aide, Seigneur à notre secours. » Ainsi s'ouvre la prière des moines à chaque office. « Cri du cœur de celui qui a été sauvé par le Christ, qui l'appelle,l'écoute, l'attend, le célèbre, le confesse, et cette prière envahit toute l'existence. Elle est fondamentalement relation, communion, voire identification avec le Christ. » (p.46-47)
Il n'y a aucune dissociation entre prière et action, l'une renvoyant à l'autre. C'est une attitude globale, un choix existentiel en vue de se mettre constamment en présence de Dieu.
6 – Le Notre Père
La place qu'occupe dans nos vies la prière continuelle est décisive. Mais abba Isaac n'exclut pas pour autant les autres formes de prière.
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la demande de pardon : c'est le passé
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la promesse : vers l'avenir
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la demande pour les autres : c'est l'ardeur de la charité
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l'action de grâce
Mais la prière par excellence est celle du Notre Père que le Christ a enseigné à ses apôtres qui lui demandaient comment prier.
Nous avons à en redécouvrir la profondeur et la richesse.
Saint Augustin, dans son commentaire du Notre Père pose cette question : « Qu'y a-t-il de plus cher pour des enfants qu'un père ? »
7 – La prière de feu
Avec la prière de feu, qui est un état exceptionnel, abba Isaac envisage non seulement un sommet, mais aussi un tournant dans la prière. (p.56)
« Leur cœur s'enflamme, et il est ravi dans cette prière de feu que le langage humain ne saurait exprimer. » (abba Isaac)
Cette expérience que peu connaissent « est comme un flot montant de toutes les affections saintes à la fois : source surabondante ; d'où sa prière jaillit à plein bord et s'élance d'une manière ineffable jusqu'à Dieu. » (Jean Cassien, Conférence IX).
C'est une expérience si forte, telle que l'ont vécue saint Jean de la Croix ou sainte Thérèse d'Avila, une pure réception du don de Dieu, un pur dialogue avec Lui, que tout le reste a peu d'importance.
« C'est une illumination soudaine et venue du Seigneur, et d'amples vues me sont ouvertes sur les secrets les plus augustes, qui m'avaient été jusqu'alors entièrement cachés. » (abba Isaac)
8 – Devenir une parole vivante
La prière de feu en dépit de son caractère décisif, est pourtant transitoire.
Au quotidien, les Pères du désert « ruminent » la Parole de Dieu, non seulement dans la prière continuelle, mais aussi dans ce qui deviendra la lectio divina.
A leur époque, il était fréquent que les Ecritures soient connues par cœur, faute de livres à disposition de tous, faute de savoir lire parfois. Mais cette mémorisation permettait de mieux en comprendre petit à petit la signification et aussi de faire le lien entre Ancienne et Nouvelle Alliance.
C'est aussi en mettant en pratique la Parole de Dieu, en la vivant qu'elle devient pertinente.
La Constitution Dei Verbum de Vatican II invite à une méditation jour après jour de la Parole de Dieu, à la laisser pénétrer en nous et à devenir ainsi parole vivante dans notre monde. (p.66)
9 – Le discernement, boussole de la vie spirituelle
Abba Antoine dit : « Il y a des gens qui ont broyé leur corps dans l'ascèse, mais pour avoir manqué de discernement, ils se sont éloignés de Dieu. »
Le discernement est la vertu la plus capable de nous conduire à Dieu. Ignace de Loyola en fait le pivot de la vie spirituelle.
Le discernement est un don de l'Esprit-Saint mais il suppose aussi de l'expérience. C'est une sorte de boussole, de gouvernail qu'il faut apprendre à gérer avec si possible l'aide d'un père spirituel.
Le pape François dans le récent Synode des jeunes, a donné une grande importance au discernement.
10 - Comment acquérir le discernement
Le discernement suppose une attitude d'accueil qui n'est autre que l'humilité. Il faut prendre en compte ses limites et reconnaître le don de Dieu. Ce chemin où concourent la liberté et la grâce est sans cesse à reprendre.
Il n'y a pas de recettes pour mettre en œuvre le discernement, mais cela implique une vigilance constante : évaluer les pensées pour voir si elles viennent ou non de Dieu, prendre de la distance pour en donner une bonne interprétation, substituer une pensée qui vient de Dieu à une autre qui ne vient pas de Lui.
C'est un chemin ouvert et plein d'espérance.
11 – L'humilité
« Le vrai discernement ne s'acquiert qu'au prix d'une vraie humilité. » (Jean Cassien)
Le mot « humilité », vient du latin « humus » : le sol.
Les Pères du désert, qui étaient tout entiers ancrés en Dieu, en ont fait la charte de leur vie.
Jean Climaque, maître Eckhart, saint Benoît dans sa Règle rappellent tous que l'humilité est la vertu par excellence. Elle amène à un abandon progressif de ce qui est secondaire pour s'attacher à Dieu seul et vivre de son amour.
« La première humilité consiste à tenir son frère pour plus intelligent que soi et supérieur en tout. La seconde espèce d'humilité, c'est d'attribuer à Dieu les bonnes œuvres. Telle est l'humilité des saints. » (Dorothée de Gaza)
12 – La charité
Jean Climaque (Echelle Sainte 25,37) fait comprendre que la charité, qui est le don même de Dieu, pour être active, suppose que chacun soit à sa juste place, en vivant l'humilité.
Saint Benoit, dans sa Règle (53,1) rappelle que « tous les hôtes seront reçus comme le Christ. » C'est là une ouverture du cœur à la rencontre en profondeur de l'autre, et par là, de Dieu.
La sagesse des Pères du désert s'articule autour de la complémentarité entre l'amour de Dieu et l'amour des frères.
13 – L'hospitalité et l'amitié
S'ils ont été des solitaires, les Pères du désert n'en ont pas moins eu des disciples auxquels ils transmettaient le meilleur de leur vie spirituelle. Pratiquant l'hospitalité et l'amitié, ils ont eu des amis dont l'affection partagée trouvait son origine en Dieu et les rendait frères.
Fragment copte sur la vie du Christ (p.96)
Mes frères, vous qui participez à la bienheureuse vocation (voir Hébreux 3,1)
à laquelle nous avons été appelés
pour devenir fils de Dieu et frères de Notre Seigneur Jésus-Christ,
il nous faut remercier en tout temps Celui qui nous a appelés
et rendus dignes de cette vocation .
Il ne nous suffit pas seulement de plaire au Seigneur comme serviteurs,
mais encore d'être des frères dignes de Celui qui nous a conféré la fraternité,
et des fils dignes de Celui qui nous a reçus au rang de fils.
Servons-le donc volontiers et aimons-le.
14 – Des êtres charismatiques
Antoine, figure emblématique des êtres charismatiques, était appelé le « médecin de toute l'Egypte », en raison de son don de clairvoyance qui lui permettait de déjouer les pièges des esprits mauvais et d'en guérir ceux qui venaient à lui, avec beaucoup de miséricorde et de manière paternelle.
En laissant l'Esprit parler en eux, habités par son souffle, les Pères du désert deviennent ainsi des êtres de lumière, de feu, comme on en voit sur les icônes.
L'être humain est appelé à devenir par grâce ce que Dieu est par nature. (Macaire)
15 – La pureté du cœur et l'actualisation des béatitudes
« Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu ».
Cette béatitude, solidaire des sept autres, résume le but (la pureté du cœur) et la fin (la vie éternelle) de la vie des Pères du désert.
Viser la pureté du cœur est un travail de déblaiement pour laisser dans notre cœur toute la place à Dieu.
St Augustin précise que la charité est un chemin pour voir Dieu et que Dieu ne se voit pas dans un lieu, mais dans un cœur pur.
Accueillir la vie de l'Esprit, dialoguer en profondeur avec Dieu et avec les autres est un idéal à vivre et à recevoir constamment avec humilité.
« Dieu donnera l'Esprit-Saint à ceux qui l'en prient » (Luc 11,13).
C'est dire l'importance de la prière dans la vie chrétienne. Elle renouvelle et fait grandir celui qui prie et rejaillit également sur les autres pour les éclairer. Il n'est pas indispensable de se retirer au désert comme les Pères. Nous avons à cultiver et à habiter notre désert intérieur, lieu du cœur et de la Rencontre.
@ DG - photos personnelles ne figurant pas dans le livre
Denyse
- rubrique 07 - Prier 15 jours avec les PERES DU DESERT
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Jeudi 09 Juillet 2020
ABBAYE cistercienne de FONTFROIDE (Aude)
et auteurs cisterciens
La prière est un amoureux attachement de l'homme à Dieu; une sorte de conversation familière et affectueuse, l'âme illuminée se tenant tranquille, afin de jouir de Dieu aussi longtemps qu'il est permis.
- Guillaume de Saint-Thierry, Lettre aux frères du Mont-Dieu
Vous, mes frères, en qui l'Esprit-Saint a fait naître la foi qui agit par l'amour, protégez-la, nourrissez-la, élevez-la comme Jésus tout petit, jusqu'à ce que soit formé en vous l'Enfant qui est né pour nous.
- Guerric d'Igny , 3°Sermon pour la Nativité
arcatures romanes
L'amour de Dieu comprend deux choses : le sentiment intérieur qui réside dans la douceur du goût spirituel et l'accomplissement des oeuvres qui consiste dans la pratique des vertus.
- Aelred de Rievaulx, La Vie de recluse.
galerie ouest du cloître
Tu rendras le puits de ton coeur profond et large si tu écartes les soucis d'ici-bas, si tu réserves en ton âme un espace pour l'allégresse spirituelle.
- Gilbert de Hoyland, Sermon sur le Cantique des Cantiques
clocher du XIV°s.
J'ai beau être, corps et âme, un seul homme quant à la personne, j'en découvre pourtant deux en moi : le vieux et le nouveau, le terrestre et le céleste, le fils de l'homme et le fils de Dieu.
- Isaac de l'Etoile, 1er Sermon pour le dimanche de la Quinquagésime
Le Christ a bâti son Eglise sur la pierre de la foi.
- Baudouin de Ford, Le Sacrement de l'autel.
réfectoire des frères convers
Tes yeux Seigneur, voient mon insuffisance, mais je sais que tu inscris dans ton livre ceux qui font ce qu'ils peuvent, lors même qu'ils ne peuvent pas tout ce qu'ils doivent.
Bernard de Clairvaux
salle capitulaire
S'il faut que les grandes choses soient faites, il ne faut pas pour cela négliger les petites.
- Saint Bernard - De la considération
dortoir des frères convers
Fais soigneusement la part de ce que tu es par toi-même et de ce que tu n'es que par la grâce de Dieu.
- Saint Bernard, De la considération.
la porte est du réfectoire
Veux-tu avoir la vraie vie, l'éternelle ?
Alors garde ta langue du mal et des lèvres des paroles trompeuses :
détourne-toi du mal et fais le bien,
cherche la paix et poursuis-la.
- Règle de Saint Benoît, Prologue.
Vitrail de la façade ouest. Rosace de la création (1913)
photos D.G - août 2008
Mise à jour : Mardi 14 Juillet 2020, 18:30
Denyse
- rubrique 08 - SPIRITUALITE : Abbaye de Fontfroide (Aude)
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Dimanche 14 Juin 2020
La Pentecôte
LIVRE DES ACTES DES APÔTRES 2, 1-13
01 Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours, ils se trouvaient réunis tous ensemble.
02 Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière.
03 Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux.
04 Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.
05 Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux, venant de toutes les nations sous le ciel.
06 Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient.
07 Dans la stupéfaction et l’émerveillement, ils disaient : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ?
08 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ?
09 Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, de la province du Pont et de celle d’Asie,
10 de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et des contrées de Libye proches de Cyrène, Romains de passage,
11 Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. »
12 Ils étaient tous dans la stupéfaction et la perplexité, se disant l’un à l’autre : « Qu’est-ce que cela signifie ? »
13 D’autres se moquaient et disaient : « Ils sont pleins de vin doux ! »
Trois parties * :
- v.1-13 : la venue de l'Esprit remplissant les disciples et l'interrogation des Juifs
- v.14-41 : le discours de Pierre à l'auditoire juif
- v.42-47 : la première communauté chrétienne
v.1 - Entrée en matière solennelle, comme souvent dans l'Evangile quand s'annonce un événement important. La référence à la fête juive de la Pentecôte relie ce passage au récit de l'alliance au Sinaï. Qui va recevoir l'Esprit ? « Tous ensemble » insiste sur l'unité du groupe . Pas seulement les douze apôtres mais toute la communauté croyante. Marie, la mère de Jésus, et ses frères étaient présents.
v.2 – Bruit, violent coup de vent évoquant le « Souffle » venant du ciel donc expérience indicible. Jésus est monté au ciel mais les cieux ne sont donc pas fermés. Ce qui arrive est inexprimable et Luc utilise des métaphores et des comparaisons.
v.3 – Après le bruit, la vision de langues de feu (comme du feu). Jean-Baptiste avait prophétisé un baptême dans l'Esprit-Saint et le feu. Le feu est caractéristique des manifestations de Dieu comme au Sinaï (Exode 19,18). On peut noter aussi que les langues « se partagent », ce qui suppose une origine commune et une communication à chacun.
v.4 – le vent devient le souffle, les langues de feu des langages variés. Chacun comprend l'autre. Ce n'est pas une réalité objective mais une signification de ce qui arrive. C'est ainsi que doit être annoncée la Bonne Nouvelle, dans le don de l'Esprit et compréhensible par tous .
Pierre le redira, comme l'avait d'ailleurs annoncé le prophète Joël : Ce qui s'est donné à voir et à entendre est bien la manifestation eschatologique de l'Esprit.
(L'eschatologie est le discours sur la fin du monde ou la fin des temps. )
Le cercle de ceux qui reçoivent le don de l'Esprit-Saint va s'élargir à tous ceux qui le désirent, y compris les païens.
La communauté chrétienne commence bien à la Pentecôte et non avec la naissance ou le début de mission de Jésus.
v.5 – Dans ce début des Actes, seule la maison d'Israël (Ac2,36) est destinataire de la Parole. Les personnages qui vivent cette pentecôte sont des juifs pieux même si les v.9-11 soulignent la diversité de l'auditoire. Cependant une étape importante sera franchie lors de l'évangélisation des païens.
v.6 – On peut noter que la voix entendue (théophanie : voix de Dieu) rassemble la foule mais aussi la jette dans la confusion. On retrouve ici ces paradoxes fréquents dans l'Evangile. Il y a également ce passage de « parler » à « entendre » et surtout dans sa propre langue. Le message peut être compris.
v.7-8 – Ceux qui parlent sont galiléens, du pays de Jésus. Ils sont reconnus à leur accent comme Pierre, lors du reniement a été trahi par sa voix.
v.9-11 – Cette liste présente une analogie avec le dénombrement de juifs répandus à travers le monde (diaspora). La parole de l'Evangile a vocation à être entendue de tous les peuples de tous pays, mais les juifs d'abord, les païens ensuite (Ac10, Rm1,16).
On est toujours dans une perspective eschatologique et vers la venue du Règne de Dieu, ultime merveille.
v.12-13 – Mais la réalité s'impose : la division des auditeurs à l'écoute de la prédication chrétienne (thème typiquement de saint Luc)
Malgré leur « stupéfaction et leur perplexité », certains s'interrogent et restent ouverts.
D'autres « se moquent » et ne voient rien de divin dans tout cela.
Ce sont deux réactions que nous connaissons bien face à un événement insolite, comme on peut l'être, par exemple lors d'un rassemblement charismatique qui déconcerte.
Entendre parler de la résurrection de Jésus fut tout aussi déstabilisant. Cela reste vrai aujourd'hui.
D'origine païenne, la fête de la Pentecôte est une fête agricole où l'on célébrait la fin de la moisson des blés. (Ex 23,16 ; 34,22), d'où le nom de « fête de la moisson » (Exode 23,16) ; son rituel se lit dans le Lévitique (23,15-21). Elle doit avoir lieu cinquante jours après la Pâque, également fête agricole.
Ce ne sera pas aussitôt que cette fête sera rattachée à l'histoire du salut. Elle est d'abord une fête de l'Alliance. Ce n'est qu'au 2°s.,que les sages vont commémorer le don de la Loi au Sinaï (Chavouot). On n'en est pas encore, au temps des Actes, à opposer le don de la Loi au peuple juif et le don de l'Esprit à la communauté chrétienne.
Mais il est intéressant de relire la théophanie d'Exode 19 aux manifestations bien proches de celles de la Pentecôte.La voix divine est bien destinée à être entendue de tous, proches et lointains.
Lien également avec le récit de la tour de Babel : d'abord c'était « une seule voix pour tous » (Gn11,1) mais l'orgueil des hommes fera disparaître rapidement cette langue commune : « Descendons et confondons leur langue afin que nul ne puisse entendre la voix de son voisin » (Gn17).
Les Actes des apôtres (Ac2) affirme tout à la fois que la Parole de Dieu est une et que chacun l'entend dans sa langue maternelle. L'islam est aux antipodes de cette conception ; il critique précisément ce qui caractérise le christianisme : le fait que chacun des apôtres parlait dans la langue du peuple auquel il était destiné.
L'Esprit-Saint.
Dans saint Jean, c'est le soir même de la découverte du tombeau ouvert que le Ressuscité souffla sur eux et leur dit : »Recevez l'Esprit-Saint » (Jn20,22), alors que Luc dans les Actes situe cette réception de l'Esprit après la fin des expériences pascales (Ac1,6-11)
Pour Jean, comme pour Paul, l'Esprit est à l'origine de la foi. Jésus « a remis l'Esprit » en mourant sur la croix.
Pour Luc, l'Esprit est donné à ceux qui croient et qui reçoivent le baptême. Il donne la force de témoigner dans un monde hostile. Grâce à lui, Pierre prononcera le premier discours missionnaire.
Saint Luc a très probablement composé lui-même la totalité du récit, à partir de sa tradition évoquant les grandes manifestations de Dieu dans l'Ancien Testament et notamment le don de la Torah au Sinaï. On peut penser que Luc a rattaché la date de la fête juive de la Pentecôte au moment des moissons, comme marquant le moment où les apôtres mirent des juifs, rassemblés à Jérusalem, en face de la proclamation chrétienne.Et il met en scène la survenue de l'Esprit par des signes visibles et audibles. Le parler en langues signifie qu'il s'agit d'une communication universelle. On peut envisager aussi l'infinie diversité des interprétations qui procède de l'inépuisable Parole de Dieu.
Le groupe des douze apôtres au parler galiléen qui le liait étroitement à Jésus devient « le noyau de l'Eglise universelle » (D. Marguerat – La première histoire du christianisme p.157-158).
Lecture des Pères de l'Eglise
Le Livre des Actes est fort peu commenté par les Pères.
Vers l'an 400, Jean Chrysostome qui rédige une cinquantaine d'homélie sur les Actes, remarque que le livre est quasi ignoré des fidèles.
« Qu'était-ce cette Penrecôte ? C'était l'époque où il fallait porter la faucille dans les moissons... Le temps était venu de lancer la faux de la parole évangélique, de recueillir la moisson, l'Esprit lui-même prend son essor pareil à une faux tranchante. (Homélie 4 sur les Actes, 1)
Le chiffre 7
Symbolisme du 7 et du 7X7 : du 8° et du 50°jour qui fait entrer dans une vie nouvelle. 50 marque donc aussi la rémission des péchés.
Les 50 jours, les 50 deniers (Lc7,41) , le Ps 50 : le nombre s'accorde à la miséricorde et au pardon.
Le jour de la Pentecôte les disciples s'étaient rassemblés dans « la chambre haute ».
« Il n'est pas possible de participer à l'Esprit-Saint si l'on habite pas dans la chambre haute de cette vie. » (Grégoire de Nysse- Homélie pour la Pentecôte)
Isaïe ( Is10,17) montre que le Saint-Esprit n'est pas seulement lumière mais feu (« la lumière d'Israël deviendra un feu » - Ex3,2-6). Dans les Actes des Apôtres, quand le saint Esprit descend sur les fidèles, il fut vu sous l'aspect de feu. Quel est donc ce feu ?... Ce feu qui rend meilleures les bonnes actions, en fait comme de l'or, et qui consume les péchés comme s'ils étaient de la paille. Tel est l'Esprit-Saint qui est appelé face du Seigneur, feu et lumière. » (Ambroise de Milan – Homélie sur le Saint-Esprit)
Pour Origène et Léon le Grand , c'est le même Esprit-Saint qui fut dans les patriarches et les prophètes et qui par la suite, fut donné aux apôtres. Mais de l'AT au NT, il y a un degré plus élevé de la puissance de l'Esprit. Les avis, à cette époque, restent partagés. Divinité de l'Esprit ? Inséparabilité du Père, du Fils et de l'Esprit ?
« Chacun d'eux parlait les langues de tous les peuples, et l'unité de l'Eglise se trouvait figurée par toutes ces langues. Nous avons ici un symbole de l'unité de l'Eglise répandue par tout l'Univers . »
(St Augustin, 2°sermon pour la Pentecôte)
Ascension et Pentecôte n'ont que lentement et diversement émergé de la cinquantaine pascale comme des fêtes distinctes.
* cf. "Le récit de la Pentecôte" - Cahiers Evangile n°124 - Ed.du Cerf
Denyse
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